Commentaire Incipit L'étranger
Publié le 29/01/2024
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Séance 3 : LA n°1 Incipit L’étranger de Camus (2H)
Objectifs :
-Voir en quoi cet incipit est original
-Étudier la valeur programmatique de l’incipit
Plan
I/ Un incipit peu conventionnel ?
a) Le cadre spatio-temporel
b) Les personnages
c) La narration
II/ Le personnage de Meursault
a) Le détachement par rapport à la réalité
b) La subjectivité du point de vue
c) La culpabilité du personnage
Définition de l’incipit :
Le terme ''incipit '' vient du verbe latin incipire= commencer.
L'incipit sert à désigner le
début d'un roman ou d’un récit (conte).
On peut dégager plusieurs fonctions :
Fonction n°1 : il a une valeur d'annonce et programme la suite du texte.
En effet, il définit
le genre du roman (roman épistolaire, roman réaliste...) et les choix de narration (point de
vue, vocabulaire, registre de langue...) de l'auteur.
Fonction n°2 : il doit accrocher et séduire le lecteur.
L'attention et la curiosité du lecteur
doit être stimulée par l'imprévisibilité du récit, l'adresse directe au lecteur, la confrontation de
celui-ci à une énigme ou l'entrée d'emblée dans l’intrigue.
Fonction n°3 : il crée un monde fictif en donnant des informations sur les personnages, le
lieu, le temps.
Des descriptions intégrées à la narration permettent de répondre aux
différentes questions : Où? Quand? Qui? Quoi? Comment? Pourquoi?
Fonction n°4 : il permet au lecteur de rentrer dans l'histoire en présentant un événement
important, ou une scène secondaire qui va éclairer certains aspects de l'intrigue etc.
On distingue 4 formes d'incipit :
1/ L'incipit dit ''statique'' : très fréquent dans les romans réalistes de Balzac par exemple, il est
très informatif.
Il décrit avec une très grande précision le décor de l'histoire, les personnages
mais aussi le contexte historique, social, polotique et économique de l'action.
La multitude de
détails suspend l'action et met le lecteur en état d'attente.
2/ L'incipit dit ''progressif'' : il distille petit à petit des informations mais ne répond pas à
toutes les questions que peut se poser le lecteur.
3/ L'incipit dit ''dynamique'' ou encore in médias res : il jette le lecteur dans une histoire qui a
déjà commencée, sans explication préalable sur la situation, les personnages, le lieu et le
moment de l'action.
Héritée du genre épique, cette technique à l'effet dramatique immédiat est
surtout utilisée dans les les romans du XXème siècle.
4/ L'incipit dit ''suspensif'' : il donne peu d'informations et cherche à dérouter le lecteur.
Pb : En quoi cet incipit est en décalage avec nos attentes et annonce la complexité du
personnage entre culpabilité et indifférence face au monde ?
I/ Un incipit qui respecte les conventions ?
a) Présentation du cadre spatio-temporel
Le roman se passe à Alger, la mère de Meursault est morte à l’asile de Marengo à 80 km
d’Alger.
Nous sommes en Afrique du Nord, territoire colonisé mais aussi lieu de naissance de
Camus.
Le cadre temporel est quant à lui extrêmement flou.
Le CC de lieu « aujourd’hui » nous
plonge dans une temporalité sur le vif.
Les modalisateurs témoignent de l’incertitude de la
temporalité puisque le narrateur rectifie en supposant que la mort de sa mère se situerait peutêtre la veille.
On note la présence de l’adverbe « peut-être » et du verbe savoir à la forme
négative.
La présence des adverbes temporels « aujourd’hui » et « hier » montrent par ailleurs
que nous sommes dans une énonciation de discours et non de récit.
(l.1) La répétition vient
accentuer le doute qui plane sur la temporalité « c’était peut-être hier » (l.3).
L’emploi du futur laisse supposer que la mort est bel et bien récente puisqu’il s’apprête à
assister à l’enterrement de sa mère.
L’heure de départ et de détour sont déjà calculés par le narrateur, comme si assister à
l’enterrement de sa mère était une corvée.
La programmation semble si stricte et établie qu’on
peut déjà déceler une forme d’indifférence témoignée par Meursault dans la temporalité
même.
Deux actions en rythme binaire avec une syntaxe simple pour traduire l’empressement,
la détermination aussi du héros « je pourrai veiller et je rentrerai demain soir ».
(l.4-5).
L’emploi de l’adverbe « ainsi » exprimant la conséquence montre à quel point le trajet de
manière logique et organisée.
Il précise même qu’il ne restera que deux jours car il n’a pu
prendre que deux jours de congé.
Le narrateur semble même perdu puisqu’il évoque le fait
qu’il ait pris l’autobus avant de déjeuner chez Céleste (l.12)
La temporalité semble encore une fois dissolue lorsque Meursault s’entretient avec le
directeur
Les éléments inhérents au passé de Meursault et de sa mère sont flous.
On a une indication
temporelle qui atteste de l’admission de la mère de Meursault dans l’asile « il y a trois ans ».
Le cadre spatio-temporel lié aux souvenirs avec sa mère est encore une fois indéterminé.
Le
CC de temps « quand elle était à la maison » est vague, d’une part car on imagine qu’un fils
vit longtemps avec sa mère durant sa vie, et d’autre part parce qu’on ne sait si la maison
renvoie au domicile de Meursault ou de sa mère elle-même.
On a finalement un détachement
progressif sur le plan temporel mais aussi émotionnel avec la mère : les pleurs le premier jour
pour l’arrivée, l’antithèse avec les pleurs si elle devait partir.
b) La présentation des personnages
Dans cet incipit, peu d’informations sont distillées à propos du personnage principal.
Le fait
que le narrateur s’exprime à travers une énonciation de discours laisse planer le doute sur
l’âge du narrateur.
En effet, le narrateur est-il enfant ? Adulte ? L’appellation « Maman »
apparait comme particulièrement enfantine, alors qu’un narrateur adulte aurait pu utiliser le
GN « ma mère ».
Le mélange du passé composé et du présent laisse un sentiment étrange au
lecteur, qui n’arrive pas bien à comprendre où se situe le temps du récit par rapport à celui de
la narration.
Le CC de lieu « chez Céleste » désigne à la fois le nom du restaurant et le lieu où mange le
personnage.
On peut supposer d’après la première phrase prononcée au discours direct par
Céleste qu’il est un personnage rustre, il propose pour consolation à son ami une phrase d’une
affligeante banalité « on n’a qu’une mère.
» De la même façon l’identité d’Emmanuel n’est
pas vraiment précisée, on sait juste qu’il a les accessoires adéquates à un enterrement car son
oncle est mort récemment.
Le concierge semble gêner Meursault qui apparait comme asocial et peu enclin à la
discussion : emploi du CC de temps « pendant tout ce temps ».
On a du mal à cerner si
Meursault porte un regard ironique sur le monde ou bien s’il est simplement naïf.
Sa
description du directeur est étrange, il le nomme avec le GN « petit vieux » puis avec le CC
d’accompagnement « avec la légion d’honneur ».
Description terre à terre ou bien regard
subjectif ?
Une multitude de personnages sont présentés et on a du mal à cerner le rôle qu’ils joueront au
cours du récit.
La présentation de l’intrigue semble elle-même brouillée.
c) Présentation de l’intrigue
Le premier événement évoqué est celui de la mort de la mère de Meursault.
Le fait que ce soit
la phrase introductive du roman laisse présager que ceci aura une incidence sur la suite de
l’intrigue.
Qu’est-ce que la mort va provoquer dans la vie de Meursault ? Les premières
phrases laissent envisager une forme de tragédie personnelle.
On peut s’attendre à un éloge
pathétique ou à un eloge funèbre.
Pourtant, cette attente va être déçue.
Le télégramme envoyé
par l’asile est étonnant de simplicité et de froideur.
La syntaxe est nominale, ordonnée, et
témoigne d’un détachement par rapport aux événements.
Les informations sont données avec
clarté et concision.
Tout d’abord l’annonce de la mort, puis la date de l’enterrement et enfin
une formule de politesse.
(l.2) Cette formule de politesse est d’ailleurs particulièrement froide,
puisqu’on aurait pu imaginer une formule telle que « sincères condoléances, sentiments
affectueux…etc ».
La phrase « cela ne veut rien dire » témoigne d’emblée de l’absurdité du
monde présentée ici.
(l.2)
Son départ est l’objet d’une discussion entre lui et son patron, la réaction du patron et celle de
Meursault laisse supposer qu’il est quelqu’un qui se laisse faire.
Il en vient presque à
s’excuser du fait que sa mère soit morte, avec un champ lexical de la culpabilité au discours
direct « Ce n’est pas de ma faute.
» (l.7)
Le fait que le narrateur/ personnage prenne le bus l’après-midi a une incidence directe sur la
suite de l’intrigue.
En effet, c’est ce qui entraînera sa fatigue et donc sa somnolence, ce qui lui
sera reproché comme de l’indifférence lors de son procès.
La chaleur apparait déjà comme un
facteur de perdition pour le personnage.
C’est ce qui le conduira à commettre le meurtre de
l’arabe sur la plage.
On appelle cela une prolepse (élément qui annonce à l’avance la suite de
la narration).
L’emploi du....
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