Depuis : « Le jour de la fête arriva » jusqu'à : « Je vais appeler un fiacre» (p. 36). LA PARURE DE MAUPASSANT
Publié le 15/05/2020
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«
Depuis : « Le jour de la fête arriva » jusqu'à : « Je vais appeler un fiacre» (p.
36).
LA PARURE DE MAUPASSANT
« Le bal tournant du récit»L'étude de ce texte particulièrement suggestif permet de mettre en place l'utilisation des outils grammaticaux etstylistiques nécessaires à l'adoption d'une démarche cohérente, dans la pratique ultérieure de la lecture méthodique.Nous choisirons un axe structurant : l'opposition entre le rêve de Mathilde et son brutal retour à la réalité.
1.
Le rêve de CendrillonMathilde, transfigurée par sa robe (acquise p.
32) et par sa précieuse parure, fait figure, comme Cendrillon, de « reine d'unsoir ».
L'effet en est accentué par l'accumulation des adjectifs qualificatifs et par le foisonnement des compléments du nomexprimant son rayonnement : « Elle était plus jolie que toutes, élégante, gracieuse, souriante et folle de joie ».Pour la première fois de sa vie, Mathilde se sent belle et heureuse, enfin reconnue.
On procédera au relevé systématiquedes mots appartenant au champ lexical du bonheur (exercice quasi ludique auquel les élèves du 1" cycle sont rompus) etsoulignant ainsi toute l'importance du thème.
En outre, les structures de phrases répétitives n'ont d'autre but que desouligner la joie, la plénitude et l'enthousiasme de la jeune femme : « Elle dansait [...] dans le triomphe de sa beauté,dans la gloire de son succès, dans une sorte de nuage de bonheur...
»Ainsi, elle est heureuse et elle danse.
La valse l'emporte dans un tourbillon voluptueux.
Le vocabulaire utilisé nous noiealors dans l'imprécision propre au rêve : Mathilde est ainsi dépeinte « grisée par le plaisir », « dans une sorte de nuage debonheur » ; et le texte se fait danse, par le rythme ternaire de ses phrases, les temps de la valse : « Tous les hommes laregardaient, demandaient son nom, cherchaient à être présentés.
»Mathilde obtient ce soir-là tout ce dont elle rêvait : « Elle eût tant désiré plaire, être enviée, être séduisante et recherchée» (p.
28).
C'est chose faite : « Tous les hommes la regardaient [...].
Le ministre la remarqua» (p.
36).
Le succès unanimeressort de la hiérarchie sociale, volontairement mise en scène par Maupassant : ce sont d'abord tous les hommes, puis lesattachés de cabinet, enfin le ministre lui-même, qui accordent leur attention à l'éclat de la jeune femme.
C'est là lefondement de cette phrase qui, à l'ouverture, peut susciter la perplexité : « Mme Loisel eut un succès.
» Pourquoi unsuccès ? On pourra tenter de rechercher des équivalents significatifs : l'indéfini exprime en effet un succès unique, unsuccès absolu, un succès éphémère.
2.
Un rêve éphémère : la valeur des temps dans le récitUn succès total, magnifique, inoubliable parce qu'il ne dure que le temps d'une valse...
On aura soin de mettre en évidencel'emploi des temps dans le texte, et en particulier l'opposition de l'imparfait et du passé simple.
Mme Loisel eut un succès :voilà bien l'expression la plus rapide et la plus dépouillée qui soit de ce moment tant attendu.
À titre de comparaison, onrapprochera la phrase inaugurant l'évocation des préparatifs fastidieux du bal avec celle qui ouvre le récit de la fête : « Lejour de la fête approchait» (p.
32) / «Le jour de la fête arriva» (p.
36).D'ailleurs, le déséquilibre de la composition apparaît de manière flagrante à travers l'étendue des préparatifs, qui couvrentplus de trois pages, alors que le bal lui-même en occupe moins d'une.
Le rythme même du texte, son aspect tourbillonnant,ses structures redondantes, accentuent l'impression de rapidité qui accompagne la lecture : « Elle dansait avec ivresse,avec emportement [...], dans la gloire de sa beauté, dans le triomphe de son succès, dans une sorte de nuage debonheur...
»Autant d'impressions de lecture qui renvoient à l'expérience du temps, et qui font appel au souvenir de chacun pourmanifester l'évanescence des moments heureux.
3.
Départ ou fuite ?Pour Mathilde, comme pour Cendrillon qui, elle aussi, a oublié l'heure, le retour à la réalité s'avère pour le moins brutal ..— L'intrusion brusque du dialogue constitue le premier signe de réveil chez Mathilde, emportée hors de la réalité.
L'arrivéede son mari, qui lui parle et s'adresse à elle sans détour, constitue une sorte de rupture avec le monde de la danse et durêve, que vient interrompre le cortège des préoccupations triviales, à commencer par la nécessité de s'en aller, et donc derevenir à la réalité.
La présentation du mari, dans les premières pages de la nouvelle, son enchantement devant le pot-au-feu du dimanche (p.
27), de même qu'ici, son sommeil lourd et peu discret, manifestent une vulgarité qu'elle exècre.— Le jeu du vocabulaire, de la même façon, rend immédiatement perceptible les oppositions entre le registre abstrait —liéà l'évocation des sensations et des sentiments suscités par le bal — et l'irruption d'un univers concret, à traversl'accumulation des détails matériels.
Les termes employés renforcent d'ailleurs la violence du choc qui s'exerce entre cesdeux mondes : « [Son mari] lui jeta sur les épaules les vêtements qu'il avait apportés pour la sortie, modestes vêtementsde la vie ordinaire» (p.
36) qui incitent Mathilde à fuir pour apaiser la violence du contraste entre le rêve entrevu et la vieétriquée qu'elle s'apprête à retrouver.— Le sens exact du verbe « jurer », employé de manière intransitive à la fin du texte, restitue d'ailleurs toute l'ampleur dugouffre qui sépare ces deux univers irréconciliables.
Deux univers qui, par leur antagonisme radical, incitent Mathilde à fuiréperdument et, par là même, à plonger définitivement dans la vie besogneuse qu'elle refusait..
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