De TrinitateSaint AugustinExtrait traitant de la certitudeTout d'abord, ce savoir à partir duquel se forme notre pensée vraie, quand nousdisons ce que nous savons, quel est-il et dans quelle mesure peut-il être donné àl'homme, si habile et si savant soit-il ?
Publié le 22/05/2020
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De Trinitate
Saint Augustin
Extrait traitant de la certitude
Tout d'abord, ce savoir à partir duquel se forme notre pensée vraie, quand nous
disons ce que nous savons, quel est-il et dans quelle mesure peut-il être donné à
l'homme, si habile et si savant soit-il ? Écartons en effet ce qui vient à l'esprit par les
sens corporels, et où tant d'objets sont différents de ce qu'ils paraissent que, la tête
pleine d'un trop grand nombre de choses vraisemblables, l'insensé se prend pour
sensé.
La philosophie de l'Académie s'en est prévalu pour déraisonner de façon plus
misérable encore en doutant de tout.
Une fois écarté, donc, ce qui nous vient à
l'esprit par les sens, combien reste-t-il de choses que nous sachions aussi bien, que le
fait que nous vivons ? Sur ce point, nous n'avons pas à craindre d'être trompés par
quelque vraisemblance, car il est certain que celui qui est trompé vit.
Il en va
différemment pour les objets qui se présentent à notre vue dans le monde extérieur :
l'œil y est trompé, par exemple quand la rame, dans l'eau, semble brisée, ou quand
les tours semblent bouger à ceux qui naviguent, et dans mille autres cas où les
choses sont autres qu'elles ne paraissent.
Dans celui qui nous occupe au contraire, ce
n'est pas l' œil de chair qui voit.
C'est par une science intérieure que nous savons que
nous vivons, et pas même un académicien ne pourrait dire : “ Peut-être que tu dors,
sans le savoir, et que c'est en songe que tu vois.
” Qui ignore, en effet, que les visions
du sommeil sont tout à fait semblables à celles de la veille ? Mais celui qui est
certain de savoir qu'il vit ne dit pas : “ Je sais que je veille ”, mais “ Je sais que je
vis.
” Qu'il dorme ou qu'il veille, il vit.
Il ne peut, dans ce savoir, être victime de
songes, car même dormir, et voir en songe, c'est le propre d'un homme qui vit.
Un
académicien ne peut même pas dire non plus : “ Peut-être que tu es fou, et que tu
l'ignores.
” Les visions des fous sont en effet tout à fait semblables à celles des gens
sensés.
Il demeure que celui qui est fou vit.
Et, contre les académiciens, il ne dit pas :
“ Je sais que je ne suis pas fou ”, mais : “ Je sais que je vis.
” Il ne peut donc jamais
être trompé ni mentir, celui qui dit savoir qu'il vit.
Que l'on objecte mille exemples
de visions trompeuses à celui qui dit : “ Je sais que je vis ” ; il n'en redoutera aucune
puisque même celui qui est trompé vit..
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