De la cour Là Bruyère explication Linéaire
Publié le 25/06/2023
Extrait du document
«
De la cour : La Bruyère
« Ceux qui habitent cette contrée ont une physionomie qui n'est
pas nette » (Accroche)
C’est en ses termes singuliers que la cour du roi Louis XIV est
évoquée… avec toute la distance et l’ironie d’un narrateur se
plaisant à décrire avec distance une peuplade aux allures
lointaines et étrangères… alors même qu’il s’agit des courtisans et
courtisanes du temps de La Bruyère ! Publiée pour la première fois
en 1688 par Jean de La Bruyère, Les Caractères est une œuvre
atypique, reflétant dans des portraits, tout à la fois féroces et sans
concession, un miroir déformant des vices d’une société se
complaisant trop souvent au jeu factice et un peu vain de la
comédie sociale.
Le portrait qui nous intéresse dans cette étude
est celui de la cour, une cour composée de vieux et de jeunes,
d’hommes et de femmes, mais aussi de personnes issues du
peuple ou bien de personnes venant de la noblesse.
Cette
assemblée se faisant du peuple vers le roi, avec un réel souci de
classification allant par âge, puis par sexe, puis par proximité du
roi, montre qu’au sommet de cette pyramide sociale se trouve le
roi, au-dessus duquel trône Dieu.
On peut néanmoins s’interroger
du vrai Dieu de ce drôle de « peuple » (les courtisans ou
courtisanes à Versailles).
S’agit-il réellement du Dieu judéochrétien ou bien du Dieu de l’apparence et de la superficialité ?
[Contextualisation]
Pour une meilleure fluidité dans mon explication, je découperai le
texte en 4 axes :
1) le ridicule des jeunes hommes courtisans (de « L'on parle d'une
région » jusqu’à « de l’eau forte »)
2) la superficialité des courtisanes (de « Les femmes du pays »
jusqu’à « ne pas se montrer assez.
»)
3) la physionomie de cette cour qui a sacrifié le naturel au profit
des apparences (de « Ceux qui habitent cette contrée » jusqu’à « les
hommes à leur visage.
»)
4) le rapport qu’entretient cette cour avec son Roi, seul vrai Dieu
apparent lorsqu’ils sont à l’église… (sur tout le reste du texte)
[Découpage]
Dès les premières lignes, l’impression qui semble se dégager du
texte est la dimension critique qu’adopte le narrateur vis-à-vis des
jeunes courtisans.
(Impressions)
Sur quels critères objectifs puis-je affirmer cela ?
Le premier critère est, selon moi, le positionnement du
narrateur.
Ce dernier, effectivement, n’hésite pas à prendre
dans ce passage une vraie distance critique à l’égard de ces
sujets, en utilisant notamment des énumérations pour mieux
mettre en évidence un champ lexical de la débauche, champ
lexical particulièrement mis en lumière par des hyperboles et
des métaphores.
(Procédés)
Le pronom impersonnel « on », visible à deux reprises, évite
sans doute un « je » qui aurait peut-être trop impliqué La
Bruyère lui-même, fin connaisseur de ce milieu (puisque luimême en faisait partie !).
Quant à l’emploi « d’une région », il
fait croire de façon satirique que l’on a ici affaire à un peuple
loin de chez nous… alors qu’il s’agit bel et bien des courtisans
contaminant la cour de Versailles !
Cette mise à distance, sans nul doute, va contribuer à mieux
critiquer les jeunes courtisans, une critique d’autant plus
acerbe qu’on les oppose de façon antithétique à ces
« vieillards » « galants, polis et civils » qui, eux, savaient se
tenir ! Les nombreuses énumérations (« durs, féroces, sans
mœurs ni politesse » / « des repas, des viandes, et des amours
ridicules » participent, comme nous l’avons vu, à créer un
champ lexical de la débauche (« s’enivre », « débauche »),
amplifié par les hyperboles « trop », « toutes » et « les plus
violentes ».
Dans ce contexte, on n’en appréciera que mieux la
métaphore « goût déjà éteint par des eaux-de-vie » … comme si les
excès de ces gens étaient un feu qui les consumait de
l’intérieur… un feu excessif qui ne pourrait être éteint que par
un autre excès, encore plus fort : par « toutes les liqueurs les
plus violentes ».
(Exemples)
Pourquoi de tels effets ? A cet instant du portrait, nul doute que
le narrateur souhaite d’emblée « brusquer » son lecteur pour
mieux l’inciter, dans une vraie visée polémique, à le faire
réfléchir sur les dangers de l’outrance et du besoin compulsif de
vouloir plaire à tout prix !
(Argumentation)
« 'on parle d'une région où les vieillards sont galants, polis et civils ;
les jeunes gens au contraire, durs, féroces, sans mœurs ni politesse :
ils se trouvent affranchis de la passion des femmes dans un âge où l'on
commence ailleurs à la sentir ; ils leur préfèrent des repas, des
viandes, et des amours ridicules.
Celui-là chez eux est sobre et
modéré, qui ne s'enivre que de vin : l'usage trop fréquent qu'ils en ont
fait le leur a rendu insipide ; ils cherchent à réveiller leur goût déjà
éteint par des eaux-de-vie, et par toutes les liqueurs les plus
violentes ; il ne manque à leur débauche que de boire de l'eau-forte.
»
Dans le deuxième axe, il me semble que le portrait poursuit sa
veine satirique et polémique en critiquant les excès des
courtisanes.
Ces excès, selon moi, sont montrés avec les mêmes procédés que
ceux précédemment évoqués :
A.
Goût prononcé du narrateur à prendre de la distance envers
ses sujets (il y est toujours question d’évoquer un supposé
« peuple » (avec « Les femmes de ce pays ») que l’on
pourrait croire très éloigné de nous.
B.
Exploitation explicite de l’énumération pour mieux mettre en
évidence la superficialité (avec des termes comme « peindre
leurs lèvres, leurs joues, leurs sourcils et leurs épaules, […]
leur gorge, leurs bras et leurs oreilles »
On notera néanmoins un procédé nouveau, qui se généralisera
dans les axes suivants : une débauche de propositions
subordonnées relatives qui permettent de dévaloriser ce qui
vient de se décrire.
On le voit par exemple nettement avec le
terme « des artifices » (« qu'elles croient servir à les rendre
belles) et « leurs épaules » (« qu’elles étalent »).
On l’aura compris, personne n’est épargné dans ce portrait : ni les
hommes, ni les femmes… et encore moins la manière dont ce beau
monde cherche à se parer pour essayer de se faire bien voir…
« Les femmes du pays précipitent le déclin de leur beauté par des artifices
qu'elles croient servir à les rendre belles : leur coutume est de peindre leurs
lèvres, leurs joues, leurs sourcils et leurs épaules, qu'elles étalent avec
leur gorge, leurs bras et leurs oreilles, comme si elles craignaient de cacher
l'endroit par où elles pourraient plaire, ou de ne pas se montrer assez.
»
Dans le 3ème axe, c’est à la physionomie de cette cour qui a sacrifié
le naturel au profit des apparences que le narrateur s’attaque… Là
encore, ce sont les mêmes procédés déjà expliqués, qui vont être
mis à l’honneur pour critiquer les exagérations de cette cour, en
l’occurrence :5
A.
Goût prononcé du narrateur à prendre de la distance envers
ses sujets (il y est toujours et encore question d’évoquer un
supposé « peuple » (avec «Ceux qui habitent cette contrée») que
l’on pourrait croire très éloigné de nous.
B.
Exploitation explicite de l’énumération pour mieux mettre en
évidence la superficialité (avec des termes comme « n’est pas nette,
mais confuse, embarrassée »)
C.
Débauche de propositions subordonnées relatives qui
permettent de dévaloriser ce qui vient de se décrire.
On le voit
nettement avec des termes comme « qui n'est pas nette », [véritable
litote sous-entend que ces gens-là sont flous et mal assortis !] « qu'ils préfèrent
aux naturels et dont ils font un long tissu pour couvrir leur tête »
On notera d’ailleurs dans cette dernière expression (« un long
tissu pour couvrir leur tête ») une périphrase ironique pour mieux
évoquer une perruque et rappeler ainsi tous les artifices auxquels
sont prêts ses courtisans pour respecter des codes vieillots et
ridicules…
« Ceux qui habitent cette contrée ont une physionomie qui n'est pas nette, mais
confuse, embarrassée dans une épaisseur de cheveux étrangers, qu'ils
préfèrent aux naturels et dont ils font un long tissu pour couvrir leur tête : il descend
à la moitié du corps, change les traits, et empêche qu'on ne connaisse les hommes à
leur visage.
»
Dans le 4ème et dernier axe, enfin, il me semble que le
narrateur se plait, avec la même ironie, à montrer les rapports
ambigus qu’entretiennent ces courtisans avec leur Dieu et leur....
»
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