DIDEROT, LE CONTEUR

« DIDEROT, LE CONTEUR Diderot n'est pas un véritable romancier.

Le genre qu'il affectionne tient le milieu entre le conte et le dialoguephilosophique.

Il écrivait ces ouvrages pour son plaisir, pour fixer des pensées fugitives.

Il n'en a publié que deux :Les Bijoux indiscrets et Les Deux Amis de Bourbonne.

Pourtant c'est là que se révèle sa 'personnalité profonde.

Leurpublication posthume a permis d'avoir une vue plus complète non seulement de son talent, mais de ses sentimentset de ses idées.

Il en résulte ce paradoxe, que nous connaissons certainement mieux Diderot que ne le connaissaitle public du XVIIIe siècle.Il n'a pas grand souci de la composition.

Ses contemporains non plus, d'ailleurs Mais chez lui, le désordre estpresque une règle.

Il saute d'un sujet à l'autre, selon le hasard de l'inspiration.

Il n'est à son aise que dansl'improvisation, avec les outrances et les effusions qu'elle permet.

Il s'abandonne à ses humeurs, ses fantaisies, sesenthousiasmes, ses indignations, ses rêves.

Il ne fait rien pour sortir de lui-même.

Il prête à ses héros ses proprestraits.

Le maître de Jacques le Fataliste n'est pas exactement son porte-parole, mais intellectuellement, par songoût de la morale et de la discussion philosophique, il lui ressemble.

Jean-François Rameau représente ses tendancesanarchiques habituellement refoulées et auxquelles, pour une fois, il lâche la bride.Diderot conteur est un maître du réalisme.

Comme Mérimée ou Stendhal, il parsème son récit de « petitescirconstances » qui font dire : « Ma foi, cela est vrai : on n'invente pas ces choses-là ».

Sen exceptionnelle facultéd'observation encore accrue par la pratique de la critique d'art lui permet de dessiner à grands traits constammentretouchés des personnages ou des groupes saisis dans leur originalité profonde, images dont le pittoresque nedescend jamais à la caricature facile et auxquelles il sait donner la vie par le mouvement et le dialogue.. »