COMPÉTENCE - RESPONSABILITÉ T. C. 8 févr. 1873, BLANCO, Rec. 1er supplt 61, concl. David (D. 1873-.3.17, concl. David; S. 1873.3.153, concl. David)
Publié le 19/09/2022
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COMPÉTENCE -
RESPONSABILITÉ
T.
C.
8 févr.
1873, BLANCO,
Rec.
1•r supplt 61, concl.
David
(D.
1873-.3.17, concl.
David; S.
1873.3.153, concl.
David)
Cons.
que l'action intentée par le sieur Blanco contre le préfet du
départeme{!t de la Gironde, représentant l'État, a pour objet de faire
déclarer l'Etat civilement responsable, par application des art.
1382,
1383 et 1384 du code civil, du dommage résultant de la blessure que sa
fille aurait éprouvée par le fait d'ouvriers employés par l'administration
des tabacs;
Cons.
que la responsabilité, qui peut incomber à l'État pour les
dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie
da_ns le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis
dans le code civil, pour les rapports de particulier à particulier;
Que cette responsabilité n'est ni géné,:ale, ni absolue; qu'elle a ses
règles.
spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de
concilier les droits de l'État avec les droits privés;
Que, dès lors, aux termes des lois ci-dessus visées, l'autorité administrative est seule compétente pour 'en connaître;...
(Arrêté de conflit
confirmé).
OBSERVATIONS
Une enfant ayant été renversée et blessée par un wagonnet de
la manufacture des tabacs, le conflit avait été élevé devant les
tribunaux judiciaires, saisis par le père de l'enfant d'une action
en dommages-intérêts contre l'État comme civilement responsable des fautes commises par les ouvriers de la IJJanufacture.
Le Tribunal des Conflits devait ainsi résoudre la question de
savoir, pour reprendre les termes des conclusions du commissaire du gouvernement David, « quelle est, des deux autorités
administrative et judiciaire, celle qui a compétence générale
pour connaître des actions en dommages-intérêts contre
l'État)>.
L'arrêt rendu à cette occasion devait connaître une
fortune singulière.
On l'a considéré pendant longtemps co~me
l'arrêt de principe, la « pierre angulaire)> du droit administratif
tout entier; aujourd'hui certains auteurs soutiennent qu'il _est
périmé, si tant est qu'il a jamais eu l'importance qu'on lui, a
prêtée.
Sans entrer dans ces controverses, il faut rechercher
dans l'évolution du droit positif la portée exacte de !'arrêt
Blanco.
1° L'arrêt Blanco consacre tout d'abord l'abandon définitif
du critère de délimitation des compétences fondé sur les textes
en vertu desquels il !l'appartiendrait qu'aux tribunaux administratifs de déclarer l'Etat débiteur (v.
par ex.
C.E.
6 déc.
1855,
Rotschild, Rec.
707 - décision dans laquelle apparaissent déjà,
à côté du critère traditionnel de « l'État débiteur», les principes, et les termes mêmes, de l'arrêt Blanco).
Seule subsiste
désormais la référence aux lois des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an 3, qui interdisent aux tribunaux judiciaires de « troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps
administratifs», de « connaître des actes d'administration, de
quelque espèce qu'ils soient».
2° Ces textes sont interprétés par le commissaire du gouvernement David en ce sens que les tribunaux judiciaires « sont
radicalement incompétents pour connaître de toutes les
demandes formées contre l'administration à raison des services
publics, quel que soit leur objet, et alors même qu'elles tendraient, non pas à faire annuler, réformer ou interpréter par
l'autorité judiciaire les actes de l'administration, mais simplement à faire prononcer contre elle des condamnations pécuniaires en réparation des dommages causés par ses opérations ».
3° Les litiges ainsi soustraits à la connaissance des tribunaux
judiciaires ne doivent pas être tranchés d'après les textes du
code civil.
Reprenant certaines formules des conclusions de son
commissaire du gouvernement, le Tribunal des Conflits décide
que « la responsabilité de l'Etat...
ne peut être régie par les
principes qui sont établis dans le code civil pour les rapports
de particulier à particulier; cette responsabilité n'est ni générale
ni absolue; elle a ses règles spéciales qui varient suivant_ les
besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'Etat
avec les droits privés ».
4° La compétence administrative et la soustraction au droit
privé ne s'appliquent cependant qu'à « l'État puissance
publique» : en tant que «propriétaire» - c'est-à-dire dans la
gestion du domaine privé - et en tant que « personne civile
capable de s'qbliger par des contrats dans les termes du droit
commun», l'Etat est soumis, dit le commissaire du gouvernement, au droit privé et aux tribunaux judiciaires.
5° Les apports de l'arrêt Blanco à la théorie générale du
droit administratif sont donc les suivants :
a) Le principe de la liaison de la compétence et du fond est
affirmé: aussi bien les conclusions que l'arrêt lui-même établissent un lien direct et réciproque entre l'application de règles
autonomes, exorbitantes du droit privé, et la compétence de la
juridiction administrative.
b) La notion de gestion privée des services publics est
esquissée dans les conclusions (« L'État propriétaire», « l'État
personne civile capable de s'obliger par des contrats dans les
termes du droit commun »); elle allait être développée dans les
conclusions du commissaire du gouvernement Romieu sur l'affajre Terrier* (C.E.....
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