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Commentez cette affirmation de Raymond Fernandez: «A la recherche du Temps perdu est à la fois l'histoire d'une époque et l'histoire d'une conscience. »

Publié le 09/12/2021

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l'antinomie entre les personnages décevants de Bergotte, Elstir, Vinteuil et leurs oeuvres artistiques, qui, elles, s'imposent). 2. D'autre part, ou plutôt de ce fait, il semble difficile, voire même impossible, de pénétrer l'univers d'autrui. Seule l'apparence peut être perçue ; or cette apparence est trompeuse. Ainsi, en dépit de son amour, Swann ne parvient jamais à rejoindre la pensée d'Odette. 3. Pareille impossibilité conduit à « interpréter » les autres. Les sentiments que nous lui portons (depuis l'amitié jusqu'à l'amour-maladie) permettent d'idéaliser l'être aimé. Aux yeux de l'amant, les imperfections d'Odette sont justifiées, ses défauts sont sublimés. Notre affectivité crée ainsi des êtres, des lieux et des choses fugitifs, presque abstraits.

« Commentez cette affirmation de Raymond Fernandez: «A la recherche du Temps perdu est à la fois l'histoire d'uneépoque et l'histoire d'une conscience.

» Introduction : Les critiques s'accordent pour voir en Balzac un magistral peintre de mœurs ; plus étonnante semble être cette remarque de Raymond Fernandez : « A la recherche du temps perdu est...

l'histoire d'une époque.

» Ne serait-on pas tenté de voiruniquement en Marcel Proust l'un des plus brillants représentants de notre littérature égotiste ? En fait, personne n'est seul au mondeet le héros de roman n'échappe pas à cette condition.

Sa destinée est étroitement liée à celle de son milieu.

Dans quelle mesurel'œuvre de Proust correspond-elle à ces deux dimensions ? I.

L'histoire d'une époque. 1.

Comme Proust lui-même, le héros de la Recherche découvre, à travers le monde de l'enfance, la petite et la grande bourgeoisie.Puis l'adolescent sensible et l'adulte meurtri évoluent dans les milieux mondains, souvent frivoles, de l'aristocratie. 2.

Mais cette peinture de la société est rarement poussée : c'est plutôt une « toile de fond nuancée », souvent satirique (cf.

la soiréechez madame Verdurin) sur laquelle se détachent des « présences » : - Odette, la femme entretenue ;- le diplomate Norpois ;- le pédant Bloch ;- ou encore, l'inoubliable tante Léonie. 3.

C'est pourquoi les classes populaires se trouvent en quelque sorte exclues du monde proustien.

Seuls les domestiques dessinentquelques figures pittoresques dont la plus frappante est, sans conteste, la vieille Françoise et ses proverbes. 4.

Aussi, ne s'agit-il pas vraiment de « l'histoire d'une époque » ; mais chaque personnalité, fortement marquée, incarne un type socialet contribue de cette façon à l'édification d'une histoire des mœurs. II.

L'histoire d'une conscience. On ne peut pas aborder la Recherche comme une simple chronique.

C'est avec passion que le lecteur se penche sur ces pagessensibles qui révèlent une conscience inquiète, toujours prête à s'interroger.

Il s'agit presque d'un journal intime. 1.

D'abord, la forme du récit, écrit à la première personne, ne peut faire illusion : Proust se livre enfin.

Depuis Jean Santeuil le ton achangé : la substitution de « je » au « il » révèle que l'écrivain a vaincu certaines répugnances.

Désormais, il accepte pleinement d'êtreindiscret envers lui-même. 2.

Alors, grâce à la délicatesse de l'analyse, nous découvrons : * les affres et les chagrins d'un enfant fragile qui cherche un refuge dans la tendresse maternelle ;* les tourments d'un jeune homme en quête d'un amour absolu ;* le désenchantement dû à la fréquentation de milieux snobs, aux mœurs dissolues. 3.

Enfin se fera le « retour aux sources », et Swann comme Proust trouvera la forme d'écriture qui saura apaiser sanature angoissée : « et je compris que tous les matériaux de l'œuvre littéraire c'était ma vie passée ».

Aussi leur livre sera-t-il uniquecomme l'aventure individuelle. III.

L'histoire d'une prise de conscience. Ainsi semblerait être renouvelée la gageure de Montaigne...

Pourtant, n'est-ce point ce même Proust qui, refusant la méthode critiquede Sainte-Beuve, affirmait : « Un livre est le produit d'un autre moi » ? En fait, cette apparente contradiction se résout d'elle-même.

Ladualité est au sein de l'être.

Le mondain que fut Proust prend lentement conscience de la « comédie » des rapports sociaux, et l'hommeintérieur sait faire les distinctions qui s'imposent : 1.

D'une part, la personnalité profonde de l'individu demeure cachée, étouffée par les conventions sociales, les futilités, les tabous.Chacun joue son rôle, plutôt mal que bien.

Mais, l'œuvre d'art déjoue toutes les tricheries.

Elle libère « l'autre moi ».

C'est pourquoi ladifférence est grande entre l'homme social et l'œuvre (cf.

l'antinomie entre les personnages décevants de Bergotte, Elstir, Vinteuil etleurs œuvres artistiques, qui, elles, s'imposent). 2.

D'autre part, ou plutôt de ce fait, il semble difficile, voire même impossible, de pénétrer l'univers d'autrui.

Seule l'apparence peutêtre perçue ; or cette apparence est trompeuse.

Ainsi, en dépit de son amour, Swann ne parvient jamais à rejoindre la penséed'Odette. 3.

Pareille impossibilité conduit à « interpréter » les autres.

Les sentiments que nous lui portons (depuis l'amitié jusqu'à l'amour-maladie) permettent d'idéaliser l'être aimé.

Aux yeux de l'amant, les imperfections d'Odette sont justifiées, ses défauts sont sublimés.Notre affectivité crée ainsi des êtres, des lieux et des choses fugitifs, presque abstraits.

« A chacun sa vérité », dirait Pirandello... Conclusion : Ainsi se dégage peu à peu l'originalité de la Recherche : il ne s'agit ni d'un tableau d'histoire des mœurs, ni d'une fiction romanesque à plusieurs personnages, ni d'une confession.

Mais ces différentes dimensions surgissent tour à tour quand la consciencerejette sur le monde extérieur les impressions qu'elle en a reçues.

En fait, roman sans intrigue, l'œuvre de Proust est avant tout ledrame de la solitude où, comme le dit Gaétan Picon, « la voix de Baudelaire et la voix de Balzac se rencontrent pour la première fois.

». »

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