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Correction de la lecture linéaire de la première réconciliation. Projet de lecture : Quelle évolution de la relation du couple cette première scène de réconciliation met-elle en évidence ?

Publié le 01/07/2024

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« Correction de la lecture linéaire de la première réconciliation. Projet de lecture : Quelle évolution de la relation du couple cette première scène de réconciliation met-elle en évidence ? Premier mouvement : des retrouvailles conflictuelles (l.

1 à 16 = 1er &) La position des corps des deux personnages fait sentir une dissymétrie entre l’assurance de Manon, qui s’assied pour se mettre à l’aise afin de discuter, et le trouble de Des Grieux, qui reste debout comme si son corps était bloqué, pétrifié.

Cette paralysie de Des Grieux atteint également sa parole : alors qu’il se montrait éloquent lors de sa première rencontre avec Manon, il semble ici ne pas savoir s’exprimer autrement que sous la forme d’un cri : « je fis un effort pour m’écrier douloureusement ».

Par ailleurs le début du passage est fortement marqué par la négation. Le ton de Des Grieux est spontanément celui de la plainte, aux deux sens du terme : accusation d’une part, et lamentation, douleur d’autre part.

L’adjectif « perfide » appartient au lexique tragique (on le trouve notamment chez Racine) et exprime un reproche sévère.

Mais sa triple répétition, sous la forme simple mais éminemment expressive de l’épizeuxe, soit la répétition contiguë d’un mot, tend à lui superposer une dimension pathétique, proche du regret. Alors que Des Grieux attend que Manon s’explique et se justifie rationnellement, comme le laisse entendre sa question « Que prétendez-vous donc ? » (le « donc » présuppose qu’il n’a guère d’autre attente), Manon déçoit cette espérance en adoptant une stratégie affective : la tactique des larmes et le chantage amoureux.

Cet évitement de l’explication se fait grâce à une antanaclase (répétition d'un mot ou d'une expression en lui donnant une autre signification) sur le verbe « prétendre », pris par Des Grieux au sens de « revendiquer quelque chose comme un dû » et par Manon au sens de « souhaiter, désirer ».

L’incompréhension est manifeste : tandis que le chevalier veut comprendre la trahison de Manon, celle-ci l’assure de sa fidélité. La réplique de Des Grieux aux lignes 6 à 9 peut paraître hors de propos par rapport à ce qui précède : de façon brutale, le chevalier capitule devant Manon, en l’assurant d’un amour qui irait jusqu’au sacrifice.

La reddition s’accompagne d’un fort élan émotionnel, marqué par les larmes (qui répondent à celles de Manon) et par l’anaphore « Demande donc ma vie » - « Demande ma vie ». Cependant, l’agitation intérieure de Des Grieux est perceptible par le fait qu’au moment même où il renonce à demander à Manon de se justifier, il continue à l’accuser : « infidèle », attitude paradoxale qui est le symptôme d’un trouble émotionnel important. La rapidité de l’enchaînement des réactions des personnages rend palpable l’intensité des émotions, comme le soulignent l’indication temporelle « À peine eus-je achevé ces derniers mots », les hyperboles (« mille caresses passionnées », « ses plus vives tendresses ») et l’exclamation de surprise de Des Grieux : « Quel passage, en effet, de la situation tranquille où j’avais été, aux mouvements tumultueux que je sentais renaître ! ».

Les verbes d’action au passé simple se succèdent pour dire la vivacité de Manon : « elle se leva », « Elle m’accabla », « Elle m’appela ».

En se levant, Manon s’accorde avec la posture de son ancien amant, faisant elle aussi un geste de réconciliation envers lui.

Mais on remarque que Des Grieux est plus tiède, plus lent à manifester son amour : « Je n’y répondais encore qu’avec langueur », affirme le narrateur, avant de signaler qu’il « frémi[t] ». Les nuances fines des sentiments sont ainsi rendues par une subtile gradation des réactions du corps.

La passion, dans la perspective classique, se traduit par le corps, la physiologie.

Le tumulte intérieur qui bouleverse Des Grieux se manifeste ainsi par une sorte de terreur qu’exprime le champ lexical de l’angoisse : « épouvanté », « frémissais », « saisi d’une.... »

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