Cours de philosophie La Technique
Publié le 15/11/2024
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«
La Technique
Intro : Le machinisme est l’objet d’appréciations contradictoires.
Il
est célébré par ceux pour lesquels il témoigne du génie inventif humain
(les machines de Léonard de Vinci par exemple, suscitent l’admiration) et
dénoncé par ceux pour lesquels il aliène l’ouvrier et uniformise le
monde (avant qu’il ne finisse par le détruire).
Mais n’est-il pas possible de se tenir à l’écart de telles appréciations, qui
relèvent plus de la croyance que de la juste compréhension du monde
technique ? Le philosophe Gilbert Simondon affirme que l’homme n’est
pas aliéné par la machine, mais par son ignorance de la machine :
« L’opposition dressée entre la culture et la technique, entre l’homme
et la machine, est fausse et sans fondement ; elle ne recouvre
qu’ignorance ou ressentiment.
Elle masque derrière un facile humanisme
une réalité riche en efforts humains et en forces naturelles, et qui
constitue le monde des objets techniques, médiateurs entre la nature et
l’homme.
», Du mode d’existence des techniques, 1968.
L’invention technique n’est-elle pas, plus que le travail lui-même, ce qui
libère l’homme des servitudes naturelles auxquelles il est
biologiquement soumis ? N’est-elle pas également au principe des grandes
révolutions humaines ? Les inventions de l’imprimerie, de la poudre à
canon et de la boussole « ont changé la face du monde : la première dans
les lettres, la seconde dans l’art de la guerre, la troisième dans celui de la
navigation ; d’où sont venus des changements tellement innombrables,
que jamais empire, secte ou étoile ne pourra se vanter d’avoir exercé sur
les choses humaines autant d’influence que ces inventions mécaniques.
»,
Novum Organum, Bacon, 1620.
De la multiplication des objets connectés aux transports toujours plus
rapides, la technique rythme notre quotidien et déclenche des réactions
variées : source d’angoisse pour ceux qui estiment qu’elle envahit leur
espace privé ou qui craignent que l’humain soit un jour détruit par ses
propres inventions, elle représente aussi un immense espoir pour ceux qui
attendent du progrès technique l’amélioration de leurs conditions
matérielles et l’allongement de la durée de vie.
Comment la philosophie peut-elle nous aider à distinguer, parmi ces
craintes et espoirs, ce qui relève du fantasme et ce qui est de l’ordre d’un
questionnement pertinent ?
Repère : en théorie/ en pratique :
Déf : Une théorie (du grec theoria = « contemplation » ou
« spéculation »), désigne une démarche spéculative ou un ensemble
d’hypothèses organisées méthodiquement.
La théorie est donc de l’ordre
de la pensée et de la connaissance.
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La pratique (du grec pratteîn = « agir »), concerne pour sa part le
domaine des faits particuliers et de l’action humaine.
Le problème du rapport de la théorie, qui est générale, à la pratique, qui
est toujours particulière, se pose s’agissant de l’élaboration des théories
scientifiques : les faits donnés par l’expérience suffisent-ils à fonder une
théorie ?
Le problème se pose également dans le domaine moral : s’il est interdit de
mentir en théorie, n’en est-il pas autrement quand un criminel me
demande où est l’homme qu’il cherche ?
I)
QU’EST-CE QUE LA TECHNIQUE ?
a) Un ensemble de moyens artificiels
La technique est l’ensemble des moyens artificiels, ccd inventés par
l’homme, mis en œuvre pour parvenir à une fin déterminée (ex :
fabrication d’un objet, réalisation d’un projet…).
Ces moyens peuvent être
intellectuels (méthodes et savoir-faire) ou matériels (outils, machines,
robots…).
La première fonction de la technique est utilitaire puisqu’elle vise à
améliorer l’efficacité de l’activité humaine.
Elle aide les individus à
transformer la nature en vue de leurs productions diverses.
(Cf texte
Bergson, extrait de l’Evolution créatrice, 1907).
b) Des moyens de + en + autonomes
La notion de technique doit aussi être définie à partir de son
caractère évolutif.
En effet, suivant les époques et les sociétés, la
technique humaine possède différents niveaux de complexité.
Et chacun
de ces niveaux introduit un rapport spécifique entre la technique et les
individus qui l’utilisent.
On constate notamment une automatisation
progressive des techniques.
En d’autres termes, les productions
techniques deviennent de plus en plus indépendantes de l’intervention
humaine dans l’accomplissement de leurs fonctions.
Ainsi, alors que l’outil reste un prolongement direct du corps humain
et réclame de l’énergie des personnes qui le manient, la machine est
pour sa part indépendante d’une telle énergie lorsqu’elle réalise les
tâches pour lesquelles elle a été fabriquée (ex : les billetteries
automatiques dans les gares).
Quant au robot, il possède une
autonomie encore plus importante, étant programmé pour se modifier
lui-même, s’adapter à son environnement, voire corriger ses propres
erreurs.
c) Un domaine à part entière
Le développement toujours plus poussé de la technique soulève
alors le problème de son véritable statut : en effet, si elle désigne à
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l’origine un ensemble de moyens en vue d’une fin préalablement définie,
sa place centrale dans les sociétés contemporaines remet en question
cette relation à sens unique.
La technique constitue à présent un
domaine possédant son propre discours, la technologie, et ses
propres règles.
LE BONHEUR DE L’HOMME PEUT-IL VENIR DU PROGRES
TECHNIQUE ?
Dans la mesure où la technique permet de transformer le monde extérieur
pour rendre l’existence humaine plus confortable, il est raisonnable de
penser alors que le progrès technique permet de meilleures conditions de
vie.
Pour autant, cela suffit-il à garantir le bonheur collectif ? N’est-il pas
trop restrictif, voire contre-productif, de placer tous nos espoirs dans ce
type de progrès ?
La réponse de Descartes :
« (…) sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la
physique, (…) j’ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher
grandement contre la loi qui nous oblige à procurer, autant qu’il est en
nous, le bien général de tous les hommes.
Car elles m’ont fait voir qu’il
est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie,
et qu’au lieu de cette philosophie spéculative, qu’on nous enseigne dans
les écoles, on peut trouver une pratique, par laquelle, connaissant la force
et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les
autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous
connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions
employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et
ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature.
Ce qui
n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices, qui
feraient qu’on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de
toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la
conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le
fondement de tous les autres biens de cette vie ; car même l’esprit
dépend si fort du tempérament, et de la disponibilité des organes du corps
que, s’il est possible de trouver quelque moyen qui rende communément
les hommes plus sages et plus habiles qu’ils n’ont été jusqu’ici, je crois
que c’est dans la médecine qu’on doit le chercher.
», Discours de la
méthode, Descartes, 1637.
Ce que cela signifie : Descartes met ici en valeur la façon dont la
connaissance de la physique peut servir un objectif moral : améliorer la
vie des hommes.
Il interroge ainsi l’intérêt pratique de la science,
refusant un usage strictement « spéculatif » des connaissances qui se
perdrait dans des théories dénuées de tout débouché pour l’action.
En
dévoilant les lois de la nature, la physique devient en effet le moyen
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d’augmenter radicalement l’efficacité humaine au point de « nous
rendre maîtres et possesseurs de la Nature ».
Descartes ne dit pas par-là
que nous dominons la Nature, mais il indique que nous avons les moyens
de parvenir à une compréhension suffisamment complète de ses règles
afin de les tourner à notre avantage.
Plus précisément, il estime que
l’efficacité technique découlant de la compréhension de la nature est une
condition de possibilité d’une amélioration générale de la condition
humaine.
Non pas seulement parce qu’elle augmente le confort matériel
par l’invention de machines, mais aussi, et surtout, parce qu’elle assure la
conservation de la santé, le « bien » le plus essentiel.
Les diverses
applications techniques de la science sont ainsi l’expression de la
puissance de l’homme, qui utilise et....
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