correction cas pratique droit des obligations
Publié le 26/04/2024
Extrait du document
«
Première consultation
Pour les besoins de son activité, un professionnel, Jean, s’est procuré un bien par
l’intermédiaire d’une banque.
Celle-ci s’est portée acquéreur du bien pour lui en
transmettre la jouissance sur le fondement d’un contrat de location financière.
Le
professionnel s’est vu transférer tous les droits et actions de la banque contre le
vendeur.
Or, il a constaté que les camions livrés ne présentent pas les
caractéristiques requises mais une charge utile de 900 kg au lieu d’une tonne.
Le
professionnel souhaite obtenir le remplacement des camions dans les trois mois
ou, à défaut, les restituer.
En outre, il se demande ce qu’il adviendrait du contrat
de location financière s’il restituait les camions.
A titre liminaire, il faut déterminer le droit applicable 1.
Selon l’article 9 de l’Ordonnance du 10 février 2016 et l’article 16, I, de la loi
de ratification du 20 avril 2018, les contrats conclus à compter du 1 er octobre
2018 sont régis par les dispositions du Code civil issues de l’ordonnance de
réforme telles que modifiées par la loi de ratification.
En l’espèce, le contrat a été conclu en avril 2022, soit postérieurement au 1 er
octobre 2018.
Il est donc régi par les nouvelles dispositions du Code civil.
Cela établi, il convient donc d’envisager successivement deux questions : celle
du défaut de conformité du bien vendu (I) et celle du sort du contrat de location
financière (II)2.
I.
Le défaut de conformité du bien vendu
Il faut, tout d’abord, relever que le contrat de location financière comprend une
clause qui stipule que la banque transfère au locataire tous les droits et actions
qu’elle détient contre le vendeur, en contrepartie de l’engagement du locataire
d’agir uniquement contre le vendeur en cas de trouble de jouissance ou de défaut
de conformité de la chose3.
En l’espèce, le locataire dispose donc de toutes les actions qu’aurait pu mettre en
œuvre l’acquéreur contre le vendeur.
La question qui se pose est donc celle de savoir ce que peut faire
l’acquéreur qui reçoit un bien qui ne correspond pas aux caractéristiques
convenues.
L’article 1217 du Code civil dispose que la partie envers laquelle l’engagement
n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut refuser d’exécuter ou
suspendre l’exécution de sa propre obligation ; poursuivre l’exécution forcée en
nature de l’obligation ; solliciter une réduction du prix ; provoquer la résolution
du contrat ; demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Il est
précisé que les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées 4.
1
Compte tenu de l’ancienneté de la réforme, la plupart des IEJ n’imposent pas de vérifier le droit applicable
lorsque celui-ci ne pose pas de difficultés.
Vous n’avez donc pas à le faire, sauf à ce que votre IEJ vous ait
donné d’autres informations.2 Certains auront peut-être pensé à se placer sur le fondement de l’erreur.
Toutefois, en l’occurrence, Jean ne s’est pas mépris sur les qualités de la chose qu’il achetait puisque le contrat
mentionnait bien des camions présentant une charge utile d’une tonne.
Il ne s’agit donc pas d’un problème
d’erreur mais d’exécution de son obligation par le vendeur qui n’a pas livré les biens prévus dans le contrat.
3
Certains auront pu penser à contester la validité de cette clause.
Néanmoins, elle n’avait rien de déséquilibrant
ou d’excessif ni pour Jean, ni pour le banquier.4 Vous pouviez beaucoup plus rapides sur ce point.
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CONSULTATIONS
En l’espèce, le locataire souhaite obtenir des camions conformes dans un délai
de trois mois ou, à défaut, restituer ceux qu’il a reçus.
Au regard de ces
demandes, parmi les sanctions prévues par l’article 1217, une option s’offre
donc à lui : l’exécution forcée en nature (A) et la résolution du contrat (B).
A.
L’exécution forcée en nature
La question qui se pose est celle de savoir si l’acquéreur qui reçoit un bien
ne correspondant pas aux caractéristiques convenues peut obtenir le
remplacement du bien.
L’article 1221 du Code civil autorise une partie à obtenir l’exécution forcée en
nature d’une obligation.
Cette exécution forcée suppose la réunion de deux
conditions : une inexécution contractuelle (1) et une mise en demeure préalable
du débiteur (2).
S’agissant de l’inexécution contractuelle, elle suppose, pour être établie, de
distinguer selon que l’obligation qui pesait sur le débiteur était une obligation de
moyens ou de résultat.
Cette question peut notamment être réglée par la loi ou la
jurisprudence.
A ce sujet, l’article 1603 du Code civil impose au vendeur une
obligation de délivrance conforme qui l’oblige à fournir à l’acquéreur un bien
conforme aux stipulations contractuelles.
Or, la Cour de cassation a déjà eu
l’occasion de préciser que l’obligation de délivrance conforme était une
obligation de résultat (Civ.
1re, 6 avril 2016).
Le simple constat que le résultat
n’a pas été atteint suffit donc à établir l’inexécution contractuelle.
Ainsi, pour la
jurisprudence, manque à son obligation de délivrance, le vendeur qui délivre à
l’acheteur un bien non conforme aux spécifications de la commande (v.
par ex.
Civ.
1re, 17 juin 1997 ; Civ.
3e, 6 octobre 2004)5.
En l’espèce, les camions reçus par le locataire présentent une charge utile de 900
kg, alors que le contrat prévoyait une charge utile d’une tonne, ce qui constitue
bien un défaut de conformité de la chose aux stipulations contractuelles.
Il y a donc inexécution de ses obligations par le vendeur.
S’agissant de la mise en demeure, il ne semble pas que le locataire ait souscrit à
cette condition de forme.
Il ne pourra donc agir sur ce fondement qu’à la condition de mettre au préalable
le vendeur en demeure de satisfaire à ses engagements.
Sous cette réserve, le locataire pourrait donc, en principe, agir en exécution
forcée du contrat.
(1,5 pts)
Il reste que l’article 1221 prévoit deux exceptions au principe de l’exécution
forcée en nature : l’impossibilité d’exécution et l’existence d’une disproportion
manifeste entre le coût de l’exécution pour le débiteur et son intérêt pour le
créancier.
S’agissant de la première exception, le texte n’apporte aucune précision quant
aux hypothèses dans lesquelles une telle impossibilité pourrait être caractérisée.
Il faut donc se référer à la jurisprudence antérieure pour le déterminer.
Or,
antérieurement à la réforme, la jurisprudence admettait l’impossibilité de
l’exécution forcée, dans trois hypothèses : lorsqu’elle est matériellement
impossible (v.
par ex.
: Com., 5 octobre 1993), lorsqu’elle s’oppose à un
obstacle de droit (par ex.
: Civ.
1re, 27 novembre 2008) ou encore lorsqu’il est
moralement impossible de forcer l’autre à s’exécuter (par ex.
: Civ.
14 mars
1900).
En l’espèce, il n’est matériellement pas impossible pour le vendeur de remplir
ses engagements, on comprend que la production des camions lui coûterait
simplement plus cher.
De même cette exécution forcée ne s’oppose à aucun
obstacle de droit ou moral.
Il en résulte que le vendeur ne pourra pas se prévaloir de cette exception 6.
S’agissant de la seconde exception, pour ne pas être contraint de s’exécuter le
débiteur doit établir la disproportion manifeste entre le coût de l’exécution pour
lui et son intérêt pour le créancier, sauf pour celui-ci à établir que le débiteur
était de mauvaise foi.
Autrement dit, même en cas de disproportion manifeste, le
créancier peut obtenir l’exécution forcée du contrat s’il parvient à démontrer que
son cocontractant s’est montré déloyal dans l’exécution du contrat.
En l’espèce, le vendeur a informé le locataire qu’il lui était impossible de lui
livrer des camions conformes avant au moins huit mois, sauf à réorganiser toute
sa chaîne de production, ce qui lui coûterait près
5
Vous pouviez être plus rapides sur cette majeure.6 Cette exception ne s’appliquant pas, vous pouviez l’évacuer
beaucoup plus rapidement._________________ 2 Copyright © 2023 Pré-Barreau
de cinq fois le prix des camions et lui imposerait de licencier un certain nombre
de salariés.
De son côté, le crédit-preneur aura certes besoin de ces camions pour
honorer certaines commandes.
Il dispose néanmoins d’une autre solution pour y
parvenir.
En outre, il ne conteste pas la bonne foi du vendeur dans la mauvaise
exécution de son obligation.
Ainsi, si le crédit-preneur subit à n’en pas douter un
désagrément du fait de la non- conformité des camions, le coût pour le vendeur,
qui serait notamment tenu de licencier des salariés, pourrait être considéré
comme manifestement disproportionné, de sorte qu’il n’est pas certain que
l’exécution forcée en nature soit ordonnée.
Ainsi, le vendeur devrait pouvoir se prévaloir de cette exception et ainsi
échapper à une condamnation à exécuter ses engagements contractuels.
Par conséquent, si le locataire ne peut obtenir l’exécution de son obligation par
le vendeur, il devra se tourner vers un autre remède.
(1 pt)
A défaut de pouvoir demander l’exécution forcée au débiteur, se pose la
question de savoir s’il ne serait pas possible de faire assurer cette exécution
par un tiers.
En effet, l’article 1222 du Code civil, permet au créancier de faire exécuter luimême l’obligation, après mise en demeure et dans un délai et à un coût
raisonnables.
Il s’agit donc, pour le créancier, de s’adresser à un tiers afin que ce
dernier....
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