Dans quelle mesure la Juste la fin du monde consiste-t-elle, comme le dit François BERREUR, en« un équilibre de tensions»
Publié le 30/03/2022
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«
Disser tation JL LAGARCE LPB/DU BY, 202 1
Dissertation sur œuvre .
Jean -Luc LAGARCE, Juste la fin du monde (Solitaires inte mpestifs, 1990).
Dans quelle mesure la pièce étudiée Juste la fin du monde consiste -t-elle, comme le dit Fr ançois
BERREUR, en « un équilibre de tensions »1 ?
Juste la fin du monde est la pièce la plus jouée et la plus étudiée de cet auteur qui aura dédié
l'essentiel de sa brève existence au théâtre : metteur en scène (de IONESCO), directeur de troupe (“La
Roulotte ”, avec sa fidèle actrice Mirelle HERBSTMEYER), éditeur (les Solitaires intempestifs),
commentateur (expert du théâtre de la violence, notamment des Tragiques grecs 2) et bien -sûr
dramaturge, attaché à dénoncer les conventions et à questionner le vouloir -dire .
François BERREUR
compagnon de la première heure jusqu’à la dernière, et même au -delà puisqu ’il est son ayant -droit
désormais, a souvent commenté le goût de ce dernier pour les contrastes dans son théâtre, et
notamment ce qu’il appelle l’ ”équilibre de tensions”.
Jusqu’où peut -on se figurer la pièce Juste la fin du monde comme un exercice funambulesque ou un
clair -obscur ? Nous examinerons com ment l ’instabilité dramaturg ique sert l a pièce .
En second l ieu,
nous observerons com ment la coexistence des tonalités dessine une soci olo gie ainsi qu ’une
philosophie originales .
Enfin, nous verrons quel rééqu ilibrag e perpétuel Juste la fin du mo nde
propose, contrairement à son titre apocalyptique et non sans ironie .
Juste la fin du monde est à la fois l’histoire d’une famille désunie, ainsi que d’être déchirés,
et l’histoire d’une tentative désespérée de se rassembler.
Les membres de cette famille sont à la fois éclatés et rassemblés, en crise et désireux d’une
réconci liation. La liste des personnages dès le début de la pièce, avant même le texte, fait apparaître
le manque du père, qui n’ est évoqué que dans la tirade de la mère (première partie, scène 4).
Du père
on sait seulement qu’il tenait à sa voiture, élément récurrent du texte qui signifie la force des habitudes
et du matériel dans un paysage social modeste où les apparences de la normalité valent déjà pour
signes de réussite et sont, à ce titre, surinvestis.
Les personnages lacunaires sont aussi les enfants : la
fille dont on sait juste qu’elle ressemble à Antoine puis ne ressemble à personne, puis qu’elle “a des
cheveux.
C’est do mmage.” (première partie, scène 2).
Le personnage de Louis est un fuyard, un
passant dans la vie et sa famille, qui n’adhère pas : il est d’ailleurs défini, dans l’épilogue par les
expressions de mouvement: “Je pars.”, “Je me remets en route”, “mes pas sur le gravier.” Mais dans
cette même famille en crise, on veut aussi se relier.
Dès la liste des personnages, on observe que la
famille reste leur ancrage, puisqu’ils sont tous reliés, sauf Louis, les uns aux autres : “Suzanne, sa
soeur”, “Antoine, leur frère” tandis que la cheffe de famille cumule les preuves d’ancrage affectif :
“La mère, mère de Louis, Antoine et Suzanne.” Malgré tout ce qui les oppose (parfois violemment,
comme le montre l’usage de la vulgarité “Ta gueule”, première partie, sc.8, ou de la menace “Si tu
me touches, je te tue”, seconde partie, sc. 2), les personnages n’ont de cesse de chercher à se côtoHU
confronter et mélanger.
Les personnages n’ont de cesse de s’appeler pendant l’intermède : “Où est -
ce que tu es ? ” demande la mère, “Où est -ce qu’ils sont ? ” s’inquiète Suzanne en scène 5, et “Je vous
cherchais” avoue la mère en scène 7.
Ils ont en outre du mal à quitter la scène, comme Suzanne qui
se résume à une voix (“Voix de Suzanne : - Oui ? ”) demeurant en scènes 5 puis 7 une locutrice et
interlocutrice accessible à tous les autres. On est donc disjoints et ensemble dans cette pièce, et l’on
en retrouve même la traduction dans la gestion de la parole dramatique puisqu’on oscille entre
dialogues vifs (Antoine/Suzanne en première partie scène 9 ou deuxième partie, scène 2), scènes
furtives de transition (ainsi les scènes composant l’intermède) et longues tirades (longue tirades de
Suzanne puis de la mère respectivement en première partie scènes 3 et 4) quasiment monologues
(Louis en première partie scène 10 ou Antoine en scène finale).
1 Cf.
dossier SCEREN/CNDP, 2008 .
2 JL LAGARCE, Théâtre et pouvoir en Occident , Les Solitaires intempestifs, éd.
posth. (2011)..
»
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