Dans la Préface de son Dictionnaire philosophique, Voltaire écrit : « nous avons taché de joindre l'agréable à l'utile ». Montrez que tout en divertissant, l'écrivain peut jouer un rôle social, politique.
Publié le 09/12/2021
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Il se penche aussi sur la société, en allant bien plus loin dans ce domaine que les écrivains du XVIIIe: Les misérables brosse un tableau pathétique et détaillé de la misère des petites gens. Le politique et le social se rejoignent dans l'engagement qui le porte aux côtés des "communards", en 1870 : il est l'un des seuls écrivains à soutenir la Commune de Paris dans ses débuts. II L'écrivain engagé doit divertir pour mieux convaincre Ce qui fait la spécificité de l'intellectuel engagé par rapport à l'homme politique, c'est qui choisit un moyen d'expression artistique et, en l'occurrence, littéraire : l'alliance de l'écriture et de l'engagement s'incarne au XVIIIe dans des récits philosophiques, contes ou romans, qui prennent une forme séduisante (amusante, romanesque, tragique) pour mieux s'assurer l'adhésion du lecteur : ainsi Voltaire, dans ses contes philosophiques, choisit-il une forme courte qui ne lasse pas; une écriture rapide, et un ton perpétuellement ironique qui doit amuser le lecteur. Son héros éponyme, Candide, subit des avanies qui font sourire, avant de s'apercevoir qu'il faut renoncer à l'"optimisme" (sous-titre du conte Candide) et voir le monde tel qu'il est : par ce biais Voltaire dénonce la cruauté de l'esclavage ou le despotisme des jésuites dans les colonies. Montesquieu donne aux réflexions de L'origine des lois une forme romanesque dans les Lettres persanes : cette oeuvre fait faire par des Persans une remise en cause des systèmes occidentaux et du despotisme, et donne ainsi à la réflexion une touche exotique et séduisante. La poésie permet également de transmettre des idéaux : au XXe siècle, le poète Paul Claudel signifie son engagement aux côtés des révolutionnaires espagnols dans la guerre d'Espagne en écrivant le poème "Liberté"; ce poème est ensuite lâché sous forme de tracts par des avions au dessus du territoire espagnol. Cet exemple montre l'alliance possible de l'art avec la politique et avec l'action. III Les limites de l'écrivain engagé _ La question de l'action pose justement problème dans la figure de l'intellectuel : l'écrivain peut se prononcer sur des questions politiques, et en tant que grande figure de la société il sera plus écouté qu'un autre; mais dans quelle mesure peut-il joindre l'action à la parole? On peut encore citer Voltaire, comme exemple controversé : tout en dénonçant l'esclavage dans Candide, il a bâti en partie sa fortune sur le commerce triangulaire. Un écrivain moins connu, Romain Rolland, a suscité beaucoup de critiques pendant la 1ère guerre mondiale : il a en effet choisi de se retirer ostensiblement du conflit en s'exilant en Suisse, et a écrit un livre : Au-dessus de la mêlée, qui condamne la guerre.
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C'est à l'époque des Lumières que l'écrivain apparaît pour la première fois comme un personnage qui peut jouer un rôledans la société; ce n'est plus seulement le poète qui chante l'amour courtois dans les cours médiévales, ou qui pose lesbases de la langue française avec la Pléiade à la Renaissance.
Dès le XVIIIe, avec par exemple l'engagement de Voltairedans l'affaire Callas, se profile la figure de "l'intellectuel engagé", qui prendra de plus en plus d'ampleur jusqu'à jouer unrôle crucial au XXe.Or cette figure peut paraître problématique : les préoccupations de l'écrivain ne devraient-elles pas être d'abord d'ordreesthétique? L'écrivain n'est-il pas d'abord un artiste? Voltaire prononce le mot : "utile" dans la préface de son Dictionnaire philosophique ; mais l'art ne se définit-il pas justement comme ce qui est gratuit? Dans les faits, la dimension esthétique sert la cause de l'écrivain, plutôt qu'elle ne l'en détourne; mais on peut s'interrogersur les limites que rencontre la figure de l'intellectuel engagé.
I Le rôle politique et social de l'écrivain Dès le XVIIIe siècle se manifeste une évolution sensible du rôle de l'écrivain : le mouvement des Lumières donnenaissance à la figure de l'écrivain philosophe, qui réfléchit sur le fonctionnement de l'Etat et de la société, et qui se permetparfois de remettre ces deux entités en question.
Montesquieu par exemple, dans De l'origine des lois , interroge les différents modèles politiques existant en Europe et les compare pour tenter de dégager des règles, et un hypothétiquemodèle parfait.
A cette occasion il écrit un texte extrêmement satirique, De l'esclavage des nègres , qui sous couvert d'une approbation ironique dénonce vigoureusement l'esclavage (qui était un commerce florissant).La figure de l'écrivain engagé trouve de nombreuses incarnations par la suite : au XIXe, Victor Hugo en est l'emblème; ilmet son art au service de Napoléon Ier, qu'il loue dans des poèmes divers comme Bounaberdi , dans le recueil Les Orientales ; ou à l'inverse, il fustige Napoléon III, dans Les châtiments .
Il se penche aussi sur la société, en allant bien plus loin dans ce domaine que les écrivains du XVIIIe: Les misérables brosse un tableau pathétique et détaillé de la misère des petites gens.
Le politique et le social se rejoignent dans l'engagement qui le porte aux côtés des "communards", en 1870 :il est l'un des seuls écrivains à soutenir la Commune de Paris dans ses débuts.
II L'écrivain engagé doit divertir pour mieux convaincre Ce qui fait la spécificité de l'intellectuel engagé par rapport à l'homme politique, c'est qui choisit un moyen d'expressionartistique et, en l'occurrence, littéraire : l'alliance de l'écriture et de l'engagement s'incarne au XVIIIe dans des récitsphilosophiques, contes ou romans, qui prennent une forme séduisante (amusante, romanesque, tragique) pour mieuxs'assurer l'adhésion du lecteur : ainsi Voltaire, dans ses contes philosophiques, choisit-il une forme courte qui ne lassepas; une écriture rapide, et un ton perpétuellement ironique qui doit amuser le lecteur.
Son héros éponyme, Candide, subitdes avanies qui font sourire, avant de s'apercevoir qu'il faut renoncer à l'"optimisme" (sous-titre du conte Candide ) et voir le monde tel qu'il est : par ce biais Voltaire dénonce la cruauté de l'esclavage ou le despotisme des jésuites dans lescolonies.
Montesquieu donne aux réflexions de L'origine des lois une forme romanesque dans les Lettres persanes : cette oeuvre fait faire par des Persans une remise en cause des systèmes occidentaux et du despotisme, et donne ainsi à laréflexion une touche exotique et séduisante.La poésie permet également de transmettre des idéaux : au XXe siècle, le poète Paul Claudel signifie son engagement auxcôtés des révolutionnaires espagnols dans la guerre d'Espagne en écrivant le poème "Liberté"; ce poème est ensuitelâché sous forme de tracts par des avions au dessus du territoire espagnol.
Cet exemple montre l'alliance possible de l'artavec la politique et avec l'action.
III Les limites de l'écrivain engagé _ La question de l'action pose justement problème dans la figure de l'intellectuel : l'écrivain peut se prononcer sur desquestions politiques, et en tant que grande figure de la société il sera plus écouté qu'un autre; mais dans quelle mesurepeut-il joindre l'action à la parole? On peut encore citer Voltaire, comme exemple controversé : tout en dénonçantl'esclavage dans Candide , il a bâti en partie sa fortune sur le commerce triangulaire.
Un écrivain moins connu, Romain Rolland, a suscité beaucoup de critiques pendant la 1ère guerre mondiale : il a en effet choisi de se retirer ostensiblementdu conflit en s'exilant en Suisse, et a écrit un livre : Au-dessus de la mêlée , qui condamne la guerre.
Même si ce message est louable, on a pu trouver confortable cette position "en retrait", qui n'était permise que par son statut favoriséd'intellectuel._ Une autre limite est celle du danger que rencontre l'écrivain engagé : il se situe en effet en dehors de la sphère dupouvoir, et ne bénéficie pas de la même protection que les hommes politiques (d'autant plus qu'il se dresse parfois contrele pouvoir).
Ainsi plusieurs auteurs ont connu la fuite ou l'exil: Montesquieu n'a pas pu faire publier les Lettres persanes en France, mais aux Pays-Bas; Hugo a été exilé par Napoléon III et n'est revenu en France que lors de la proclamation de laCommune.
Un exemple très contemporain du danger de l'engagement est celui de l'écrivain arabe Salman Rushdie, qui vitencore actuellement: la publication des Versets sataniques , oeuvre critique par rapport à l'islam, a déclenché le lancement de la charia islamique (qui donne le droit à quiconque le rencontre de le mettre à mort).
L'influence politique et sociale que peut avoir un écrivain reconnu est incontestable et s'est souvent vérifiée : le châtimentqu'on pu endurer certains n'est qu'une preuve de plus de leur puissance, qui inquiète ceux qu'ils remettent en question.
Lavaleur de la production littéraire va de pair avec la valeur de l'engagement : d'une part parce qu'un écrivain estimé pour saqualité artistique sera d'autant plus écouté dans l'opinion.
D'autre part parce qu'une oeuvre bien écrite s'assure unemeilleure diffusion et une plus grande adhésion du lecteur.Cependant il ne faut pas oublier la double nature de l'intellectuel, à la fois homme de lettres et homme d'action; l'alliancedes deux peut susciter des controverses, soit que les actions ne suivent pas les idées, soit qu'elles entrent encontradiction avec elles.
A l'inverse, il peut paraître paradoxal que la formulation sur papier d'une pensée critique, qui restedonc dans le domaine du mental, puisse provoquer des effets réels, voire mettre en danger la vie de l'auteur..
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- VOLTAIRE, Dictionnaire philosophique portatif, Article « Fanatisme ».
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