Déterminisme social
Publié le 22/02/2024
Extrait du document
«
Il faut maintenant démontrer que ce qui est valable au niveau des « actes de bases » se trouve
parfaitement véri é cette fois-ci au niveau des actions plus élaborer comme se marier, opter pour un
métier de son choix, fréquenter des amis choisis, aller au musée, écouter de la musique classique ou
non, etc.
Pour cela il faut déconstruire un autre préjugé en faveur de la liberté : il s’agit de la
croyance selon laquelle l’homme serait, par nature, un individu solitaire capable de se dégager, au
moyen de sa libre activité, du poids du monde.
Il s’agit de la croyance d’après laquelle l’homme
serait parfaitement capable de vivre en « apesanteur sociale ».
Et en effet, il suf t de dé nir
l’existence humaine au moyen de la conscience seule (Sartre), pour se rendre aveugle, tout à la fois, à
son enracinement profond dans un corps et à l’inscription d’un tel corps dans un monde socialhistorique déjà constitué.
On se refuse alors de regarder à quel point ce sujet est impuissant à
s’affranchir des déterminations structurales qui sont inhérentes à « l’espace social » dont il n’est que
le produit.
Or, certains philosophes ont clairement dé ni le corps social comme un champ de forces et
d’antagonismes entre les hommes.
Un philosophe comme Marx, par exemple, va tenter de remettre
la philosophie en adéquation avec cet état de fait.
Il soutient qu’il faut remettre la philosophie sur ses
pieds car, jusqu’ici, elle ne faisait que marcher sur la tête, tant elle accordait la prééminence à l’esprit
sur la matière, à la conscience sur le corps.
C’est pourquoi il écrit :
« Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence
sociale qui détermine leur conscience.
»
Il suf t de bien lire pour comprendre que l’idée d’un homme conscient, libre et totalement détaché
du monde sociale qu’il peut regarder et transformer de l’extérieur et en surplomb n’est qu’une pure
ction.
En quoi consiste une telle
ction ? Elle accomplit une sorte d’inversion de la réalité,
renversement par lequel on en vient à croire que le monde sociale se trouve modi é grâce à l’idée
que nous en avons, grâce à la pensée qui domine le monde sensible de sa hauteur.
Cette ction, nous
dit Marx, n’est qu’une « réalisation fantastique » de l’homme qui se heurte à la réalité matérielle
justement ; elle se heurte donc aux conditions d’existence réelle d’hommes réellement existant.
Dans
les faits matériellement ordonnés, l’homme se trouve manipulé de l’extérieur dans la plus grande
partie de ses actes, y compris dans ceux qui sont, en apparence, les plus désintéressées.
Par exemple,
notre goût pour la promenade, ou pour l’aviation, le carnaval ou le golf, etc.
répondent en fait
entièrement à des exigences liées à l’appartenance de classe.
Or toutes ces déterminations de classe
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sont, pour une très large part, d’ordre socio-économique.
Cela signi e que l’orientation même de
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§2) Le déterminisme social.
nos désirs, de nos pensées et de nos idées, des croyances comme des représentations que nous avons
de nous-mêmes et des autres se trouvent entièrement surdéterminées par notre appartenance
sociale.
Les représentations que nous avons du monde social lui-même se trouvent, elles aussi,
entièrement conditionnées par la place que nous y occupons.
Or les classes sociales se laissent tout
d’abord dé nir par les conditions matérielles et réelles d’existence, c’est-à-dire nalement par la
position que l’on occupe, malgré soi, au sein d’un espace social différencié et hiérarchisé.
Or ce monde social-historique se trouve, de part en part, structuré et traversé par des
rapports de forces entre les classes.
Il s’agit d’un monde où chacun lutte pour faire triompher ses
intérêts.
Mais ces intérêts que l’on poursuit spontanément, sans y ré échir, sont eux-mêmes relatifs
au point que l’on occupe au sein de l’espace social.
Si bien que ceux qui partagent une position
sociale semblable ont très fortement tendance à poursuivre les mêmes intérêts, et s’emploient à tout
pour les faire triompher face aux autres.
Il s’agit donc, avant tout, d’intérêts de classe qui se trouvent
incorporés par les individus qui n’en sont que les supports.
C’est ainsi que chacun exprime, sans le
faire exprès, au niveau super ciel de sa conscience, les représentations (superstructures) qui sont, en
fait, propres au groupe social auquel il appartient malgré lui (infrastructure).
Il y a alors sens à dire que
la conscience des individus ne leur appartient pas en propre, elle est non pas une conscience
proprement individuelle, mais une « conscience de classe », ou plus exactement encore il s’agit d’un
« inconscient de classe ».
Par exemple, d’après Marx il existe, dans les sociétés modernes, deux
grandes classes sociales distinctes qui s’affrontent en permanence en vue de faire triompher leurs
intérêts respectifs : (i) d’un côté, le prolétariat, les salariés, les ouvriers, etc.
qui ne possèdent que leur
force de travail nue, qu’ils ne peuvent que vendre contre un salaire ; (ii) de l’autre côté, les bourgeois
(patrons, détenteurs des capitaux et des moyens de production) qui ne détiennent pas la force de
travail dont ils ont pourtant besoin.
Le Bourgeois se trouve être animé, malgré lui, par la recherche
effrénée du pro t, il cherchera donc à gagner plus d’argent en en dépensant le moins possible.
Il
entre donc dans son intérêt le plus immédiat de réduire le coût de production, notamment en
baissant le salaire de l’ouvrier, tout en le faisant travailler davantage (son seul levier disponible).
Or, il
se trouve que cet intérêt se heurte directement à celui des salariés qui voudraient voir augmenter
leur salaire et diminuer leur temps de travail.
Ce heurt entre les classes n’est pas expressément voulu
ni explicitement choisit par qui que ce soit, il ne faut donc pas voir dans le capitaliste une sorte de
créature malé que animée d’une volonté méchante.
C’est d’ailleurs pourquoi Marx n’hésite pas à écrire
dans sa préface au Capital qu’il ne
s’agit ici des personnes qu’autant qu’elles sont la personni cation de catégories économiques, les
supports d’intérêts et de rapports de classes déterminés.
Mon point de vue d’après lequel le
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développement de la formation économique est assimilable à la marche de la nature et à son histoire,
peut moins que tout autre rendre l’individu responsable de rapport dont il reste socialement la
créature, quoi qu’il puisse faire pour s’en dégager.
Les sociétés modernes se trouvent donc, par une nécessité implacable, déchirées par une série de
luttes entre des classes d’individus aux intérêts antagonistes.
Tous les individus ne sont donc que les
produits de la société à laquelle ils appartiennent malgré eux, puisqu’ils ne sont pas plus libres de
naître ouvriers que grands bourgeois, qu’ils ne le sont de naître oiseaux plutôt que chameaux.
On pourrait, cependant, objecter que chaque individu se trouve parfaitement en capacité de
jouir de la possibilité de travailler en vue de changer de position sociale, et « qu’avec de la (bonne)
volonté » on pourrait alors échapper au destin social, à cette sociodicée par laquelle les formations
sociales sont « assimilables » à une marche forcée.
Le problème est que les individus appartiennent
nécessairement à une classe sociale, appartenance qui n’est le fruit d’aucune décision : on ne
s’improvise pas plus bourgeois que mécanicien.
Or, cette appartenance de classe façonne tellement
les individus qu’elle leurs confère des aptitudes et des attitudes, des postures, des manières d’être et
de faire, des manières de penser et de sentir qui leur sont spéci ques.
Si bien que la simple position
occupée dans l’espace social se trouve être au principe de tout un ensemble de catégories de perception et
d’appréciation du monde social, de toute une vision du monde.
Cette vision du monde n’est alors que
la projection, au sens quasi cinématographique du terme, au niveau de la conscience, du point
qu’on occupe au sein de l’espace social.
On parle en ce sens d’un point de vue, puisqu’il s’agit bien
d’une vision que l’on prend à partir d’un point de l’espace social.
Que faut-il conclure de là ? Il faut
en déduire que, derrière les particularités les plus sensibles, il est toujours possible de dégager les lois
d’airain auxquelles elles se trouvent être assujetties.
Or, la plupart du temps, ces lois restent cachées
aux agents.
Ainsi, dans La Distinction, Pierre Bourdieu avait cherché à montrer que les gens possèdent
les goûts, les manières d’être et de faire, les manière de sentir et de penser propre à leur classe
sociale.
En effet, d’après Bourdieu, chacun intériorise et incorpore (c’est-à-dire fait, sans le faire
exprès, entrer dans son corps) ce qui se fait dans son monde ambiant, et cela dès les premiers
moments de la vie, par imitation et fréquentation.
Les façons de se tenir, de marcher, de manger, de
se parler, ce qu’on aime, et ce qu’on n’aime pas, etc., se « déposent » progressivement dans le corps
et le cerveau de l’individu, et deviennent pour....
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