Discours devant la Chambre des députés (9 mai 1838)Élu député de Bergues en 1834.
Publié le 22/05/2020
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Discours devant la Chambre des députés (9 mai 1838)
Alphonse de Lamartine
Élu député de Bergues en 1834.
Étatisation des chemins de fer.
D'abord, j'ai commencé par le dire, je veux des chemins de fer.
Entendons-nous,
Messieurs, je n'en veux pas improviser étourdiment un réseau complet, entrepris sur
mille points à la fois, achevé sur aucun, et jetant le pays dans une expérience de deux
milliards ; mais j'en veux d'abord un, un grand, le plus nécessaire de tous, parce qu'il va
se renouer à tout un système de voies parallèles déjà organisé sur vos frontières du
Nord.
Je veux celui de Bruxelles avant tout.
Je veux ensuite celui de Paris à Strasbourg,
puis celui de Paris à Marseille.
Je veux donc des chemins de fer immédiatement
entrepris, et promptement et réellement terminés...
...
Vous avez des offres, des gages, des certitudes...
Mais quand les capitaux seraient
tous atteints de folie, quand des compagnies se présenteraient sans tarifs exagérés, sans
minimum d'intérêt, sans monopole d'actions, je vous dirais : refusez-les encore.
Oui,
refusez-les, pour ne pas vous déclarer incapables, pour ne pas engager votre sol et
inféoder votre avenir de viabilité à une puissance d'intérêt individuel, rivale de la
puissance de la nation ; pour ne pas vous enlever à vous, nation, la liberté de vos
mouvements, la détermination de vos lignes, l'indépendance de vos tarifs, les
améliorations, les expériences, les rectifications que vous aurez à tenter ; en un mot,
pour ne pas vous dépouiller de la disponibilité complète et votre action actuelle et
surtout future dans l' œuvre de vos chemins de fer.
Ah ! messieurs, il y a un sentiment qui m'a toujours puissamment travaillé en lissant
l'histoire ou en voyant des faits...
C'est l'incompatibilité de la liberté sincère,
progressive, avec l'existence des corps dans un État et dans une civilisation...
...
Jamais gouvernement, jamais nation n'aura constitué en dehors d'elle une puissance
d'argent, d'exploitation, et même de politique, plus menaçante et plus envahissante que
vous n'allez le faire en livrant votre sol, votre administration, et cinq ou six milliards à
vos compagnies.
Je vous prophétise avec certitude, elles seront maîtresses du gouvernement et des
Chambres avant dix ans...
Mais, disent les préopinants, l'État est incapable.
L'État est
incapable ? Je vais commencer par vous demander à vous, si les compagnies, de
quelque nature qu'elles soient, ont donné jusqu'ici tant de preuves de leur merveilleuse
capacité ? Leur histoire, hors une seule exception, et encore rentre-t-elle dans mon
système, leur histoire n'est que celle de nos désastres, de nos ruines, de nos catastrophes
industrielles et coloniales.
Rien de grand ne s'est fait, de grand, de monumental en
France, et je dirais dans le monde, que par l'État : et comment cela serait-il autrement ?.
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