Cours sur l’état
Publié le 20/05/2024
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L’Etat
Problème général : qu’est ce qui unit les hommes dans un Etat ?
L’Etat est une forme d’organisation politique et juridique d’une société en général.
Pour nous
(modernes et contemporains), l’Etat se distingue de ce qu’on appelle la société civile, c’est-àdire l’ensemble des individus et des associations privées de cet Etat.
La politique se distingue
donc fondamentalement de la sphère privée qui ne concerne que les individus en tant que tels.
Il faut rappeler que le terme « politique » vient du grec « politikos », ce qui concerne la cité
(polis).
La polis est l’ancêtre de notre Etat.
Paradoxalement pour nous, les anciens y voyaient une forme de liberté collective.
Il s’agissait
de prise en main, par les hommes eux-mêmes de leur destin.
Cela signifie que ce sont les
citoyens qui décident en principe des questions fondamentales de toute société (l’économie,
l’éducation, éventuellement la guerre etc.) c’est-à-dire les grandes orientations d’une société
mais qui nous concernent tous.
C’est donc une indépendance par rapport à toute autre autorité
(un autre Etat, une autorité surnaturelle, fondée sur la nature ou même économique).
Cette
distinction entre le politique et l’économique est essentielle et nous y reviendrons.
Une alternative se pose concernant ce qui unissent les citoyens dans un Etat.
Elle correspond
globalement, mais pas exclusivement, à la différence entre la conception des anciens et des
modernes et à chacune de ces conceptions correspond une conception de la liberté.
Elle
repose aussi sur une conception différente de la nature de l’homme.
1ère hypothèse : Elle correspond à notre individualisme moderne.
Ce qui existe réellement
c’est l’individu.
Il suit de là que ni la société ni l’Etat ne sont essentielles à l’humanité.
L’Etat
résulte d’un contrat entre les individus rendu nécessaire pour coexister.
La liberté est ici le libre arbitre individuel qui n’implique pas l’idée de raison.
Chacun a le
droit de faire ce qu’il lui plaît à condition de ne pas nuire aux autres.
Cette conception nous est tellement familière qu’elle nous paraît évidente.
Et pourtant elle
s’est formée contre (et délibérément chez Hobbes par exemple) l’hypothèse des anciens.
2ème hypothèse : Il y a quelque chose en l’homme qui non seulement le rend propre à vivre
dans un Etat mais qui rend cela souhaitable.
Pour Aristote c’est la raison qui rend l’homme
politique.
La liberté n’est alors pas seulement le libre arbitre mais une forme d’autonomie.
L’Etat n’est
pas une convention mais le lieu de réalisation de la liberté humaine.
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Remarque : dans les deux cas, la politique a des limites, c’est-à-dire reste dans les bornes
d’un Etat.
On pourrait se poser la question d’un gouvernement mondial.
I) Examen de la thèse aristotélicienne : l’homme est un animal politique par nature.
1) La nature du pouvoir politique.
Pour comprendre la nature du pouvoir politique (libre par essence) il faut la distinguer de ce
qu’il n’est pas : les pouvoirs privés d’une part (qu’Hannah Arendt qualifierait de
prépolitiques) et les pouvoirs despotiques qui sont une corruption de la politique.
a) Les pouvoirs privés.
Ce sont ceux qu’Hannah Arendt qualifie de « prépolitiques » en deux sens du terme : au sens
où ils sont antérieurs au pouvoir politique et au sens où ils sont une condition de celui-ci.
Ils s’exercent à l’intérieur de l’oikos (qui a donné « économie »).
On traduit généralement ce
terme par « foyer » sachant que celui-ci incluait la famille, la propriété et les esclaves (dans le
sens ancien l’esclave n’était pas proprement dit exploité (sauf dans les mines d’argent par
exemple) mais le plus souvent un employé domestique.
La police était constituée aussi
d’esclaves.
Être banquier était considéré comme un métier d’esclave ( !).
Avant l’apparition
du salariat (cf.
Marx pour qui le salariat permet la plus grande exploitation) les formes de
travail étaient très différentes.
Il y a trois formes de ces rapports dans l’oikos : le rapport homme femme, parents enfants et
maître esclave.
- Aristote grand misogyne ! Pas tant qu’on pourrait le croire.
Il accorde une supériorité de
l’homme sur la femme au niveau de l’autorité.
Ce pourquoi même s’il y a des femmes
citoyennes libres, elles ne participent pas à la politique.
Très discutable c’est sûr.
Mais les
femmes ont la raison et participent à la gestion du foyer de son point de vue.
On est quand
même loin de la famille autoritaire du 19ème siècle.
- le rapport parents enfants qui a pour but leur éducation, la formation du futur adulte.
Dans le
premier cas l’autorité s’exerce entre individus libres, et dans le second vis-à-vis d’individus
potentiellement libres, amenés à le devenir.
Ils s’agit de rapports privés car ils ne visent pas directement le bien commun.
- Le rapport maître esclave a pour but la production matérielle.
Il désignerait aujourd’hui le
domaine de l’économie.
Celui-ci se distingue du politique par son but.
L’économie a pour but
de donner les conditions de vie matérielle de la cité tandis que le politique a pour but la vie
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bonne.
L’économique vise le vivre tandis que le politique vise le bien vivre.
L’économie doit
donc être un moyen de la politique et non l’inverse.
On pourrait se demander comment
repenser ce rapport aujourd’hui dans le contexte de la mondialisation.
Il est clair que le
modèle aristotélicien ne peut plus s’appliquer directement tel quel.
Les structures du travail, en effet, sont profondément modifiées mais les distinctions
subsistent encore.
La question que l’on pourrait se poser de savoir en quoi le pouvoir n’est pas contraire à la
liberté ?
En fait exercer un pouvoir, c’est exercer des responsabilités et, selon Aristote, le pouvoir
révèle l’homme.
Il y a ceux qui exercent bien leurs responsabilités et les autres.
Et le fait d’obéir à un pouvoir n’est pas non plus nécessairement contraire à la liberté.
Pour
exercer un pouvoir, il faut d’abord avoir obéi.
C’est en quelque sorte un apprentissage de
l’autonomie.
Être citoyen, pour Aristote, ce n’est pas seulement vivre dans une cité.
Le citoyen est celui
qui participe au pouvoir et de fait, comme l’a montré l’historien M Finley (démocratie
antique et moderne) tout citoyen avait eu dans sa vie au moins une fois une responsabilité
directe soit une expérience directe de la politique.
La politique est aussi le lieu de partage des
responsabilités.
Sur cette question aussi on pourrait se poser la question de savoir comment cela pourrait être
possible aujourd’hui.
Notre démocratie n’est plus directe mais représentative et peu de
citoyens sont au courant de toutes les questions qui se discutent à l’assemblée alors que le
paysan grec, même sans culture avait une connaissance de ces questions par la discussion
(Finley).
Globalement peu d’entre nous ont une expérience directe de la politique.
Peut-on
alléguer que les questions sont devenues plus complexes ? C’est discutable car les anciens
avaient aussi recours à des experts.
Mais c’est la décision politique qui prédominait.
La
politique dirait Aristote n’est ni une science ni un art.
Elle ne relève ni de la seule théorie ni
d’un savoir de technicien (qui ne se préoccupe pas des buts mais des moyens).
Elle relève
d’une certaine capacité de jugement qu’il appelait « pronèsis » que l’on traduit souvent par
« prudence ».
On pourrait parler de sagacité ou de capacité de discernement qui consiste à
retrouver l’universel (ce qui est juste en soi) dans le particulier (ce qui est juste ici et
maintenant).
b) Les pouvoirs despotiques
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Les pouvoirs despotiques (car il y en a de plusieurs formes) sont des déviations ou des
corruptions du pouvoir politique.
Ils sont en quelque sorte des maladies (plus ou moins
graves) du politique.
Ils se caractérisent par le fait qu’ils ne visent que le bien exclusif de
ceux qui gouvernent.
Il a donc un but privé et non politique.
C’est en quelque sorte la
négation de la politique.
En ce sens, comme nous allons le voir, même une majorité peut être
despotique.
Thèse paradoxale, il y a des degrés de despotisme.
Un régime peut être plus ou moins
malade.
Dans certains cas on peut chercher à l’améliorer, dans d’autres on peut le renverser.
Mais cette deuxième solution comporte un danger : les lois reposent en partie sur l’habitude
et les modifier profondément peut conduire à supprimer toute base de la société et de l’Etat.
2) La différence aristotélicienne entre régimes légitimes (politiques) et régimes illégitimes
(despotiques)
Considérons ce tableau que nous allons commenter :
Nombre de gouvernants
1seul gouverne
un petit nombre
une majorité
But du régime
Bien commun (aux
monarchie
aristocratie
gouvernement
constitutionnel
gouvernants et aux gouvernés)
Intérêt exclusif des gouvernés
tyrannie
oligarchie
démocratie
Les régimes dans les cases du haut représentent les régimes politiques et les régimes du bas
les régimes despotiques.
Plusieurs choses pourraient nous étonner à juste titre :
- La démocratie est classée dans les régimes despotiques.
Cependant il y a un régime de la
majorité qui est juste.
Aristote l’appelle politeia, ce qui signifie constitution.
C’est étrange :
cela signifierait-il une préférence pour ce type de régime tandis qu’il était hostile à la
démocratie de....
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