Dissertation philosophie "peut on être libre sans être citoyen ?"
Publié le 11/05/2024
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«
Peut-on être libre sans être citoyen ?
Introduction : Si Mandela a pu s'écrier à sa sortie de prison « il n'existe pas de liberté
partielle », c'est sans doute qu'il entendait l'idée d'une liberté absolue, totale, qui ne pourrait
seulement se cantonner à la sphère privée.
On lui demandait en effet, en échange de sa
libération, d'arrêter de militer.
Or il ne pouvait accepter une telle « liberté ».
Si certes, il sortait
de prison et obtenait donc une liberté physique, il ne pouvait plus être libre d'agir et de
s'exprimer en faveur d'« une société libre et démocratique ».
Ainsi posé, comment comprendre
cette affirmation de Mandela ? Pourquoi une liberté partielle ne serait pas possible ? Pour
traiter ce sujet, il nous est utile de revenir à une analyse succincte du concept de liberté, qui
nous servira de point de départ.
Le concept de liberté trouve son origine à Athènes dans le cadre de la cité sous le nom de
Eleuteria et se lie intimement avec la citoyenneté.
Historiquement, il n'est de liberté qu'au sein de la Cité, polis, en grec qui donnera notre terme
de politique.
En effet, dans la démocratie d'Athènes du VIIème siècle avant J-C, celui qui est
libre est le citoyen.
Ce n'est pas l'esclave, la femme, l'artisan ou le métèque, qui eux sont
soumis à leurs besoins vitaux -- ou en dehors de la cité pour le métèque.
La liberté dépendait
donc entièrement du statut de citoyen.
Mais, lorsque la démocratie athénienne commence à décliner, lorsque des guerres civiles
éclatent, et que des luttes d'intérêts envahissent l'Agora en lieu et place de la défense du bien
commun, les Épicuriens, mais aussi les Stoïciens, entendent placer le champ de la liberté non
plus en politique dans la sphère publique, mais sur le plan de l'individu, sphère privée.
Être
libre, c'est être capable de maîtriser ses désirs, de se maîtriser sans être dépendant des
événements extérieurs.
Ainsi, dans le Jardin d’Épicure, on accepte les femmes et les esclaves,
qui peuvent aussi prétendre à la liberté au même titre que les autres.
Ce qui ne s'est plus remis
en doute depuis, et s'est même accentué, avec le christianisme.
L'un de ses représentants,
Augustin, montre bien que la liberté est un don divin attribué à tous les hommes, et devient le
choix individuel de faire le Bien ou le Mal.
A partir du déclin de la démocratie athénienne donc, on commence à penser la liberté en
dehors de la Cité.
Cette transformation du concept de liberté rend les choses plus complexes
qu’elles ne l’étaient.
En effet, il était facile de distinguer l'homme libre de celui qui ne l’étais
pas car c’était une condition inséparable de son statut social et politique.
Aujourd’hui, qu'estce qui nous permet de dire qu'un homme est libre ou non ? Est-ce qu'on a pu se libérer de la
charge de la cité ? Ou bien devons-nous y revenir ? Il semble bien que la politique ne soit pas
le lieu de la liberté : spectacle de tous les dérapages, conflits, affaires de corruption, discours
de manipulation des masses, ne soit pas un domaine où l'on soupçonnerait trouver l'essence
de la liberté, bien au contraire.
Faudrait-il alors pour être libre laisser de côté la cité, et chercher
cette liberté en notre for intérieur, au sein de la sphère privée ?
La cité peut se définir au sens strict comme étant aujourd'hui l’État ; mais aussi au sens large,
la société.
En effet, la Cité antique était à la fois une communauté de vie et une communauté
politique dans le cadre d’une ville.
Cependant, au sens usuel, le citoyen n'est pas simplement
membre de la société, puisque dans la société on prend en compte les différents statuts des
individus.
Il est membre d'un État au sein duquel il est égal aux autres citoyens, a les mêmes
droits et doit obéir aux mêmes lois.
Est-ce que cette condition de citoyenneté est nécessaire
pour établir la liberté ? et est-elle encore suffisante ? Ou bien sommes-nous libres en tant
qu'individus, en dehors de l’État et des règles qu’ils nous imposent ?
On se demandera en droit, si l’on peut affirmer légitimement que l'homme est libre en dehors
de son statut politique de citoyen ? Ou bien si cette liberté se rattache directement à la
citoyenneté, lui conférant une puissance réelle ?
Si finalement les hommes ont la capacité d’être libres sans être citoyens, doit-on alors en
déduire que l’Etat est superflu? Plus encore que signifie « être » citoyen ? La citoyenneté estelle simplement un statut qu'on attribue ? ou bien une activité pratique de l’individu, qui le
définit et construit son essence ? A ce moment, on peut se demander laquelle parmi ces types
de citoyenneté correspond véritablement a une condition de liberté.
D'abord, il s'agit de comprendre ce que pourrait être d’un point de vue philosophique et
anthropologique la liberté de l’homme en dehors de la vie politique.
Ce qui nous amènera à
établir que les conditions de possibilité de cette liberté sont inséparables d'une organisation
politique de la communauté.
Il nous faudra éclairer les limites et risques de l’organisation
politique moderne qui n’est pas suffisant en soi pour garantir la liberté de l’homme.
C'est à
partir d'une conception enrichie de la politique et de la cité qu’on pourra repenser le concept
de liberté lui-même en lui donnant une dimension active et existentielle.
I L'homme libre n'est pas le citoyen, mais au contraire, celui qui n'est pas soumis au
pouvoir de l’État.
A En effet, si l'Etat est celui qui établit les lois, il est aussi celui qui restreint la liberté
de puissance de chacun.
L'Etat est ce qui devient un obstacle à ma liberté.
En effet, il
est communément admis que la liberté est la possibilité de faire ce que l'on veut sans
contrainte, et dans la limite de nos capacités.
C'est l'idée du « droit illimité » de Rousseau, « la
puissance » chez Hobbes, ou la liberté comme licence chez Calliclès dans le Gorgias1 de
Platon.
Selon Calliclès, « Le luxe, l’incontinence et la liberté, quand ils sont soutenus par la
force constituent la vertu et le bonheur » « Pour bien vivre, affirme Calliclès, il faut laisser
prendre à ses passions tout l’accroissement possible, au lieu de les réprimer et, quand elles
ont atteint toute leur force, il faut être capable de leur donner satisfaction par son courage et
son intelligence et de remplir ses désirs à mesure qu’ils éclosent ».
Calliclès fait l’apologie
d’une vie livrée au flux des désirs, à la recherche effrénée de plaisirs polymorphes, d’autant
plus intenses qu’ils ignorent toute forme de barrière.
Mais cette liberté ne semble pas satisfaisante.
Car l'homme, vivant en société, il se heurtera
rapidement à plus fort que lui.
Ce qui nous amènera inéluctablement à être régis par la « loi
du plus fort ».
Qui n'est d'ailleurs pas une loi au sens où c'est l'Etat qui la promulgue, bien au
contraire : ce serait une loi « naturelle ».
Mais alors la liberté aurait quand même une limite !
B Nous pourrions alors envisager avoir comme seules limites, celles des lois sociales.
Elles nous permettraient de cohabiter en communauté et en paix.
Il existe ainsi des
sociétés traditionnelles qui n'ont pas de structure étatique du pouvoir.
Elles ont toutefois
une organisation politique, qui comprend un chef, n'ayant par ailleurs qu'un pouvoir
symbolique.
C'est ce que montre Pierre Clastres dans La société contre l'Etat décrivant le
fonctionnement de chefferie indienne.
Le chef joue un rôle d'arbitre des conflits, mais ne dirige
rien, ni personne.
Son pouvoir est symbolique, il est un bon orateur, et c'est ce qui lui permet
de maintenir la paix.
Enfin, il doit faire don de tous ses biens dès lors qu'on lui en fait la
demande.
Il est d'ailleurs le plus pauvre des membres du groupe, car il doit faire don de tout
ce qu'il a pour le bien de tous en cas de famine.
Si ce dernier ne fait pas ce qu'on attend de
lui, les autres membres du groupe peuvent tout simplement déménager et le laisser seul, sur
place, « pour rejoindre un leader plus fidèle à ses devoirs 2».
Mais cette liberté qui semble à première vue enviable, ne l'est pas : qui, dans ce cas, fait les
lois non-écrites ? Ce n'est pas les individus, ce sont les ancêtres et les Dieux.
Ce qui induit
une pyramide sociale figée, et l'absence de toute évolution possible.
On commence ici à
entrevoir les limites d'une telle liberté.
Par ailleurs, nous pouvons envisager l'an-archie, qui serait une société sans commandement,
sans État, où chacun, serait ainsi capable de se diriger soi-même, suivant sa raison.
Mais, à
l'heure actuelle, cette forme d'organisation sociale semble n'être qu'une utopie, un lieu (topos)
qui n'existe nulle part.
C La liberté intérieure : sans être citoyen, l'homme éprouve comme une évidence sa
liberté, explique Descartes dans les Méditations métaphysiques IV.
Notre pensée et notre
volonté sont illimitées et personne ne peut....
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