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Définition: AFFIRMANT, -ANTE, participe présent, adjectifet substantif.

Publié le 08/12/2021

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Définition: AFFIRMANT, -ANTE, participe présent, adjectifet substantif.

I.- Participe présent de affirmer*

II.- Adjectif. Qui affirme :

Ø 1. Quelques esprits, en ce siècle, font tapage par la négation; c'est aux grandes âmes qu'est réservée l' affirmation. Vous avez le droit au oui. Usez-en.
Usez-en pour vous et pour tous. Dieu a, au milieu des hommes, une preuve, le génie. Vous êtes, donc il est. Je considère une page affirmante comme
un service rendu au genre humain, et quand cette page est écrite par vous, elle a la lumière double, la gloire s'ajoutant à la vérité.

VICTOR HUGO, Correspondance, 1865, pages 506-507.

Remarque  : Dans le langage de la philosophie, peut être à l'occasion combiné avec l'élément préfixal auto-  :

Ø 2. Mon corps n'est ni constitué au sens de l'objectivité, ni constituant au sens du sujet transcendantal; il échappe à ce couple de contraires. Il est
moi existant Cette intuition ne pouvait être atteinte dans aucune des « attitudes » proposées par Husserl. « L'attitude » transcendantale instituée par la
réduction transcendantale et l'attitude naturelle ont en commun la même évacuation de la présence en quelque sorte auto- affirmante de mon existence
corporelle.

PAUL RICOEUR, Philosophie de la volonté, 1949, pages 19-20.

III.- Substantif . DROIT. rare. Celui qui affirme, c'est-à-dire atteste l'exactitude d'un acte (Confer affirmer I B 2 b) :

Ø 3. Les formalités qui doivent être observées dans les procès-verbaux destinés à constater les contraventions concernant les boissons (...) sont les suivantes : 1 o. Les procès-verbaux doivent être dressés et signés par deux employés au moins; (...) 14o. le procès-verbal doit être affirmé par deux des saisissants au moins; 15o. le procès-verbal

doit être affirmé dans les trois jours de sa clôture; 16o. il doit être affirmé devant le juge de paix ou son suppléant; 17o. l' affirmation doit énoncer qu'il a été donné lecture du procès-verbal aux
affirmants .

Dictionnaire général d'administration (ALFRED BLANCHE) 1857, page 1411, au mot procès-verbal.

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 287. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 149, b) 373; XXe. siècle : a) 678, b) 484.

Forme dérivée du verbe "affirmer"

affirmer

AFFIRMER, verbe transitif.

I.- Emploi transitif . [Le sujet désigne normalement une personne ou un groupe de personnes; l'objet désigne une chose]

A.- [Le complément d'objet désigne une réalité matérielle ou morale]

1. [Le complément désigne une réalité matérielle]

a) Vieux, littéraire. Rendre ferme, consolider :

Ø 1. En conséquence, Thomas Pollock Nageoire plante le paquet de dollars sur la table et l' affirme au moyen de la brique qui servait à caler celle-ci.

PAUL CLAUDEL, L'Échange, 2e. version, 1954, I, page 749.

- Au figuré :

Ø 2.... trop de modestie dépare la maturité. Sois plus grave et plus ferme; tu ne peux plus impunément rester un petit jeune homme ni un petit garçon.
Badine moins et ne te laisse pas traiter sans façon. Mesure ton droit et ton devoir, et maintiens les autres à leur place en affirmant nettement la tienne.
Remplis ton rôle d'homme fait avec la dignité qui sied à ton âge et à ton caractère. Joue moins avec toi-même et fais moins bon marché des formes
extérieures. Sois moins timide et moins défiant; prends de l'assurance et de la virilité.

HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime, 23 juin 1866, page 335.

b) En particulier . ARTS PLASTIQUES. [En parlant d'une forme, d'une couleur] Rendre (plus) précis ou plus tranché. «  Affirmer une forme : dessiner avec
précision. » (HUGUES, EXPRESSIONS D'ATELIER . ) :

Ø 3. Le galet de Predmost (...) apporte le précieux témoignage d'un de ces transferts d'apparence de la réalité sur un objet qui s'en rapproche. De volume
et de silhouette, il est la réduction approximative d'un mammouth. La tentation d' accentuer, d' affirmer ce rapport s'empara de la main qui avait ramassé
la pierre. L'intervention d'instruments est manifeste dans les entailles qui ont souligné ou précisé le modelé de la tête, de l'épaule, dans les incisions qui
ont dessiné la queue du pachyderme...

RENÉ HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, page 109.

- Par analogie :

Ø 4. Presque jamais les métaphores ne se précisent, et jamais l'écrivain n'essaye de rivaliser de « rendu » avec la peinture ou la sculpture. S'il dessine
un paysage, c'est d'un trait mince et qui dégage un caractère moral dont les couleurs et les lignes sont le transparent symbole. La période, un peu lente,
mais souple, est adaptée au rythme de la parole intérieure qui sort du fond d'une conscience ramenée sur elle-même et se racontant son rêve. Les
formules d' atténuation abondent, attestant, avec une certaine incapacité d' affirmer, un souci méticuleux de la nuance.

PAUL BOURGET, Essais de psychologie contemporaine, 1883, page 37.

Remarque  : Dans cet exemple, affirmer est sans doute pris aussi au sens de « exprimer avec vigueur une vérité ».

2. [Le complément d'objet désigne une chose abstraite, une entité morale ou spirituelle] Donner à quelque chose une forme consistante, nette, qui l'impose :

Ø 5. - Oui, Monsieur, me répondit en hésitant, avec un certain accent d' incrédulité et de doute, le père Litaud. Mais je voyais dans sa physionomie,
dans son regard qui parcourait des pensées distraites, et dans l'attitude de sa tête qui se penchait comme pour chercher quelque chose sur l'herbe, que
le vieillard n' affirmait pas assez intérieurement le oui qu'il m'avait dit de premier mouvement.

ALPHONSE DE LAMARTINE, Le Tailleur de pierre de Saint-Point, 1851, page 399.

Ø 6. La seule opinion importante, raisonnable, appuyée sur des faits incontestables, affirmée par l'expérience et méticuleusement étayée sur des
preuves scientifiques, me paraît être celle de M. F. de Persigny. Selon lui, les pyramides n'ont servi de tombeaux que par occurrence et pour ainsi dire
accidentellement; leur but véritable et réel était d'arrêter et de rompre les tourbillons de sable libyque,...

MAXIME DU CAMP, Le Nil, Égypte et Nubie, 1854, page 74.

Ø 7. Dans aucun temps ne s'est marqué, exprimé, affirmé, et même proclamé plus fortement, le mépris de ce qui assure la perfection propre des
oeuvres, leur donne par les liaisons de leurs parties l'unité et la consistance de la forme, et toutes les qualités que les coups les plus heureux ne
peuvent leur conférer.

PAUL VALÉRY, Variété III, 1936, page 47.

Ø 8. Il est bien connu que ce qui fixe notre esprit à une certitude est indéfinissable. Je ne vais donc pas essayer de me figurer celle-ci, mais je risquerai
toutefois une certaine analogie à titre de simple suggestion. Je songe donc à cette espèce de force et de consistance qui affirme ou confirme en nous
une opinion ou une résolution toute conforme au besoin de notre sensibilité.

PAUL VALÉRY, Variété V, 1944, page 279.

3. [Le complément d'objet concerne la consistance ou la personnalité d'un être, d'un objet] Poser (et parfois) imposer avec vigueur dans l'existence :

Ø 9. La musique du Moyen Âge exalte la personnalité humaine par opposition au panthéisme. Le héros tel que le conçoit Nietzsche est antipathique,
inhumain. En outre ce héros, si fort qu'il affirme sa personnalité, accepte de s'anéantir, de disparaître, de se dissoudre dans la grande nature.
Nietzsche prétend que cette affirmation de la nature n'est pas une méconnaissance complète de la personnalité parce que la nature continuera de vivre
autour du héros.

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 6, juillet -août 1907, pages 6-7.

Ø 10. Peu à peu se sont dégagés les éléments visibles qui constituent une peinture : lignes et formes, matières et couleurs; mais il lui faut, scellant leur
unité, affirmer son existence, se constituer en réalité autonome, irréductible à quoi que ce soit d'autre. Ce but premier de la création artistique ne sera
atteint que par la composition.

RENÉ HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, page 209.

Ø 11. Encore une fois, les images de la rondeur pleine nous aident à nous rassembler sur nous-mêmes, à nous donner à nous-mêmes une première
constitution, à affirmer notre être intimement, par le dedans.

GASTON BACHELARD, La Poétique de l'espace, 1957, page 210.

B.- [Le complément d'objet désigne une réalité concrète ou abstraite posant une question et appelant un jugement de valeur ou d'existence, d'authenticité]

1. [Le jugement est un jugement de valeur] Présenter nettement une chose comme bonne :

Ø 12. Dans l'embarras où jette le particulier, on cherche une autorité : on crée une règle; on lui confère une valeur d' absolu; on affirme tout ce qu'elle
affirme et rejette tout ce qu'elle nie. Ainsi, plus d' hésitations, de troubles ni d'inquiétudes. (...) M. Godeau allait choisir « sa règle »; tout ce qu'elle
n' affirmerait pas serait erroné ou mal. Tout ce qu'elle affirmerait serait vrai ou bien.

MARCEL JOUHANDEAU, Monsieur Godeau intime, 1926, page 51.

2. [Le jugement est un jugement d'existence ou d'authenticité; le complément est un nom de chose, un pronom neutre, une proposition subordonnée]

a) Langage général, philosophique, théologique, etc.. Présenter (énergiquement ou nettement) une chose, un fait, une déclaration, etc., comme vrai (conforme à la
réalité) ou comme authentique (d'une réalité contrôlée). Oseriez-vous bien affirmer cela? (Dictionnaire de l'Académie Française) :

Ø 13.... entre la foi qui affirme la présence, dans le monde, de deux élémens constitutifs, la matière et l'esprit, et le rationalisme qui nie l'un ou l'autre, où
se trouve, même humainement, la plus grande probabilité du vrai?

PÈRE HENRI-DOMINIQUE LACORDAIRE, Conférence de Notre-Dame, 1848, page 108.

Ø 14. Juger. - C'est l'action de l'esprit par laquelle, joignant ensemble diverses idées, il affirme de l'une qu' elle est l'autre, ou le nie. Tel est le
jugement, la proposition, qui suppose les mots et les parties du discours. La grammaire générale se retrouve ici à sa vraie racine.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 3, 1848, page 475.

Ø 15. « Avant midi nous serons à bord, » répondit simplement l'impassible gentleman. Cela fut affirmé si nettement, que Passepartout ne put
s'empêcher de se dire à lui-même : « Parbleu! Cela est certain! Avant midi nous serons à bord! » Mais il n'était pas rassuré du tout.

JULES VERNE, Le Tour du monde en quatre-vingts jours, 1873, page 77.

Ø 16. Aux naïfs qui ont pris au sérieux leur conscience, (...) on objecte, au nom d'une expérience plus pleine et d'une science plus ouverte, que toute
certitude absolue naît d'un défaut d'intelligence et d'une ignorance partielle, que toute rigidité pratique est la marque d'un coeur étroit ou d'une obtuse
sensibilité. Pour affirmer avec assurance quelque réalité que ce soit, pour poser résolument le problème moral, il faut un degré d'inexpérience et de
simplicité dont on s'amuse, entre esprits de bonne compagnie, comme d'une gaucherie de paysan;...

MAURICE BLONDEL, L'Action, Essai d'une critique de la vie, 1893, pages 10-11.

Ø 17.... on affirmera que telle ou telle chose est, on n' affirmera jamais qu'une chose n'est pas. D'où vient donc qu'on s'obstine à mettre l'affirmation et
la négation sur la même ligne et à les doter d'une égale objectivité? (...) La raison en est sans doute que négation et affirmation s'expriment, l'une et
l'autre, par des propositions, (...). Que je dise « le sol est humide » ou « le sol n'est pas humide », dans les deux cas (...) ces concepts sont représentés
par les mêmes mots conventionnels. Dans les deux cas on peut même dire, à la rigueur, que la proposition vise une fin sociale et pédagogique, puisque
la première propagerait une vérité comme la seconde préviendrait une erreur. Si l'on se place à ce point de vue, qui est celui de la logique formelle,
affirmer et nier sont bien en effet deux actes symétriques l'un de l'autre, dont le premier établit un rapport de convenance et le second un rapport de
disconvenance entre un sujet et un attribut. - Mais comment ne pas voir que la symétrie est tout extérieure et la ressemblance superficielle?

HENRI BERGSON, L'Évolution créatrice, 1907, pages 290-291.

Ø 18. Renan avait enseigné à ces générations amollies qu'il est élégant de ne rien affirmer sans le nier aussitôt, ou du moins sans le mettre en doute. Il
était de ceux dont parle saint Paul, « en qui il y a toujours oui, oui, et puis non, non ». Toute l'élite française s'était enthousiasmée pour ce credo
amphibie. La paresse de l'esprit et la faiblesse du caractère y avaient trouvé leur compte. On ne disait plus d'une oeuvre qu'elle était bonne ou
mauvaise, vraie ou fausse, intelligente ou sotte. On disait : - Il se peut faire... Il n'y a pas d'impossibilité... Je n'en sais rien... Je m'en lave les mains.

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, page 721.

Ø 19.... avant le concile du Vatican, tels ou tels, qui ne voulaient pas entendre parler de l'infaillibilité du Pape, restaient néanmoins persuadés que le
Pape ne pouvait pas se tromper. Ils avaient ce dogme dans les moelles, pour ainsi dire; le mot seul contrariait leurs habitudes, et leur faisait peur. On
sait du reste, que non seulement pour se répandre, mais aussi pour acquérir toute leur force, ces vérités presque muettes, ces convictions et ces
émotions latentes, ont besoin d' être affirmées, répétées, amplifiées par la parole ou par la plume, tant qu'enfin elles paraissent aussi anciennes que
l'Église, ce qu'elles sont en effet, et qu'elles deviennent des lieux communs.

ABBÉ HENRI BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 3, 1921, pages 28-29.

Ø 20. Odile était un être qui avait besoin de domination. Elle voulait imposer sa volonté, sa vérité. Sa beauté lui avait donné confiance en elle et elle
croyait, presque de bonne foi, que si elle affirmait une chose, celle-ci devenait vraie.

ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, Climats, 1928, page 237.

Ø 21. David était grand, large, parlait haut, affirmait sa pensée du geste. Ingelby, petit, mince et droit, le teint très pâle, les yeux morts derrière un
pince-nez sévère, avait l'air d'un professeur de grammaire, mais le geste court et sec de la main disait l'homme autoritaire. Le front tendu affirmait la
volonté. Et la nervosité des doigts maigres, une certaine mobilité de la narine, en dépit d'une impassibilité voulue, décelaient l'émotivité, l'orgueil, les
réactions intérieures profondes.

MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, page 311.

Ø 22. Du doute cartésien nous avons montré qu'il implique un pouvoir de diriger son attention, de détacher le jugement de son contenu, de gouverner
ses pensées. Douter c'est choisir parmi la multiplicité de nos croyances celles qui sont fermes et fixes et méritent d' être affirmées - c'est aussi, et par
le même mouvement de pensée, nier les autres. Le doute est l' affirmation dans la croyance de la supériorité et de la liberté du sujet. Pour Spinoza au
contraire il n'y a pas de différence entre la volonté et l'entendement, ou plutôt la volonté c'est l'entendement lui-même en tant qu'il affirme ou qu'il nie.

JEAN LACROIX, Marxisme, existentialisme, personnalisme, 1949, page 97.

Remarque  : Dans les exemples suivants, le complément est une proposition implicitement subordonnée :

Ø 23. Tout citoyen peut affirmer : ceci est vrai; cela est juste; mais sa conviction n'oblige que lui : pour que la vérité qu'il proclame devienne loi, il
faut qu'elle soit reconnue. Or, qu'est-ce que reconnaître une loi? C'est vérifier une opération de mathématique ou de métaphysique; c'est répéter une
expérience, observer un phénomène, constater un fait.

PIERRE-JOSEPH PROUDHON, Qu'est-ce que la propriété? 1840, page 340.

Ø 24.... je pris ainsi l'habitude de séparer chaque instant de ma vie, pour une totalité de joie, isolée; pour y concentrer subitement toute une particularité
de bonheur; de sorte que je ne me reconnaissais plus dès le plus récent souvenir. Il y a un grand plaisir, Nathanaël, à déjà tout simplement affirmer :
Le fruit du palmier s'appelle datte, et c'est un mets délicieux. Le vin du palmier s'appelle lagmy; c'en est la sève fermentée;...

ANDRÉ GIDE, Les Nourritures terrestres, 1897, page 172.

- Spécialement .

· PHILOSOPHIE. [Le complément est un mot exprimant l'idée de vérité ou son contraire] Exprimer nettement :

Ø 25.... et de toutes les sectes de philosophie, les plus considérées à Rome furent celle des stoïciens, qui parloient de la vertu, et celle de l'Académie,
qui cherchoit de tous côtés, ne se fixoit que dans son incertitude, et n' affirmoit pas de vérité, de peur de soutenir une erreur.

LOUIS-GABRIEL A. DE BONALD, Législation primitive considérée dans les derniers temps par les seules ténèbres de la raison, tome 1, 1802, page
14.

Ø 26. Les actes de cette faculté, nos conceptions sont essentiellement affirmatives, sinon oralement, du moins mentalement. Nier même, c'est affirmer;
car c'est affirmer le contraire de ce qu'on avait affirmé d'abord. Douter, c'est affirmer encore; c'est affirmer l' incertitude. D'ailleurs, nous ne
débutons évidemment ni par le doute ni par la négation, mais par l' affirmation. Or, affirmer d'une manière quelconque, c'est juger.

VICTOR COUSIN . Histoire de la philosophie du XVIIIe . siècle tome 2, 1829, pages 381-382.

Confer également l'exemple 27 ci-dessous.

· THÉOLOGIE. Affirmer Dieu. Antonyme : nier Dieu :

Ø 27. Poser l'existence de Dieu, c'est bien en réalité poser un rapport de Dieu à la conscience immédiate, mais c'est explicitement nier ce rapport. Mais
comment une pensée peut-elle affirmer Dieu sans le poser comme existant? C'est-à-dire sans même l' affirmer comme vérité? Il est clair qu'elle ne le

peut qu'à condition d'être une foi.

GABRIEL MARCEL, Journal métaphysique, 1914, page 33.

Ø 28.... pour un philosophe chrétien tel que saint Anselme, se demander si Dieu est, c'est se demander si l'être existe, et nier qu'il soit c'est affirmer que
l'être n' existe pas. Voilà pourquoi sa pensée fut longtemps obsédée par le désir de trouver une preuve directe de l'existence de Dieu, qui fût fondée sur
le seul principe de contradiction. (...) Le tort de saint Anselme, et ses successeurs l'ont bien vu, fut de ne pas se rendre compte que la nécessité
d' affirmer Dieu, au lieu de constituer en soi une preuve déductive de son existence, n'est qu'un point d'appui qui permet de l'induire.

ÉTIENNE GILSON, L'Esprit de la philosophie médiévale, tome 1, 1931, pages 63-64.

- emploi absolu . [Fréquemment en particulier dans la langue philosophique ou théologique] Formuler énergiquement ou nettement une vérité (positive ou
négative) :

Ø 29. Le génie étendu voyant tout, ou du moins considérant également tout ce qu'il peut atteindre, est nécessairement impartial : il ne sauroit être
toujours exempt d'erreurs; mais toujours il sera libre de préjugés : d'ailleurs trop vaste pour croire qu'il n'y a d'existant que ce qu'il connoît, il saura
douter, et ne s'égarera pas sans s'avouer que sa route est incertaine. S'il affirme, il peut être cru; non que toujours il sache le vrai, mais parce qu'il
n' affirme que ce qu'il sait certainement.

ÉTIENNE PIVERT DE SENANCOUR, Rêveries sur la nature primitive de l'homme, 1799, page 211.

Ø 30. J'ai parlé de Dieu, et ce mot, signe de contradiction, divise les hommes en deux classes, de théistes, qui admettent l'existence de Dieu, et
d'athées, qui la nient; car où le théiste affirme, l'athée ne fait que nier : c'est un conquérant qui ne laisse après lui que des ruines.

LOUIS-GABRIEL A. DE BONALD, Essai analytique sur les lois naturelles de l'ordre social, 1800, page 39.

Ø 31.... si d'ici à une heure il se dessine encore d'autres nuages dans la même couleur et avec des formes pareilles, je ne réponds de rien pour demain.
- Très-bien, Jacques; mais tu doutes encore trop, il faut affirmer et ne jamais hésiter dans tes jugements; ne manque pas de dire : cela est positif, ou
j'en suis sûr, ou je gage, ou je ne m'étais pas trompé, quand même les faits iraient contre tes paroles. C'est seulement avec ce langage que tu plairas...

JULES FLEURY-HUSSON, DIT CHAMPFLEURY, Les Bourgeois de Molinchart, 1855, page 96.

Ø 32. À tout ce que je lui disais sur le néant, sur l'obsession du néant, sur l'angoisse du néant, Claudel ne répond même pas. Il ne résout pas mes
doutes profonds; il se contente d' affirmer formidablement avec une tranquillité surhumaine. Et c'est ce qui me tue, ce qui m'attire et me repousse :
l'énormité de cette certitude. Il a l'air de dire : laissez faire, tout cela ne compte pas; il n'y a que Jésus, il faut sentir Jésus. Après, tout le reste disparaîtra.

HENRI, ALBAN FOURNIER, DIT ALAIN-FOURNIER, JACQUES RIVIÈRE, Correspondance, lettre de Jacques Rivière à Alain-Fournier, juin 1907,
page 150.

Ø 33. C'est faire de l'intelligence un usage contre nature que d'en user seulement pour détruire et pour nier. D'elle-même elle aspire à affirmer, c'est-à-
dire à être. Elle nous est donnée pour connaître, pour agir, pour éclairer nos sentiments, et non point pour les obscurcir et nous éloigner du réel.

HENRI MASSIS, Jugements, tome 1, 1923, page 167.

Ø 34.... je ne suspectais et ne suspecte nullement la sincérité des prêtres que j'ai connus, ni leur ferveur - ou plutôt leur besoin de ferveur... Mais ils
avaient bien l'air, eux-mêmes, de se mouvoir avec gêne dans ces ténèbres, d'aller à l'aveuglette, de tourner avec un insconcient malaise autour de ces
dogmes hermétiques. Ils affirmaient. Ils affirmaient quoi? Ce qu'on leur avait affirmé. Bien sûr, ils ne doutaient pas de ces vérités qu'ils
transmettaient. Mais leur adhésion intérieure était-elle aussi forte, aussi assurée, que leurs affirmations?

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Mort du père, 1929, page 1384.

· GRAMMAIRE. Énoncer un jugement positif :

Ø 35. On affirme aussi très fortement avec un débris de phrase temporelle : Quand je te l'avais dit que le bourreau viendrait (Victor Hugo, Mar. de L.,
V, 7) (...) On insiste à l'aide d'une phrase principale. On introduit des verbes qui insistent sur l' affirmation : Je t'assure, nous vous certifions que : Tu
penses bien que je ne l'ai pas oublié; - C'est très malin ce que vous faites là. - Je vous assure que c'est à mon insu (Labiche, La Poudre aux yeux, I, 9).
La langue populaire a fait de je te crois une formule à cet usage : Je te crois qu'il a gagné de l'argent.

FERDINAND BRUNOT, La Pensée et la langue , Paris, Masson . 1953, page 500.

b) Langage de la procédure judiciaire, du droit .

- Emploi judiciaire (et langue commune) Affirmer (sous serment) que, etc. Dire nettement d'une chose qu'elle existe :

Ø 36. C'est moi qui vais à mon tour poser la question et ca-té-go-ri-que-ment. Tenez-vous à cette rétractation au point de me tuer si je ne la fais pas,
bien que je vous aie dit, bien que je vous répète, bien que je vous affirme sur l'honneur que je ne connaissais pas le fait, bien que je vous déclare
enfin qu'il est impossible à tout autre qu'à un don Japhet comme vous de deviner M. le comte de Morcerf sous ce nom de Fernand? - J'y tiens
absolument.

ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Cristo, tome 2, 1846, page 294.

Ø 37. Déjà la déposition du général Mercier nous avait procuré une déception analogue. Il suffisait, à ce moment, que l'ancien ministre de la Guerre
affirmât sous serment qu 'aucune pièce secrète n'avait été montrée aux juges de Dreyfus, pour qu'il ne restât plus rien des affirmations de Zola. Mais, le
général Mercier refusant de faire cette déclaration, nous fûmes de nouveau livrés aux chances des débats contradictoires.

GEORGES CLEMENCEAU, L'Iniquité, 1899, page 319.

Ø 38.... Mademoiselle Célestine... vous devriez déposer contre Lanlaire... au parquet de Louviers... une plainte tapée pour outrages aux moeurs et
attentat à la pudeur... (...) Déposez votre plainte et faites-nous citer, Rose et moi... Nous viendrons affirmer ... certifier en justice que nous avons vu
tout... tout... tout... La parole d'un soldat, en ce moment surtout, c'est quelque chose, tonnerre de Dieu!...

OCTAVE MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre, 1900, page 215.

Remarque : 1. Dans l'exemple suivant, il s'agit d'une tournure abrégée pour affirmer sous serment :

Ø 39.... elle devait avoir été assurément dans un état complet de démence. Sur cinq médecins appelés à constater quel avait pu être son état moral lors
de son accouchement, un seul avait affirmé l'aliénation, et quatre l'avaient niée. Au moment où l' accusateur public, M. de l'Argentière, se leva et
entonna sa déclamation, Apolline, frappée comme à un accent connu, tourna ses regards sur lui, jeta un cri perçant, et se renversa sans connaissance.

PETRUS BOREL, Champavert, les contes immoraux, Monsieur de l'Argentière, l'accusateur, 1833, page 35.

Remarque : 2. Dans l'emploi judiciaire, affirmer n'implique pas nécessairement la prestation d'un serment :

Ø 40.... on nous mène devant un grand drapeau américain et un officier nous explique qu'à partir de maintenant nous sommes tous soldats et que celui
qui essaye de se sauver sera fusillé! Ensuite il faut prêter serment, mais si quelqu'un, par scrupule religieux, veut dire : J' affirme au lieu de : Je jure, il le
peut.

JULIEN GREEN, Journal, 1942, page 250.

Remarque : Il est cependant associé fréquemment à l'affirmation devant les tribunaux (confer affirmation).

Remarque : 3. La principale différence entre l'usage judiciaire et l'usage philosophique ou théologique est que dans celui des tribunaux, il s'agit d'attester des faits
dont quelqu'un a été témoin alors que dans celui des philosophes ou des théologiens, il s'agit aussi d'exprimer des jugements sur des réalités abstraites ou
échappant au contrôle des sens.

- Emploi juridique . Affirmer une déclaration, etc. Établir la vérité d'un fait (ayant ou non déjà fait l'objet d'une déclaration moins formelle) par une déclaration
faisant foi :

Ø 41. 1456. La femme survivante qui veut conserver la faculté de renoncer à la communauté, doit, dans les trois mois du jour du décès du mari, faire
faire un inventaire fidèle et exact de tous les biens de la communauté, contradictoirement avec les héritiers du mari, ou eux dûment appelés. Cet
inventaire doit être, par elle affirmé sincère et véritable, lors de sa clôture, devant l'officier public qui l'a reçu.

Code civil des Français (ou Code Napoléon) 1804, page 267.

Ø 42. - Faites le portrait de celui qui l'apporta.

- Il étoit petit, gros, et avoit l'air étranger : j' affirme cette partie de ma déposition.

- Comment étoit-il habillé?

- Grossièrement; il portoit même des souliers ferrés.

HONORÉ DE BALZAC, Annette et le criminel, tome 4, 1824, page 33.

Ø 43. Aux termes de l'article 534 du Code de procédure, le rendant-compte doit aussi affirmer ce compte en personne, ou par procureur (mandataire)
spécial. Le motif de cette formalité est, que le rendant-compte se fait à lui-même son titre, et que la loi a cherché une garantie dans son serment. Cela
est en dehors des comptes usités dans le commerce.

Dictionnaire du commerce et des marchandises (sous la direction de M.G.U.G.) tome 1, 1837.

Ø 44.... ne sachant que dire de lui-même, il prononça cette parole extravagante : « Comme tous les membres du Cabinet Méline, j'ai connu le faux, dont il
aurait mieux valu ne rien dire ». Ces paroles affirmées authentiques ne furent pas démenties par lui pendant toute une semaine. Enfin, sur l'insistance
de la République française, Rambaud se décida à rectifier et voici sa version qu'un député présent déclare d'ailleurs mensongère : « J'ai dit seulement
que le Gouvernement précédent avait eu la sagesse de ne pas affirmer leur authenticité (des documents faux ) dans une déclaration ministérielle ».
Que faut-il de plus? Se vanter de n' avoir pas affirmé l'authenticité d'une pièce alléguée comme preuve décisive contre un condamné, n'est-ce pas
reconnaître qu'on sait à quoi s'en tenir?

GEORGES CLEMENCEAU, Vers la réparation, 1899, page 250.

Ø 45. Le serment supplétif ou supplétoire, toujours déféré d'office, est ordonné par jugement. Le tribunal n'est jamais tenu de le déférer; mais, lorsqu'il a
déjà des éléments de preuve, qui cependant lui paraissent insuffisants pour asseoir pleinement sa conviction, il peut inviter l'une quelconque des
parties, celle dont les déclarations lui paraissent devoir mériter le plus de confiance (en général celle qui a fourni la preuve insuffisante de sa
prétention), à affirmer solennellement tel ou tel point jugé utile pour l'éclaircissement de l'affaire.

La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts . tome 29, 1885-1902, page 1064, au mot serment III Droit civil et
droit criminel.

Ø 46. 1286. Toute déclaration de mutation par décès, souscrite par les héritiers, donataires et légataires, leurs maris, tuteurs, curateurs ou
administrateurs légaux, doit être terminée par une mention ainsi conçue : « Le déclarant affirme sincère et véritable la présente déclaration; il affirme,
en outre, sous les peines édictées par l'article 1788 du Code général des impôts, que cette déclaration comprend l'argent comptant, les créances et
toutes autres valeurs mobilières françaises et étrangères, qui, à sa connaissance, appartenaient au défunt, soit en totalité, soit en partie » (Code général
des impôts, article 751).

Nouveau répertoire de droit, Paris, Dalloz, tome 4 , 1965, page 660, au mot succession.

II.- Emploi pronominal .

A.- Emploi réfléchi direct .

1. [Le sujet est un nom de chose] Prendre une forme nette et la manifester.

a) [En parlant de l'aspect physique d'une chose, d'un phénomène] :

Ø 47. Si l'on s'écarte de cette foule et que passant derrière les pyramides on les voit solitaires, reposant sur le ciel bleu, dans le ciel bleu qui les
enveloppe, c'est un superbe reposoir, un abri du néant, un grandiose mémento puéril mais qui satisfait. Cette large base, cette plénitude qui s'affirme
vers le ciel, qui respire largement.

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 6, 1907-1908, page 174.

Ø 48.... cette concentration des formes autour de quelques axes privilégiés est indistincte et floue : simple accroissement, dans certains secteurs, du
nombre ou de la densité des lignées. Et puis, graduellement, le mouvement s'affirme. De véritables nervures se dessinent, mais sans briser encore le
limbe de la feuille où elles sont apparues. (...) Parvenues à un certain degré de liaison mutuelle, les lignées s'isolent en une gerbe close, impénétrable
désormais aux gerbes voisines.

PIERRE TEILHARD DE CHARDIN, Le Phénomène humain, 1955, page 121.

- En particulier . ARTS PLASTIQUES :

Ø 49. Dans ces statues émouvantes, où le mâle dorien et la femelle ionienne s'observent, mais refusent de s'unir, le plan s'affirme, dès l'abord, comme
une idée plus définie, un peu moins noyée dans l'ensemble, parcouru d'un large frisson. Il s'efforce de sortir d'une formule architectonique anonyme
pour édifier, dans l'argile qu'il sculpte, une idole autonome (...). L'équilibre des masses s'ébauche, succédant à leur symétrie, et c'est au mouvement des
puissances profondes parcourant la forme en dedans que les plans doivent leur vigueur.

ÉLIE FAURE, L'Esprit des formes, 1927, page 22.

- Par analogie :

Ø 50. Au loin, quelques îlots très bas flottent impondérablement sur une matière fluide... L'enchantement de ce paysage mystique ne dure que quelques
instants; bientôt les contours s'affirment, les lignes se précisent; on est sur terre de nouveau.

ANDRÉ GIDE, Voyage au Congo, 1927, page 700.

- Par métaphore :

Ø 51. Autour de la terre obsédée

Circule, au fond des nuits, au coeur des jours,

Toujours,

L'orage amoncelé des montantes idées.

Elles roulent, passent et lentement s'agrègent.

D'abord on les croirait vagues comme les rêves

Qui s'envolent, dès le matin;

Mais, tout à coup, leurs masses,

Par étages, se tassent

Et s'affirment en des contours certains.

Voici leur ample et magnifique architecture.

ÉMILE VERHAEREN, La Multiple splendeur, 1906, page 55.

Ø 52. Et les signes de l'âge ne sont point beaux, dès qu'ils sont les signes d'événements accumulés, ou si l'on veut les sillons de l'expérience. Mais si le
vieillissement se fait par durcissement intérieur, la forme vivante devenant statue et s'affirmant imperturbable, alors un vieillard peut être beau.

ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1930, page 919.

b) [En parlant d'un phénomène abstrait, moral, intellectuel ou spirituel] :

Ø 53. La philosophie, au point de raffinement où elle est arrivée, s'accommode à merveille d'un mode d'exposition où rien ne s'affirme, où tout s'induit,
se fond, s'oppose, se nuance. On n'en est plus à perfectionner les règles du syllogisme, ni à fortifier les preuves de l'existence de Dieu ou de
l'immortalité de l'âme.

ERNEST RENAN, Drames philosophiques, 1888, page 372.

Ø 54.... la pensée ne peut s'affirmer, se constituer que par le mouvement par lequel elle transcende un donné existant qui peut et qui doit lui apparaître
comme contingent.

GABRIEL MARCEL, Journal métaphysique, 1914, page 44.

Ø 55. Je suis parvenu en effet à un point où le besoin s'affirme absolu de mettre entièrement d'accord tous mes actes avec ces vues de l'existence en
général qui vont s'affermissant, s'affirmant sans cesse comme les seules pour moi valables.

CHARLES DU BOS, Journal, décembre 1922, page 212.

Ø 56. Celui qui n'obéit qu'à la raison ignorera la sagesse. Celui qui n'obéit qu'à l'impulsion sensuelle ignorera la liberté. Le lyrisme est la vie ascendante
où les puissances passionnelles et les puissances spirituelles, s'affirmant et se fortifiant les unes par les autres, lui livrent la flamme de l'autel. C'est lui
qui est chargé d'abolir les contradictions en cherchant leur point d'équilibre autour duquel il oscille tragiquement durant toute la vie conquérante de la
race et qu'il n'atteint et ne fixe que pour la durée d'un éclair.

ÉLIE FAURE, L'Esprit des formes, 1927, page 265.

Ø 57.... maître et esclave sont vraiment dans la même histoire : la royauté temporaire de l'un est aussi relative que la soumission de l'autre. Les deux
forces s'affirment alternativement, dans l'instant de la rébellion, jusqu'au moment où elles s'affronteront pour se détruire, l'une des deux disparaissant
alors, provisoirement.

ALBERT CAMUS, L'Homme révolté, 1951, pages 40-41.

2. [Le sujet désigne une ou plusieurs personnes ou un aspect de leur personnalité] Se manifester et s'imposer avec vigueur :

Ø 58. Le gentleman est l'homme maître de lui-même qui se respecte et se fait respecter. Son essence est donc la souveraineté intérieure. C'est un
caractère qui se possède, une force qui se gouverne, une liberté qui s'affirme et se montre et se règle sur le type de la dignité. Cet idéal est donc très
voisin du type romain de l' ingenuus conscius et compos sui, et de la dignitas cum auctoritate. Cet idéal est plus moral qu'intellectuel.

HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime, 7 avril 1866, page 224.

Ø 59. On devient le roseau qui ondule à tous les souffles et qui ne se redresse que dans le calme incertain et fugitif des airs. On compromet sa liberté
intérieure de volonté, par une trop grande flexibilité de pensée. Même pour la contemplation pure, il y a sagesse à ne pas se laisser distraire aussi
facilement par les pensées d'autrui. - Tu voltiges et te disperses. - Tu te fais tout à tous, indifférent à toi-même, à ton oeuvre, à tes espérances, à tes
persuasions. C'est imprudent. Concentre-toi et affirme-toi. Sois enfin toi-même.

HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime, 25 novembre 1866, pages 520-521.

Ø 60. Flamme superbe, la volonté visible. L'oeil de l'homme est ainsi fait qu'on y aperçoit sa vertu. Notre prunelle dit quelle quantité d'homme il y a en
nous. Nous nous affirmons par la lumière qui est sous notre sourcil. Les petites consciences clignent de l'oeil, les grandes jettent des éclairs. Si rien ne
brille sous la paupière, c'est que rien ne pense dans le cerveau, c'est que rien n'aime dans le coeur. Celui qui aime veut, et celui qui veut éclaire et éclate.
La résolution met le feu au regard; feu admirable qui se compose de la combustion des pensées timides.

VICTOR HUGO, Les Travailleurs de la mer, 1866, pages 297-298.

Ø 61. Si originaux soient-ils, et quelque outrance qu'ils aient mise dans le déploiement de leur individualité, ils n'en appartiennent pas moins à une
tradition. Ils relèvent directement de ce romantisme contre lequel leurs élèves ont pourtant levé le drapeau avec une si courageuse énergie. Mais n'en
va-t-il pas ainsi toujours? La génération nouvelle a besoin, pour s'affirmer mieux, de nier celle qui la précède et dont elle dérive, en attendant qu'elle
soit niée à son tour par les successeurs qu'elle aura formés.

PAUL BOURGET, Nouveaux Essais de psychologie contemporaine, 1885, page 190.

Ø 62. Je demeurais un adolescent à travers ces troubles, c'est-à-dire un être encore incertain, inachevé, en qui s'ébauchaient les linéaments de son âme
à venir. Je ne m'affirmais ni dans mon mysticisme, puisque au fond, tout au fond, j'avais honte de croire, comme d'une infériorité; ni dans mes
imaginations sentimentales, puisque je les considérais comme de simples jeux de littérature; ni dans ma sensualité, puisque j'avais la nausée, au sortir
de la chambre de Marianne...

PAUL BOURGET, Le Disciple, 1889, page 94.

Ø 63. Point d'erreur, dit-on, qui n'ait une âme de vérité; point de vérité, semble-t-il, qui ne porte un poids d'erreur. S'arrêter à un jugement quelconque
et y tenir serait pédantisme et naïveté. Garder une attitude nette et fixe, croire que « c'est arrivé », mettre les mains à la pâte, se frotter aux hommes,
disputer sa place, faire cette vilaine chose qu'exprime ce vilain mot, s'affirmer, introduire consciencieusement une unité rigide dans l'organisme d'une
pensée ou la conduite d'une vie, fi! la ridicule étroitesse et l'énorme grossièreté.

MAURICE BLONDEL, L'Action, Essai d'une critique de la vie, 1893, page 3.

Ø 64. Pour la première fois, depuis l'origine de l'histoire, l'homme réclame son droit d'homme, tout son droit. L'ouvrier, le prolétaire, le sans-propriété,
s'affirme pleinement comme une personne. Il réclame tout ce qui est de l'homme, le droit à la vie, le droit au travail, le droit à l'entier développement de
ses facultés, à l'exercice continu de sa volonté libre et de sa raison. C'est sous la double action de la vie démocratique, qui a éveillé ou fortifié en lui la
fierté humaine, et de la grande industrie, qui a donné aux prolétaires groupés la conscience de leur force, que le travailleur devient une personne et veut
être, partout et toujours, traité comme telle.

JEAN JAURÈS, Études socialistes, 1901, pages 158-159.

Ø 65. C'est dans l'abnégation que chaque affirmation s'achève. Tout ce que tu résignes en toi prendra vie. Tout ce qui cherche à s'affirmer se nie;
tout ce qui se renonce s'affirme. La possession parfaite ne se prouve que par le don. Tout ce que tu ne sais pas donner te possède. Sans sacrifice il
n'est pas de résurrection. Rien ne s'épanouit que par offrande. Ce que tu prétends protéger en toi s'atrophie. (...) C'est en se renonçant que toute vertu
se parachève. C'est à la germination que prétend l'extrême succulence du fruit. La vraie éloquence résigne l'éloquence; l'individu ne s'affirme jamais
plus que lorsqu'il s'oublie. Qui songe à soi s'empêche.

ANDRÉ GIDE, Les Nouvelles Nourritures, 1935, page 261.

Ø 66. Il est exact que, d'instinct, cet enfant dit : non. Mais ce n'est pas une mauvaise volonté : c'est un besoin de s'opposer. Je veux dire : un besoin de
s'affirmer. Quelque chose comme le besoin de se prouver à lui-même qu'il existe... Et c'est, si manifestement, l'expression d'une force intérieure
irrésistible, qu'on ne peut pas lui en vouloir... C'est un instinct qui est en lui, comme l'instinct de conservation!...

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, page 840.

Ø 67. La maternité n'est pas toujours la généreuse offrande de soi que l'on chante; bien des mères n'y cherchent qu'un moyen de s'affirmer, de
dominer, de poursuivre leur propre image, de compenser leurs complexes, etc.; le goût pour les enfants, l'affairement autour des enfants ne signent
pas à eux seuls le sentiment maternel sain, celui qui enrichit l'enfant et enrichit la mère : il doit montrer aussi le sacrifice des aspirations égotistes à un
autre voulu pour lui-même.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1946, page 99.

Ø 68. Nous n'avons pu parler que par une sorte d'abstraction de l' affirmation pure et simple du moi. S'affirmer, c'est déjà voter pour soi contre le
néant ou contre la mort. Le mélancolique se dénigre jusqu'à l'absurde et finalement se tue. Le paranoïaque se surestime jusqu'au grotesque et

finalement délire. La conscience du péché est pour le christianisme la base même de la connaissance de soi. Cette affirmation religieuse s'insère dans
une vérité psychologique plus large. Je ne puis me saisir, dans l'acte de conscience le plus élémentaire, sans m'y attribuer une valeur laudative ou
péjorative.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1946 page 590.

Ø 69. L'animal, selon Hegel, possède une conscience immédiate du monde extérieur, un sentiment de soi, mais non la conscience de soi-même, qui
distingue l'homme. Celui-ci ne naît vraiment qu'à partir de l'instant où il prend conscience de lui-même en tant que sujet connaissant. Il est donc
essentiellement conscience de soi. La conscience de soi pour s'affirmer doit se distinguer de ce qui n'est pas elle. L'homme est la créature qui, pour
affirmer son être et sa différence, nie.

ALBERT CAMUS, L'Homme révolté, 1951, page 174.

- Par analogie . [En parlant d'un objet personnifié] :

Ø 70. Le port de Londres se sait le premier port du monde et cela lui suffit; il ne s'affirme en aucune manière; il ne parade pas devant le public; il ne
joue pas la comédie du nickel et du ciment armé. Vu du ciel, en avion, il est illisible : c'est un chapelet de petits bassins à motifs compliqués de vieilles
serrures; il ne frappe pas, comme New-York, par l'évidence des grands docks rayonnants où les transatlantiques ont l'air de chevaux dans leur box. Vu
de la Tamise, c'est un amas informe de masures sans âge et sans couleur. Tout y est confus, empirique.

PAUL MORAND, Londres, 1933, page 306.

Ø 71. Je fus donc effrayé, cette nuit-là, de ne pouvoir détacher mon regard qu'avec peine des objets sur lesquels se posaient mes yeux. Car tous
s'offraient avec une netteté agressive; et chacun, isolé, offensait ce regard en voulant s'imposer à mon attention. Je ne trouvai pas d'amitié en ces
présences matérielles; mais une sorte d'âpreté à se détacher de l'anonymat. Le moindre godet de métal, soudain prenait une importance inattendue, et
plus il s'affirmait en s'imposant à moi, moins je le sentais sociable.

HENRI BOSCO, Le Mas Théotime, 1945, page 173.

B.- Emploi réfléchi indirect, vieux, rare . S'affirmer (à soi-même) que.. Se donner à soi-même la garantie que tel fait est authentique :

Ø 72. Henriette était restée incertaine sur ce qu'elle avait fait la veille, ne pouvant s'affirmer qu' elle avait eu raison.

LOUIS-ÉMILE-EDMOND DURANTY, Le Malheur d'Henriette Gérard, 1860, page 198.

Ø 73.... tout semblait mort. Je m'épouvantai de ce calme; et brusquement m'envahit de nouveau, comme pour protester, s'affirmer, se désoler dans le
silence, le sentiment tragique de ma vie, si violent, douloureux presque, et si impétueux que j'en aurais crié, si j'avais pu crier comme les bêtes. Je pris ma
main; je me souviens, ma main gauche dans ma main droite; je voulus la porter à ma tête et le fis. Pourquoi? Pour m'affirmer que je vivais et trouver
cela admirable.

ANDRÉ GIDE, L'Immoraliste, 1902, page 396.

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 4 360. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 2 521, b) 4 215; XXe. siècle : a) 8 601, b) 8 959.

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