délire
Publié le 06/12/2021
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délire n.m. (angl. Delusion; allem. Delir, Wahn). Selon S. Freud, tentative de guérison, de reconstruction du monde extérieur par restitution de la libido aux objets, privilégiée dans la paranoïa et rendue possible grâce au mécanisme de la projection, qui per-met que ce qui a été aboli au-dedans revienne au sujet du dehors.
Freud conclut en 1911 ses Remarques psychanalytiques sur l'autobiographie d'un cas de paranoïa (le président Schreber) de la manière suivante : «Les rayons de Dieu schrébériens, qui se composent de rayons de soleil, de fibres nerveuses et de spermatozoïdes condensés ensem-ble, ne sont au fond que la représenta
fion concrétisée et projetée au dehors d'investissements libidinaux et ils prêtent au délire de Schreber une frap-pante concordance avec notre théorie.« Et il ajoute : «L'avenir dira si la théorie contient plus de folie que je ne vou-drais, ou la folie plus de vérité que d'autres ne sont disposés aujourd'hui à le croire.« La valeur que Freud accorde ainsi au texte du délire de Schreber, l'aise qu'il se donne, c'est, nous dit Lacan, «simplement celle, décisive en la matière, d'y introduire le sujet comme tel, ce qui veut dire ne pas jau-ger le fou en termes de déficit et de dissociation des fonctions «. C'est de cette position freudienne initiale, l'ap-pui pris sur le texte de Schreber (Mémoires d'un névropathe, 1903), que J. Lacan repartira pour mettre à l'épreuve de la thèse de l'inconscient structuré comme un langage la ques-tion de la psychose et du délire. Le Séminaire III, 1955-56, «les Psychoses « — repris pour l'essentiel, en 1959, dans le texte «D'une question préliminaire à tout traitement possible de la psy¬chose« (Écrits, 1966) — en est le témoi¬gnage. L'ensemble de ces textes, celui de Schreber compris, constitue la réfé¬rence indispensable à l'abord psycha¬nalytique de la question du délire.
SIGNIFICATION ET MÉCANISME DU DÉLIRE
Freud se démarque radicalement des conceptions de son époque concernant la signification du délire : « Ce que nous prenons pour une production morbide, la formation du délire, est en réalité une tentative de guérison, une reconstruc¬tion. « Comment entendre cette défini¬tion ? Dans la conception freudienne de l'appareil psychique telle qu'elle s'arti¬cule à la première topique, cette défini¬tion donne au délire la signification d'un symptôme, c'est-à-dire d'une for¬mation de substitut dont les conditions d'apparition relèvent d'un mécanisme général commun à la névrose et à la
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buées au délire : tentative de guérison, reconstruction, se rapportent égale¬ment à d'autres formations substitu¬tives (conversion, obsession, etc.). Elles sont les manifestations de cette étape de l'évolution de tout processus psy-chopathologique qui intervient après celle du refoulement et que Freud appelle «le retour du refoulé «. Si le refoulement consiste à détacher la libido des objets dans le monde exté-rieur, dans la réalité, le retour du refoulé est au contraire une tentative de resti-tution de la libido vers le monde exté-rieur, mais sur un mode régressif par rapport au précédent. Si la signification du retour du refoulé comme tentative de guérison a une portée générale, le symptôme par lequel il se manifeste dépend en revanche de conditions par-ticulières. Pour ce qui concerne le délire, que Freud rapporte d'une manière paradigmatique à la paranoïa, il convient de le concevoir comme un moyen pour le sujet de se défendre contre un afflux de la libido homo-sexuelle. Dans la paranoïa, en effet, la libido, d'abord détachée du monde extérieur par le refoulement, reste pour un temps flottante, puis vient renforcer par régression les divers points de fixa-tion qui se sont produits au cours de son développement et, surtout, le fan-tasme de désir homosexuel, primor-dialement refoulé dans l'enfance. Cet afflux de la libido homosexuelle —dont la tendance, pour pouvoir s'écou-ler, consiste à sexualiser les investisse-ments sociaux du sujet et en particulier les relations avec des personnes du même sexe que lui — représente ainsi une double menace : celle d'annihiler les acquis de la sublimation et d'être à l'origine de représentations inaccep-tables, telles quelles, pour la conscience.
En quoi consiste donc le mécanisme du délire, qui permet au sujet de se défendre dans une telle situation? Freud évoque ce mécanisme sous le
sions et des fusions d'éléments. L'épreuve de réalité doit contrôler l'étendue de ces déformations.
Dans cette troisième phase apparaît le critère de l'action motrice. Celle-ci met fin à l'ajournement du penser. Elle fait passer à l'agir. Le juger devant être alors considéré comme un tâtonne-ment moteur, avec faible décharge. Cet ajournement (allem. Denkaufschub) est à considérer comme un «motorisches Tasten « nécessitant peu d'efforts de décharge: «mit geringen Abführauf-wanden«. Mais « abführen«, c'est em-mener, transporter... évacuer, expulser. Le moi va goûter les excitations exté-rieures pour se retirer à nouveau après chacune de ses avancées tâtonnantes. Cette activité motrice, on le voit, est différente de celle qu'on peut imaginer de la première phase. Le mouvement du moi, par avancée et retrait, rappelle la première ébauche du dehors et du dedans. Cet écho de la phase primitive se marque dans les différents sens des mots employés par Freud.
Cette genèse de l'intérieur et de l'ex-térieur donne une vue sur la naissance du jugement à partir des pulsions pri-maires. L'affirmation (allem. Bejahung), comme équivalent de l'unification, est le fait d'Éros. Dans le jugement d'attri-bution, c'est le fait d'introjecter, de nous approprier au lieu d'expulser au dehors. L'affirmation est l'équivalent (allem. Ersatz) de l'unification (allem. Vereinigung); et la négation le succes-seur (allem. Nachfolger) de l'expulsion ou de l'instinct de destruction (allem. Des-truktionstrieb). L'accomplissement de la fonction de jugement n'est rendu possible que par la création du sym¬bole de la négation. D'où son indépen¬dance à l'égard du refoulement et du principe de plaisir. Aucun «non«, dit Freud, ne provient de l'inconscient.
La reconnaissance de l'inconscient par le moi s'exprime par une formule négative. Dès les Études sur l'hystérie (1895), Freud constata cette forme par¬
ticulière de résistance. Dans les rêves, il note qu'une pensée dirigée dans un sens a, auprès d'elle, une pensée de sens opposé, ces deux pensées étant liées en vertu d'une association par contraste. Puis il ajoute : «Ne pas arriver à faire quelque chose est l'expression du non. « C'est cette dimension de l'im¬possible que J. Lacan appellera le réel. Ainsi, la négation, comme symbole, s'articule au réel.
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