Croix-de-Feu
Publié le 06/12/2021
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Spécialiste de l’histoire des régimes et des pensées totalitaires, Pierre Milza se penche ici sur le mouvement du colonel de La Roque, les Croix-de-Feux, dont il analyse le bagage doctrinal. Posant implicitement la question de son éventuel apparentement au fascisme, l’historien répond par la négative. Il dépeint un mouvement n’ayant pas comme but premier l’instauration d’une société identifiée par une fascination pour les modèles dictatoriaux et xénophobes. On remarquera néanmoins que nombre de postures idéologiques évoquées ici reparaissent dans le discours propagandiste du régime de Vichy.
Les Croix-de-Feu
[…]
La rapide ascension du mouvement Croix-de-Feu, son organisation paramilitaire engagée dans de nombreuses bagarres de rues et autres affrontements violents avec les communistes, la liturgie orchestrée par son leader ont fait que ce dernier est vite apparu comme le chef d’un fascisme français aspirant à la conquête solitaire du pouvoir et à la mise en place d’une dictature de facture mussolinienne. Imagerie forgée à chaud dans le contexte tourmenté d’une époque légitimement inquiète devant la montée des totalitarismes et qui a longtemps perduré, mais qui ne correspond pas à la réalité. Certes, il y a des « fascistes « chez les Croix-de-Feu : sinon parmi les premiers adhérents, du moins dans les rangs des Volontaires nationaux, arrivés plus tard dans le mouvement, anciens maurrassiens déçus par l’immobilisme de l’AF, ou Jeunesses patriotes en délicatesse avec un leader jugé trop inféodé aux chefs de la droite parlementaire. Mais ils ne forment qu’une minorité avec laquelle La Rocque se montre souvent en désaccord, ne serait-ce qu’à propos du discours antisémite qu’ils tentent d’introduire dans le mouvement et contre lequel, au moins à cette époque, il s’insurge avec vigueur. Lui-même n’a rien d’un dirigeant fasciste aspirant à la dictature, et son programme, exposé dans un livre publié en décembre 1934, Service public, doit plus au christianisme social et au nationalisme traditionnel qu’aux doctrinaires de la « révolution fasciste «.
Faut-il d’ailleurs parler de « programme « pour designer ce catalogue de propositions brumeuses, complété par divers articles parus dans l’organe du mouvement, Le Flambeau ? Plutôt qu’une idéologie structurée, les écrits du colonel La Rocque véhiculent un esprit croix-de-feu, ou si l’on préfère une mystique fondée sur le souvenir des tranchées. Est condamné tout ce qui peut diviser la nation : la lutte des classes, le régime des partis, le clientélisme et le professionnalisme politiques. Ce sont des thèmes que l’on retrouve dans toutes les idéologies de rassemblement, et, s’il sont également présents dans le discours fasciste, les points de désaccord avec celui-ci sont nombreux. Refus du racisme tout d’abord, considéré comme étranger à la tradition nationale. La base, il est vrai, ne suit pas toujours sur ce point ses dirigeants nationaux, et La Rocque lui-même doit parfois intervenir dans le débat pour ramener à la raison certains éléments déviants, nombreux surtout en Afrique du Nord. Pas davantage de xénophobie délirante : rien en tout cas qui puisse être comparé aux propos haineux fulminés contre les « métèques « par l’AF et par les organisations fascistes. Tout au plus l’exigence d’« une garantie effective des droits de la main-d’œuvre française « et l’« adaptation de la main-d’œuvre étrangère aux stricts besoins de la production « ; mais la CGT demande-t-elle beaucoup plus ? Rejet par ailleurs du totalitarisme et de l’étatisme.
Cela dit, lorsqu’il s’agit de définir le régime politique de son choix, le chef des Croix-de-Feu se montre peu enclin à la précision. Ses préférences vont à une forme d’État privilégiant un exécutif fort et réduisant le rôle du Parlement, mais en même temps respectueux de la représentation nationale. La Rocque se prononce même pour un mode de scrutin « sincère «, incluant la proportionnelle et le vote des femmes. Il est en revanche hostile au droit de grève et prêche en faveur d’un enseignement libre et indépendant de toute influence politique. En matière économique et sociale, le programme des Croix-de-Feu est tendanciellement libéral, en ce sens qu’il prône une « élimination de la mainmise de l’État des les domaines appartenant à l’économie privée «, « un allégement immédiat et rationnel du poids de la fiscalité «, une lutte infatigable « contre les prébendes exagérées grevant les frais généraux des entreprises «. Il réclame néanmoins, répondant ainsi à l’exigence de « défense des petits « qui émane de sa clientèle petite-bourgeoise, la lutte contre la spéculation et « la protection du profit légitime de l’épargne et de la propriété familiale «.
Au total, un corps doctrinal qui propose de faire reposer la cité régénérée par l’esprit de la fraternité combattante sur la famille et sur l’entreprise, conçues selon un modèle traditionnel et paternaliste. S’y ajoute l’importance attachée à la religion chrétienne, à la primauté du spirituel et aux valeurs morales traditionnelles. Infiniment plus qu’au fascisme et à l’ultracisme maurrassien, le mouvement du colonel de La Rocque se rattache à un christianisme social patriotique et paternaliste, un peu comparable à celui qui règne à cette date dans l’Autriche de monseigneur Seipel et du chancelier Dollfuss ou dans le Portugal de Salazar. On conçoit que le chef des Croix-de-Feu ait été favorable au premier Vichy et hostile au second. En attendant, son mouvement apparaît au milieu des années trente comme le prolongement politique de l’esprit des organisations de la jeunesse catholique et en particulier du scoutisme.
La sociologie du mouvement n’est pas non plus spécifiquement celle d’une organisation fasciste. Certes, les représentants des catégories intermédiaires sont très nettement majoritaires. On compte en 1934 25 p. 100 d’adhérents appartenant à la bourgeoisie et aux cadres supérieurs, 41 p. 100 de membres des classes moyennes indépendantes, 28 p. 100 de techniciens, employés de bureau, salariés du tertiaire, etc., et seulement 5 p. 100 d’agriculteurs : soit une nette surreprésentation du petit commerce, des « cols blancs « et des catégories aisées du monde citadin. Les Croix-de-Feu présentent donc un caractère moins plébéien, plus bourgeois, que les organisations fascistes. Il est significatif qu’en 1936 les plus gros comités locaux parisiens du PSF — le Parti social français qui a remplacé les Croix-de-Feu après la dissolution des ligues en 1936 — se situent dans les « beaux quartiers « des XVe, XVIe et XVIIe arrondissements.
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La rapide ascension du mouvement Croix-de-Feu, son organisation paramilitaire engagée dans de nombreuses bagarres de rues et autres affrontements violents avec les communistes, la liturgie orchestrée par son leader ont fait que ce dernier est vite apparu comme le chef d’un fascisme français aspirant à la conquête solitaire du pouvoir et à la mise en place d’une dictature de facture mussolinienne. Imagerie forgée à chaud dans le contexte tourmenté d’une époque légitimement inquiète devant la montée des totalitarismes et qui a longtemps perduré, mais qui ne correspond pas à la réalité. Certes, il y a des « fascistes « chez les Croix-de-Feu : sinon parmi les premiers adhérents, du moins dans les rangs des Volontaires nationaux, arrivés plus tard dans le mouvement, anciens maurrassiens déçus par l’immobilisme de l’AF, ou Jeunesses patriotes en délicatesse avec un leader jugé trop inféodé aux chefs de la droite parlementaire. Mais ils ne forment qu’une minorité avec laquelle La Rocque se montre souvent en désaccord, ne serait-ce qu’à propos du discours antisémite qu’ils tentent d’introduire dans le mouvement et contre lequel, au moins à cette époque, il s’insurge avec vigueur. Lui-même n’a rien d’un dirigeant fasciste aspirant à la dictature, et son programme, exposé dans un livre publié en décembre 1934, Service public, doit plus au christianisme social et au nationalisme traditionnel qu’aux doctrinaires de la « révolution fasciste «.
Faut-il d’ailleurs parler de « programme « pour designer ce catalogue de propositions brumeuses, complété par divers articles parus dans l’organe du mouvement, Le Flambeau ? Plutôt qu’une idéologie structurée, les écrits du colonel La Rocque véhiculent un esprit croix-de-feu, ou si l’on préfère une mystique fondée sur le souvenir des tranchées. Est condamné tout ce qui peut diviser la nation : la lutte des classes, le régime des partis, le clientélisme et le professionnalisme politiques. Ce sont des thèmes que l’on retrouve dans toutes les idéologies de rassemblement, et, s’il sont également présents dans le discours fasciste, les points de désaccord avec celui-ci sont nombreux. Refus du racisme tout d’abord, considéré comme étranger à la tradition nationale. La base, il est vrai, ne suit pas toujours sur ce point ses dirigeants nationaux, et La Rocque lui-même doit parfois intervenir dans le débat pour ramener à la raison certains éléments déviants, nombreux surtout en Afrique du Nord. Pas davantage de xénophobie délirante : rien en tout cas qui puisse être comparé aux propos haineux fulminés contre les « métèques « par l’AF et par les organisations fascistes. Tout au plus l’exigence d’« une garantie effective des droits de la main-d’œuvre française « et l’« adaptation de la main-d’œuvre étrangère aux stricts besoins de la production « ; mais la CGT demande-t-elle beaucoup plus ? Rejet par ailleurs du totalitarisme et de l’étatisme.
Cela dit, lorsqu’il s’agit de définir le régime politique de son choix, le chef des Croix-de-Feu se montre peu enclin à la précision. Ses préférences vont à une forme d’État privilégiant un exécutif fort et réduisant le rôle du Parlement, mais en même temps respectueux de la représentation nationale. La Rocque se prononce même pour un mode de scrutin « sincère «, incluant la proportionnelle et le vote des femmes. Il est en revanche hostile au droit de grève et prêche en faveur d’un enseignement libre et indépendant de toute influence politique. En matière économique et sociale, le programme des Croix-de-Feu est tendanciellement libéral, en ce sens qu’il prône une « élimination de la mainmise de l’État des les domaines appartenant à l’économie privée «, « un allégement immédiat et rationnel du poids de la fiscalité «, une lutte infatigable « contre les prébendes exagérées grevant les frais généraux des entreprises «. Il réclame néanmoins, répondant ainsi à l’exigence de « défense des petits « qui émane de sa clientèle petite-bourgeoise, la lutte contre la spéculation et « la protection du profit légitime de l’épargne et de la propriété familiale «.
Au total, un corps doctrinal qui propose de faire reposer la cité régénérée par l’esprit de la fraternité combattante sur la famille et sur l’entreprise, conçues selon un modèle traditionnel et paternaliste. S’y ajoute l’importance attachée à la religion chrétienne, à la primauté du spirituel et aux valeurs morales traditionnelles. Infiniment plus qu’au fascisme et à l’ultracisme maurrassien, le mouvement du colonel de La Rocque se rattache à un christianisme social patriotique et paternaliste, un peu comparable à celui qui règne à cette date dans l’Autriche de monseigneur Seipel et du chancelier Dollfuss ou dans le Portugal de Salazar. On conçoit que le chef des Croix-de-Feu ait été favorable au premier Vichy et hostile au second. En attendant, son mouvement apparaît au milieu des années trente comme le prolongement politique de l’esprit des organisations de la jeunesse catholique et en particulier du scoutisme.
La sociologie du mouvement n’est pas non plus spécifiquement celle d’une organisation fasciste. Certes, les représentants des catégories intermédiaires sont très nettement majoritaires. On compte en 1934 25 p. 100 d’adhérents appartenant à la bourgeoisie et aux cadres supérieurs, 41 p. 100 de membres des classes moyennes indépendantes, 28 p. 100 de techniciens, employés de bureau, salariés du tertiaire, etc., et seulement 5 p. 100 d’agriculteurs : soit une nette surreprésentation du petit commerce, des « cols blancs « et des catégories aisées du monde citadin. Les Croix-de-Feu présentent donc un caractère moins plébéien, plus bourgeois, que les organisations fascistes. Il est significatif qu’en 1936 les plus gros comités locaux parisiens du PSF — le Parti social français qui a remplacé les Croix-de-Feu après la dissolution des ligues en 1936 — se situent dans les « beaux quartiers « des XVe, XVIe et XVIIe arrondissements.
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Source : Milza (Pierre), « l'Ultra-Droite des années trente « in Winock (Michel), Histoire de l'extrême droite en France, Paris, Seuil, 1993.
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