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Correction du commentaire composé l'Ennemi . Baudelaire

Publié le 16/05/2020

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Baudelaire Depuis Ronsard les poètes ont souvent exprimé le thème de la fuite du temps et la création poétique apparaît comme un moyen d'exorciser cette angoisseexistentielle .

Baudelaire, poète maudit du 19è siècle, héritier du romantisme et précurseur du symbolisme, a lui aussi repris ce thème, pour en faire l'unedes causes de son mal de vivre qu'il a renommé le spleen.

Un des poèmes du recueil les Fleurs du mal, intitulé l'Ennemi, évoque, sous la forme classique dusonnet, la conscience du temps qui passe et détruit la vie, en créant un réseau de métaphores concrètes qui traduisent la lutte inégale entre les forcesvitales et les forces mortifères.

Nous examinerons tout d'abord comment est évoquée cette angoisse puis nous étudierons les signes d'espoir quiparsèment le poème et enfin nous verrons la victoire des forces destructrices .

Le poème tout entier est imprégné d'un climat général de spleen, ce sentiment d'ennui et de dégoût de l'existence, lié ici à la hantise du temps et de la mort.

Ce sonnet débute comme une autobiographie avec « ma jeunesse » et l'emploi du passé simple « fut ».

Le poète se livre ici à un bilan rétrospectif de savie et le présent « il reste » , ainsi que l'adverbe « voilà » renvoient au moment de l'énonciation, la situation actuelle d'un Baudelaire vieillissant qui a atteint « l'automne des idées », métaphore qui renvoie plus à une dégénérescence intellectuelle que physique : il semble qu'avec le temps son inspiration sesoit tarie et il fait l'amer constat du déclin de ses facultés intellectuelles.

Ces éléments mettent en évidence l'écoulement du temps, la fuite des ans etl'entrée dans la vieillesse et donnent au texte une tonalité élégiaque, renforcée par la lenteur du rythme dûe à l'alexandrin et aux nombreux enjambementsqui donnent une impression d'étirement propre à la mélancolie funèbre.

La vie du poète est présentée de manière très négative comme un jardin dévasté par les intempéries.

La métaphore du déchaînement climatiques'exprime à travers les termes « orage », « tonnerre », « pluie », « terres inondées », « l'eau » dont l'action destructrice , présente dans les termes« ravage » et « creuse » s'effectue sur le « jardin » du poète qui est la métaphore de son moi, de son âme, de son paysage intérieur, reprise par les « terres »et le « sol ».

La cruauté de cette destruction est ressentie dans les sonorités dures , l'allitération en [t] au vers 3 , « tonnerre, fait un tel »et surtout au vers8, l'accumulation d'occlusives suivies du son [r] : « Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux ».

La métaphore morbide de ce vers accentuel'atmosphère lugubre en évoquant la mort que le poète redoute au fur et à mesure qu'il s'en approche .

Une autre métaphore vient compléter cette peinture cafardeuse du paysage mental du poète, celle du monstre, du vampire avec les verbes « ronge »et « mange » qui expriment une véritable agression contre le corps du poète représenté métonymiquement par le « coeur » et le « sang ».

Le dernier vers,« Du sang que nous perdons croît et se fortifie », décrit l'action destrutrice du temps à travers le mouvement inversé des deux hémistiches qui met côte àcôte deux termes opposés, « perdons »et « croît ».

Les allitérations en [k] et [r] des deux derniers vers accentuent la violence de cet acte de vampirisme :« obscur », »qui », « ronge », »coeur », que », « perdons », »croît », « fortifie ».

Ce monstre c'est le Temps, représenté par une personnification, « l'obscurEnnemi », qui est la cause de ce malaise.

L'emploi du présent de vérité générale ,dans cette dernière strophe et le passage du « je » au « nou » donnent uneportée universelle à ce constat.

Le poète associe tous les hommes à son propre destin et ce poème dépasse l'expérience personnelle pour acquérir unedimension philosophique et métaphysique en traduisant le tragique de la condition humaine vouée au néant.

Cependant, au sein de cette évocationcauchemardesque apparaissent quelques notes d'espoir.

Nous pouvons en effet remarquer la présence d'images de la vie et de la création qui trahissent l'espoir du poète et sa volonté de lutter contre lesforces mortifères du temps.La métaphore filée du jardin et des saisons se complète d'une série de termes positifs, en opposition à ceux relevés précédemment : les « fleurs » et les »fruits » évoquent le printemps, la renaissance de la nature.

Un vocabulaire du renouveau vient compléter ce réseau sémantique de la vie : le terme« jeunesse » est repris au vers 7 par « à neuf » et au vers 9 par l'adjectif « nouvelles » .

Enfin les termes « vigueur » et « aliment » semblent désigner lesforces vitales dont a besoin le poète pour éviter l'abattement total.

Baudelaire donne une valeur symbolique à ces « fleurs », qui font référence au titre deson recueil et qui représentent la création poétique.

L'art seul a le pouvoir de dépasser la mort, de vaincre le temps pour faire atteindre au poète un mondeidéal, hors du temps.

L'expression « mystique aliment » va dans le sens d'une interprétation spiritualiste : le poète est en quête d'une transcendance, ilcherche à accéder à un au-delà grâce au pouvoir de la poésie.

La structure de la première strophe traduit parfaitement ce combat entre deux aspiration contraires, à travers l'alternance des vers évoquant les forcesdestructrices et ceux évoquant l'espoir , que souligne la disposition en rimes croisées : « ténébreux orages » s'oppose à « brillants soleils » et « ravage » à« fruits vermeils ».

Cette strophe illustre bien les sursauts d'espoir qui s'emparent du poète et lui permettent de faire face à l' « Ennemi » en une tentativede reconstruction exprimée par la métaphore concrète du jardinage : « il faut employer la pelle et les râteaux », cette tournure injonctive traduisant lavolonté du poète, une énergie positive de reconstruction que l'on retrouve dans le groupe verbal « rassembler à neuf ».

L'emploi du futur au vers 10,« trouveront » traduit aussi cet espoir en un avenir meilleur, cet élan vers une nouvelle vie.

Cependant la reconstruction n'est qu'envisagée et ne se réalisepas et ce futur se dégrade bien vite en un conditionnel au vers 11 : « ferait », qui traduit l'incertitude, confirmée par la tournure interrogative de la strophe 3: « Qui sait si....? » L'espoir devient irréel , et la dernière strophe marque la victoire des forces mortifères.En effet la lutte est trop inégale et le poète ne réussit pas à s'élever spirituellement au-delà des contraintes temporelles.

Ce poème est en fait l'aveu de sonimpuissance et un constat d'échec.

Il faut bien remarquer que , dès le début, les signes d'espoir sont bien faibles et inférieurs aux forces destructrices : les « soleils »ne font que de brèvesapparitions comme l'indique la tournure adverbiale « çà et là », donnant à ces instant de bonheur une fugacité éphémère.

De plus, la qualité des rimesindique aussi l'inégalité des forces en présence : « orage »et « ravages » présentent une rime suffisante tandis que « soleils » et « vermeils » présententune rime pauvre.

Enfin, dans le dernier tercet, il n'y a plus une trace d'espoir et le dernier mot « se fortifie » conclut sur la victoire de l'Ennemi .

Ledésespoir du poète se traduit dans la répétition de l'apostrophe « Ô douleur ! », lamentation pathétique de l'être conscient qu'il est voué au néant et qu'iln'y a aucune issue.

La rupture du rythme contribue aussi à traduire la panique qui s'empare du poète puisque c'est le seul vers découpé du poème selon leschéma 3/3/6/.

Les faibles lueurs d'espoir sont donc complètement anéanties par ce temps invincible qui est la cause de toutes les souffrances du poète.

L'Ennemi traduit parfaitement la dualité permanente de Baudelaire, déchiré entre le spleen et l'idéal, alternant des périodes d'espoir et des momentsd'abattement intenses.

La grande réussite de ce poème vient de la transposition en images concrètes d'une angoisse métaphysique abstraite, le sentimentde la fuite du temps , et la lutte intérieure du poète pour résister lui confère une dimension tragique qu'il reussit à rendre universelle.

Plus loin dans lerecueil, le poème l'Horloge reprendra ce motif du temps destructeur, à travers d'autres images, notamment celle du dieu cruel, mais il ne contiendra plus lamoindre lueur d'espoir , révélant la dégradation de l'état d'esprit de Baudelaire qui sombre dans un pessimisme absolu.

Sujet désiré en échange : j'aime l'araignée, Victor Hugo. »

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