Dissertation kendura sur la connaissance et la morale
Publié le 10/10/2022
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«
Dissertation
Depuis sa création au XVIème siècle, les fonctions du romans ont sans cesse évolué selon les
mouvements littéraires des différentes époques.
Durant tout ce temps, et encore aujourd'hui, les
Hommes se sont posé la question de ce que doit être un roman et de son utilité possible dans la
société.
Milan Kundera, écrivain français d'origine tchécoslovaque du XXème siècle, se penche
sur la question dans L'art du roman (1986) et déclare: "Découvrir ce que seul un roman puisse
découvrir, c'est la seule raison d'être d'un roman.
Le roman qui ne découvre pas une portion
jusque là inconnue de l'existence est immoral.
La connaissance est la seule morale du roman".
Quel sens peut-on donner à cette affirmation et dans quelle mesure se vérifie-t-elle ?
Nous l'apprécierons en explicitant tout d'abord ce qu'est « la seule raison d'être du roman » selon
l'auteur, puis nous verrons comment les notions de « morale » et de « connaissance » sont ici
liées.
Commençons par une brève rétrospective des significations du terme « roman ».
Au Moyen Âge, le latin, en tant que langue officielle de la France, n’est connu que d’une minorité
de la population, constituée essentiellement de religieux et de lettrés, et son usage se restreint aux
textes écrits.
Les communications orales se font en langue romane, originalement issue mais
définitivement dégagée du latin, qui « s’affirme aussi comme étant de plus en plus différente, non
seulement de ce qui allait devenir l’italien, l’espagnol, mais aussi des idiomes en usage au sud du
territoire gallo-romain» (Chaurand).
Pour rendre certains textes accessibles à un public plus large,
il faut les transcrire ou écrire en langue romane.
Le terme « roman » désigne donc tous les textes
écrits en langue romane dans ce but, qui s’opposent alors aux textes écrits en latin, notamment les
textes officiels et sacrés.
Vers 1140, le « roman » veut dire un récit en français, d’abord en vers, puis en prose, qui raconte
«des aventures fabuleuses ou merveilleuses, les amours de héros imaginaires ou idéalisés »
(Rey-Debove,1996).
Au XVIIeme siècle, le «roman» est devenu un genre littéraire autonome en
France (Pageaux).
Un quart de siècle plus tard, le «roman» est défini dans le Dictionnaire de
l’Académie française (1694) comme le récit d’ «aventures fabuleuses d’amour et de guerre»
(Chartier).
Au siècle suivant, dans son article écrit pour L’Encyclopédie ou dictionnaire raisonné
des Arts, des Sciences et des Métiers (17151-1772) dirigée par Diderot et d’Alembert, Louis de
Jaucourt (1704-1779) donne au «roman» une définition assez connue: «Histoire fictive de diverses
aventures, extraordinaires ou vraisemblables, de la vie des hommes.» (Chartier)
Si l’espace nous permet, nous pouvons citer davantage de définitions.
Mais ça ne changera pas le
fait qu’elles manquent toujours d’unanimité et de clarté !
L’univers romanesque est pour Kundera le « monde de la vie » (Lebenswelt) au sens de Husserl –
le monde de l’expérience humaine, celle qui existe avant les concepts.
Donc, il est aussi un
univers autonome.
De là, Kundera tire une de ses thèses centrales de la poétique du roman:
l’autonomie du roman en tant que forme artistique indépendante.
La connaissance que transmet le
roman n’existe pas avant sa création ni en dehors de sa forme concrète, et on ne peut pas la
transposer sur un autre niveau discursif, c’est-à-dire dans le langage philosophique ou
sociologique, et d’un essai critique.
Le sens intégral du roman ne se confond pas avec les idées et
les conceptions de l’auteur telles qu’il les exprime dans des essais, des articles, sa
correspondance ou des entretiens.
Se déclarant être l’héritier spirituel de Cervantès, Kundera lui-même définit ainsi le « roman » :
« La grande forme de la prose où l’auteur, à travers des ego expérimentaux (personnages),
examine jusqu’au bout quelques thèmes de l’existence.» (Kundera A, p.175) Voici une autre
définition plus claire qu’il donne: «Le roman est une méditation sur l’existence vue au travers de
personnages imaginaires.» (Kundera A, p.102) En comparant les définitions du «roman» qu’il
donne et l’éloge de Bergsson qu’il fait, nous trouvons le même accent toujours mis sur l’existence
de l’homme moderne.
Kundera a une forte conviction que la découverte ou la révélation d’un nouvel aspect de l’existence
humaine est une fonction fondamentale du roman.
Il est bien d’accord avec l’obstination
d’Hermann Broch (1886-1951) alors on peut ainsi cité l’objet central de notre analyse: «Découvrir
ce que seul un roman peut découvrir, c’est la seule raison d’être d’un roman.
Le roman qui ne
découvre pas une portion jusqu’alors inconnu de l’existence est immoral.
La connaissance est la
seule morale du roman.» (Kundera A, p.16).
Le roman ne livre ni un tableau historique fidèle d’une
époque, ni une analyse critique de sa structure sociale.
En examinant l’histoire du roman européen, Kundera trouve que tous les grands thèmes
existentiels que Heidegger analyse dans son célèbre Etre et Temps (Sein und Zeit, 1927), ont déjà
été dévoilés, par quatre siècles de roman européen: «Un par un, le roman a découvert, à sa
propre façon, par sa propre logique, les différents aspects de l’existence: avec les contemporains
de Cervantès, il se demande ce qu’est l’aventure; avec Samuel Richardson, il commence à
examiner “ce qui se passe à l’intérieur”, à dévoiler la vie secrète des sentiments; avec Balzac, il
découvre l’enracinement de l’homme dans l’Histoire; avec Flaubert, il explore la terra jusqu’alors
incognita du quotidien; avec Tolstoï, il se penche sur l’intervention de l’irrationnel dans les
décisions et le comportement humains.
Il sonde le temps: l’insaisissable moment présent avec
Marcel Proust; l’insaisissable moment présent avec James Joyce.
Il interroge, avec Thomas Mann,
le rôle des mythes qui, venus du fond des temps, téléguident nos pas.
Et caetera, et caetera.»
(Kundera A, p.15).
Kundera rejette la convention des historiens qui enregistrent ce qui se passe sans faire distinction
du grand et du petit.
Un grand historien est non seulement un grand savant, mais aussi un grand
penseur, dont l’intérêt n’est pas de noter les événements du passé, mais d’éclairer ses
contemporains et les générations à venir en démontrant les grandes lignes et la logique de
l’évolution de l’Histoire.
Pour Kundera, il n’y a qu’un seul et stricte critère pour juger si les œuvres
romanesques pourraient avoir le droit de cité dans l’histoire du roman: «La succession des
découvertes (et non pas l’addition de ce qui a été écrit) fait l’histoire du roman européen.
»
(Kundera A, p.16)
Naturellement, l’histoire du roman est pour lui le « seul contexte où l’on peut saisir la valeur d’un
roman ».
(Kundera A, p.177.) Depuis la commercialisation générale du roman en Europe au xixe
siècle, les ouvrages romanesques sont devenus une sorte de marchandises.
Et la création
littéraire s’est mêlée et confondue souvent avec la production des histoires écrites, dont le but est
le grand succès dans le marché, qui signifie la vente en grande quantité.
Au milieu du XIXeme
siècle apparaît la critique littéraire professionnelle, dont la mission est d’aider les lecteurs à faire de
bons choix, car ces derniers risquent toujours de se faire aveuglement guider par les publicités
commerciales.
Sainte-Beuve (1804-1869), le plus grand critique littéraire français de l’époque, est
très conscient de sa mission.
Face à la montée d’une culture de masse, il insiste sur la valeur du
classique: «Un vrai classique (comme j’aimerais à l’entendre définir), c’est un auteur qui a enrichi
l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus, qui a
découvert quelque vérité morale non équivoque, ou ressaisi quelque passion éternelle dans ce
cœur où tout semblait connu et exploré; qui a rendu sa pensée, son observation ou son invention,
sous une forme n’importe laquelle, mais large et grande, fine et sensée, saine et belle en soi; qui a
parlé à tous dans un style à lui et qui se trouve aussi celui de tout le monde, dans....
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