Discours de la méthodeRené DescartesLe " cogito ergo sum "Jugeant que j'étais sujet à faillir autant qu'un autre, je rejetai comme fausses toutes lesraisons que j'avais prises auparavant comme démonstrations.
Publié le 22/05/2020
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1 / 2 Discours de la méthode
René Descartes
Le “ cogito ergo sum ”
Jugeant que j'étais sujet à faillir autant qu'un autre, je rejetai comme fausses toutes les
raisons que j'avais prises auparavant comme démonstrations.
Et enfin, considérant que
toutes les mêmes pensées que nous avons étant éveillées, nous peuvent aussi venir
quand nous dormons sans qu'il y en ait aucune pour lors qui soit vraie, je me résolus de
feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées en l'esprit n'étaient non plus
vraies que les illusions de mes songes.
Mais aussitôt après, je pris garde que, pendant
que je voulais aussi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le
pensais, fusse quelque chose.
Et remarquant que cette vérité : je pense donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes
les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler,
je jugeais que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la
philosophie que je cherchais.
Puis, examinant avec attention ce que j'étais, et voyant que je pouvais feindre que je
n'avais aucun corps, et qu'il n'y avait aucun monde ni aucun lieu où je fusse ; mais que
je ne pouvais feindre pour cela que je n'étais point ; et qu'au contraire de cela même que
je pensais à douter de la vérité des autres choses, il suivait très évidemment et très
certainement que j'étais ; au lieu que, si j'eusse seulement cessé de penser, encore que
tout le reste de ce que j'avais imaginé eût été vrai, je n'avais aucune raison de croire que
j'eusse été ; je connus de là que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature
n'est que de penser, et qui, pour être, n'a besoin d'aucun lieu, ni ne dépend d'aucune
chose matérielle.
En sorte que ce moi, c'est-à-dire l'âme par laquelle je suis ce que je suis,
est entièrement distincte du corps, et même qu'elle est plus aisée à connaître que lui, et
qu'encore qu'il ne fût point, elle ne laisserait pas d'être tout ce qu'elle est.
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