Côte-d'Ivoire - 2002-2003: Enkystement régional du conflit
Publié le 14/09/2020
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Côte-d'Ivoire 2002-2003
Enkystement régional du conflit
Le 19 septembre 2002, la Côte-d'Ivoire a basculé dans une guerre q
ui a pris une dimension régionale,
menaçant les équilibres de toute l'Afrique de l'Ouest.
Confronté
à une rébellion contrôlant la moitié nord
du pays, le gouvernement a dû s'engager, sous les auspices de la CEDE
AO (Communauté économique
des États de l'Afrique de l'Ouest) dans des négociations, qui ont
abouti, en octobre, à la signature à Lomé
(Togo) d'un premier accord de cessez-le-feu
Faute de troupes ouest-africaines pour le garantir, il a dû se rés
oudre à faire appel à l'ancienne puissance
coloniale, la France, qui a déployé 4 000 hommes sur la ligne de f
ront.
Cette opération Licorne aux
relents néocoloniaux s'est toutefois accompagnée de violentes mani
festations antifrançaises.
Considérant
que cette crise était avant tout «ivoiro-ivoirienne», l'interve
ntion française s'était d'abord limitée à la seule
«sécurisation» des expatriés (environ 25 000).
Mais devant
l'échec des médiations africaines, la France a
usé de tout son poids diplomatique en organisant en janvier 2003 sur
son territoire, à Linas-Marcoussis,
une table ronde réunissant tous les protagonistes ivoiriens.
À l'issue de ce conclave, un accord de partage du pouvoir entre les p
artis politiques établis et les
mouvements rebelles, rebaptisés pour cette occasion «forces nouvel
les», a été signé.
Laurent Gbagbo,
président de la République et du FPI – Front populaire ivoirien
–, a cependant multiplié les actions
dilatoires pour repousser l'application de cet accord qui le dépouill
ait de l'essentiel de ses prérogatives de
chef de l'exécutif.
Après de nouvelles négociations à Accra
(Ghana) début mars, un gouvernement
d'union nationale a enfin pu voir le jour, conformément aux accords d
e Marcoussis.
Dirigé par Seydou
Diarra, il allait être composé d'un savant dosage entre les partis
politiques représentés à l'Assemblée et
les trois mouvements rebelles apparus depuis le début de la crise.
Ma
is la mise sur pied de ce
gouvernement, buttant notamment sur la nomination du ministre de la Dé
fense, n'a pas permis de lever
toutes les hypothèques d'une crise structurelle.
Délitement et dérives du système
La guerre qui a éclaté en septembre 2002 a illustré le délit
ement d'une situation minée depuis les années
1990 déjà par l'exacerbation de la thématique de l'«ivoirité
» et par l'épuisement d'un mode de régulation
politique qui avait permis la coexistence pacifique entre communautés
autochtone et allogènes.
Sous
l'effet de la crise économique, de l'affirmation des nouvelles gén
érations (civiles et militaires) et surtout
des ambitions politiques des héritiers de l'houphouëtisme, ce syst
ème – fondé sur l'exploitation des rentes
de l'extraversion économique (notamment les exportations de café
et de cacao cultivés dans le sud du
pays) et le travail des immigrés, la protection des planteurs locaux
et le clientélisme institutionnalisé –
s'est effondré.
C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre l'émergence des rébel
lions, mais aussi la radicalisation du
pouvoir en place.
Dès le début de l'insurrection, L.
Gbagbo, encou
ragé par les «faucons» de son
entourage (dont son épouse Simone), a adopté une attitude de con
frontation totale avec les rebelles.
Une
dynamique de radicalisation nationaliste s'est alors enclenchée, port
ée par une presse vindicative et des
mouvements de «patriotes» à la solde du pouvoir, organisés e
n véritables milices urbaines.
Stigmatisant
à la fois l'agression extérieure et l'ennemi intérieur, le gouv
ernement s'est engagé dans une politique
systématique de perquisitions et d'arrestations visant principalement
les militants du RDR
(Rassemblement des républicains) d'Alassane Ouattarra – dont la
candidature aux élections présidentielle
et législatives de 2000 avait été rejetée pour «nationali
té douteuse» – ou de l'UDPCI (Union pour la
démocratie et le progrès en Côte-d'Ivoire), le parti du gén
éral Robert Gueï.
De nombreux meurtres ont
ainsi été perpétrés par des «escadrons de la mort» et
des «forces de l'ordre» de plus en plus autonomes.
Ces dérives du régime de L.
Gbagbo ont suscité une large rép
robation internationale et lui ont aliéné une
majeure partie des soutiens gagnés durant les années de lutte dé
mocratique.
Des rébellions aux ramifications mystérieuses.
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