Dans quelle mesure l'art nous éloigne-t-il de la réalité ?
Publié le 24/03/2024
Extrait du document
«
L'art est un moyen de s'évader et de s'éloigner de la réalité.
A travers l'histoire et les différentes
cultures, l'art a été utilisé comme moyen de s'évader de la vie quotidienne et de la dure réalité.
L’art est également le produit de l’imagination.
Or, l’imaginaire s’oppose au réel Mais, l’art, s’il est
imaginaire, produit de l’imagination, n’est pas pour autant moins réel : il appartient au monde des
choses qui sont, qui produisent des effets.
M ais est-ce que cela signifie que l'art nous éloigne
réellement de la réalité ? C'est-à-dire qu'il met une distance entre soi et quelque chose, qui existe ou
qui à existé.
Si la question nous est posé, c'est qu'en un certain sens, l'idée que l'art nous éloigne du
réel peut être admise.
Est-ce que l'art nous permet de créer une vision alternative de la vie et de ce
qui nous entoure ? Dans quelle mesure l'art nous éloigne-t-il de la réalité ?
Nous verrons dans un premier temps que l'art nous détourne du réel en tant qu'imitation et œuvre
imaginaire, ensuite nous l'aborderons en tant que qu'objet technique, l'art appartient au réel.
Enfin
nous nous demanderons si l'art peut-être un révélateur de la réalité.
Si nous nous interrogeons sur le rapport entre l'art et le réel, il semble que la première fonction de
l'art serait d'imiter la réalité, de rendre présent ce qui est absent, de représenter ce que l'on peut voir
à l'instant.
L'art nous détourne du réel d'abord parce qu'il nous emmène dans un univers imaginaire qui
constitue une entité homogène, cohérente, dotée de sa logique propre.
L’imagination ne produit pas
seulement des images mais un imaginaire comme un ensemble d'images constitué en un tout unifié
et cohérent, qui nous écarte, nous éloigne du réel, de ses lois contraignantes et pesantes, de son
ennuyeuse banalité.
L'art fait diversion par rapport à notre quotidien.
En nous éloignant ainsi du réel, l'art nous en fournit une représentation qui nous en détourne au sens
où cette représentation déforme, transfigure ou défigure, sublime ou pervertit la réalité qu'elle
représente.
La copie du réel que propose l'art est une copie déformée et c'est en cela qu'il nous
éloigne aussi du réel.
« La tendance à l'imitation, écrit Aristote dans La Poétique, est instinctive chez l'homme .
Sur ce
point il se distingue de tous les autres êtres, par son aptitude très développée à l'imitation.
C'est par
l'imitation qu'il acquiert ses premières connaissances, c'est par elle que tous éprouvent du plaisir.
»
L’imitation est certes plaisir de retrouver, mais aussi appropriation, assimilation, et résumé.
Pour
imiter, il faut en effet mémoriser ce qu’on perçoit, mais en ne retenant que ce qui est important, que
ce qui est significatif (il est en effet à la fois impossible et inutile de reproduire tous les détails du
réel).
Aussi, imiter ne consiste pas à copier (re-produire), mais à produire par l’artifice des signes un
raccourci interprétatif, ce qui suppose de la part de celui qui imite beaucoup de discernement (le
discernement est la capacité de distinguer l’essentiel et l’accidentel, ce qui est important et ce qui
est superflu.) En ce sens, l’art, s’il imite la nature, n’est jamais « naturaliste », ou « réaliste »,
puisque l’imitation résume ce qui est imité, le transforme pour en livrer une version miniaturisée et
concentrée (un roman, une peinture, un film, etc.
seront toujours plus ramassés et moins détaillés
que la vie et le monde réels.
Si l’art nous détourne du réel et ne nous le représente imparfaitement, de manière déformée, c’est
que là n’est pas son but : la finalité première de l’art n’est pas la pure et simple imitation du réel, de
la nature.
Cependant, à la différence du langage et de la science, l’art n’utilise pas un enchaînement
clair de concepts, car, par définition, il doit imiter la vie, c’est-à-dire organiser harmonieusement et
concrètement la matière.
L’imitation artistique invente donc une beauté idéale qui n’existe pas dans
la nature.
Cela signifie donc que l’œuvre ne peut prendre pour modèle l’individu, mais seulement la
forme parfaite dégagée de plusieurs individualités.
C’est pour cette raison que tout art, même
figuratif, est abstrait
Même si elle est le produit de l’imagination, l’œuvre d’art est un objet bien réel.
L'art ne nous
ramène elle pas à la réalité tout simplement parce qu’elle y appartient.
L’œuvre d’art est un objet technique, produit selon un processus matériel similaire à toutes les
productions techniques.
Elle appartient au réel et donc ne nous y détourne pas puisqu’au contraire
elle nous y maintient.
L'art nous ramène donc au réel car il représente un objet bien concret par le
travail sur le réel.
En tant qu’objet technique, l’art appartient à l’histoire et est d’abord la
manifestation de l’évolution de l’histoire, et d’ailleurs un objet essentiel au travail de l’historien qui,
la plupart du temps, ne peut pas observer les objets qu’il étudie.
L'art n'est pas imitation, il est avant tout expression, c'est-à-dire exploration et mise en forme de
l'expérience humaine.
La mission de l'art n'est pas de copier la nature mais de l'exprimer.
Ainsi, selon Hegel, l’art invente une beauté artistique idéale qui devient supérieure à la beauté
naturelle .
C’est ce que l’esprit humain trouve dans la nature, mais aussi ce qu’il élimine d’elle et ce
qu’il y ajoute qui constitue la beauté artistique.
Oscar Wilde applique cette idée hégélienne, quand il
avance que c’est « la nature qui imite l’art » (texte 8, extrait de Intentions 1891) :
Le rapport poétique que l’homme entretient avec la nature est donc lui-même un phénomène
culturel et artistique : il n’y a de beauté naturelle, selon Wilde, que pour un esprit qui s’est
familiarisé avec l’art.
La beauté d’un paysage, la beauté d’un combat ou d’une douleur, la beauté
d’un dialogue ou d’un animal nous sont d’abord enseignés par l’art.
Alain, dans 20 leçons sur les beaux-arts, 1931, décrit assez bien le processus de création en tant
qu’il est redevable de la nature et donc irréductible à la seule pensée conceptuelle (Texte 14) Dans
ce texte, Alain s’inspire clairement de la conception kantienne du génie et du beau comme finalité
sans fin.
Il montre que l’art est irréductible au concept parce qu’il consiste en une suite d’opérations
concrètes qui confronte la liberté créatrice de l’artiste à la matière telle qu’elle se....
»
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