Dat veniam corvis, vexat censura columbas
Publié le 05/01/2022
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«
Dat veniam corvis, vemt censura co/11,nbas
La censure est indulgente aux corbeaux, elle s'acharne contre
les colombes
Ce vers de Juvénal
(2 ..
63 ), présenté déjà comme proverbial par le scho
liaste de ce passage et Pierre
le Chantre ( Verbum abhreviatum.
PL 205,
164d) est toujours utilisé de nos jours et désigne une injustice flagrante.
Signalons
un parallèle dans une comédie de Térence (Phormio,
330 sq.) qui constatait que les chasseurs se gardaient bien de tendre des
filets aux éperviers et aux milans car ceux-ci pouvaient leur faire
du
mal, mais qu'ils les tendaient facilement aux colombes.
Ce passage de
Juvénal qui servit de lemme à Erasme
pour ses Adagia (3.
5, 73) s'ex
plique par
la réputation de ces deux oiseaux.
la colombe étant devenue
le symbole de la bonté et de la paix (cf.
aussi n.
1698) et les corbeaux
étant réputés pour leur comportement agressif
et hostile : cf.
notam
ment quelques passages significatifs de saint Augustin
(Sermones, 82,
11, 14; Ena"ationes in Psalmos, 102.
16: Commentaire à l'Evangile
de Jean, 6,.
2, où l'auteur oppose la vox con,ina au gemitus columbinus)
et le célèbre passage de la Genèse (8, 6 sq.) où Noé, quarante jours
après
le déluge, envoie hors de l'arche un corbeau, puis une colombe,
afin de savoir si les eaux sont descendues,
qui attribue aussi, de façon
implicite, une semblable réputation
à ces deux animaux -puisque ce
n'est que lorsque la colombe sera revenue en portant dans son bec
un
rameau d'olivier que Noé sera convaincu de la fin du déluge (ce pas
sage des Ecritures étant ensuite repris dans celui déjà cité du
Commentaire à l'Evangile de Jean par saint Augustin, qui I "interprète
de façon allégorique: l'arche est l'Eglise,
les corbeaux les hommes qui
ne pensent qu'à leur profit personnel et les colombes ceux dont le
Christ est l'unique souci).
Cette opposition est fréquemment attestée,
surtout chez
les auteurs chrétiens (pour les occurrences,.
cf.
Otto 95;
Weyman 71 ; 266 ; et notamment le vers 192 du Dittochaeon de
Prudence, qui
affit 111e que saint Paul a le pouvoir de transf 01111er les
corbeaux en colombes), mais d'autres auteurs
y ont également recours,
cf.
les
fo111iules proverbiales construites sur l'antagonisme entre les
colombes et
les rapaces (en italien on continue encore aujourd'hui à
désigner les fauteurs de gue11es ou les partisans d'une politique autori
taire par
le te11t1e fa/chi (c< faucons>>) et les partisans d'une politique
plus conciliante par celui de
colombe ( c< colombes >> ).
Citons une belle
variante médiévale construite sur l'image de la toile d'araignée, qui
servit souvent
à souligner les limites de la justice humaine : Dai veniam
corvis, vexai censura columbas ; / irrelil muscas, transmiltit aranea
vespas,
cc La censure pardonne aux corbeaux et s'acharne contre les
colombes; la toile d'araignée capture les mouches mais laisse partir les
guêpes>> (Walther 5020; cf.
n.
1912), que Ben Jonson reprendra dans
la Silva (Fures pub/ici), qui fut placée en exergue au onzième chapitre
du
> ( du 13 mars 1711) et réutilisée par Jean-Jacques
Rousseau dans
la célèbre Lettre à D'Alembert sur les spectacles ( 1 )..
»
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