Commentez, au moyen des pièces de Corneille que vous connaissez, ce mot de La Bruyère sur notre grand tragique : « Il peint les Romains. Ils sont plus grands et plus romains dans ses vers que dans leur histoire. »
Publié le 19/12/2021
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«
Commentez, au moyen des pièces de Corneille que vous connaissez, ce mot de
La Bruyère sur notre grand tragique : « Il peint les Romains.
Ils sont plus
grands et plus romains dans ses vers que dans leur histoire.
»
PLAN DÉTAILLÉ
Corneille a toujours manifesté une prédilection pour les tragédies à sujets romains, et à
travers la succession de ses pièces revivent toutes les grandes périodes de l'histoire de
Rome.
Mais des héros qu'il met en scène il offre une image idéalisée ; en eux il se plaît à
incarner les plus hautes vertus qui symbolisent l'âme romaine.
Ainsi s'explique le
jugement de La Bruyère : « Il peint les Romains.
Ils sont plus grands et plus romains
dans ses vers que dans leur histoire.
»
I.
Il peint les Romains
Toutes les étapes essentielles de l'histoire du peuple romain se retrouvent de l'une à
l'autre des tragédies cornéliennes.
Avec Horace c'est la période des Rois qu'il nous
retrace.
Avec Sophonisbe, Nicomède, Sertorius, Pompée, c'est la République depuis les
guerres puniques jusqu'au lendemain de Pharsale.
Cinna, Othon, Polyeucte nous mènent
de la fondation de l'Empire jusqu'au plus fort de sa lutte contre le christianisme.
Attila
enfin évoque la grande invasion barbare.
II.
Ils sont plus grands que dans leur histoire
Cette évocation presque complète n'est pas à tout prendre une évocation fidèle.
Sévère,
il est vrai, représente assez exactement le Romain cultivé de l'Empire sur son déclin,
mais Nicomède ne fut pas dans la réalité cet adversaire loyal qui lors même qu'il combat
les Romains sait faire grand cas, de leurs solides vertus.
Il ne fut pas ce héros clairvoyant
dont le bon sens égale la fermeté, mais un tyran doublé d'un parricide.
Quant à Auguste
que l'historien Duruy nous dépeint « cruel de sang-froid, clément par calcul..., tartuffe de
piété sans religion, hypocrite de vertu, avec des vices », il n'est pas ce héros magnanime
et majestueux dont Corneille à la suite de la tradition littéraire et légendaire nous a laissé
le portrait.
III.
Ils sont plus romains que dans leur histoire
Au reste, cette idéalisation va jusqu'à faire de ces héros des symboles des plus hautes
vertus qui permirent à cette poignéo de paysans de se lancer avec succès à la conquête
d'un monde.
On a eu raison de dire qu'« Emilie est l'altière descendante des Arria et des
Cornélie ».
Dans Horace on voit cette religion du foyer qui s'élargit en religion de la
patrie, cette puissance de la famille qui fait de l'autorité paternelle un droit absolu et
sacré.
Conclusion: Tels sont les Romains dans les pièces cornéliennes.
En leur donnant un
relief, une noblesse de sentiments et de conduite qu'ils ne possédaient pas dans la
réalité, Corneille s'est laissé guider par les historiens et les moralistes latins qui
sacrifiaient volontiers à leur goût du panache la scrupuleuse exactitude.
Ainsi
transfigurés, ces héros étaient dignes de la haute conception qu'il se faisait de la
tragédie.
En ce sens, Guez de Balzac écrivait à l'auteur d'Horace et de Cinna : «Aux
endroits où Rome est de brique, vous la rebâtissez de marbre.
».
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