Commentaire d'une QPC relative aux modalités d'organisation de la consultation des salariés dans le cadre de la validation des accords d'entreprises
Publié le 08/10/2022
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«
Commentaire décision n°2017-664 QPC du 20 octobre 2017 Confédération générale
du travail - Force ouvrière :
Le philosophe Alain disait du Parlement qu’il était « le délégué de la liberté
face au pouvoir ».
Cette citation fut corroborée par les constituants, ayant rédigés
l’article 34 de la Constitution, faisant du pouvoir législatif le propriétaire quasi-exclusif
du domaine des libertés.
Cependant, ceci est à nuancer car le législateur peut
déléguer une partie de sa compétence au pouvoir règlementaire, s’exposant ainsi à
l’incompétence négative.
Ainsi, il est question ici de la protection des libertés, plus particulièrement de la
liberté syndicale, dans cette décision de non-conformité partielle du Conseil
constitutionnel, rendue le 20 octobre 2017, relative aux conditions d'organisations de
la consultation des salariés sur un accord minoritaire d’entreprise ou
d’établissement.
Le Conseil constitutionnel a été saisi par la Confédération Général du
Travail-Lutte Ouvrière (CGT-FO), syndicat de travail, d’une question prioritaire de
constitutionnalité portant sur les articles L.
2232-12, L.
2232-21-1, L.
2232-27 du
code du travail et à l’article L.
514-3-1 du code rural et de la pêche maritime, relatifs
aux conditions d'organisations de la consultation des salariés sur un accord
minoritaire d’entreprise ou d’établissement.
De ces faits, l’affaire a été portée devant les juridictions inférieures.
Puis, le
syndicat requérant a formé une question prioritaire de constitutionnalité, relative à la
conformité aux droits et libertés constitutionnellement garantis par certains alinéas
des articles précités, aux moyens que ceux-ci, de par leurs dispositions, excluraient
les syndicats représentatifs non signataire d’un accord d’entreprise, ce qui serait une
méconnaissance de la liberté syndicale, du droit des travailleurs de participer à la
détermination des conditions collectives de travail, et du principe d’égalité devant la
loi, car seules les organisations syndicales ayant signé un accord d’entreprise ou
d’établissement et ont souhaité le soumettre à la consultation des salariés sont
appelés à conclure le protocole fixant les modalités de la consultation.
De plus, il est
reproché aux articles L.
2232-21-1 et L.
2232-27 du code du travail d’être entachés
d’incompétence négative, car déléguant le pouvoir de détermination des conditions
d’organisations et de contestation de la consultation des salariés sur un accord
conclu dans une entreprise dépourvue de délégué syndical, au pouvoir
réglementaire.
Ainsi, après un examen de cette question prioritaire de constitutionnalité par le
Conseil d’Etat, celui-ci décide le 20 juillet 2017 de saisir le Conseil constitutionnel de
cette question prioritaire de constitutionnalité, le requérant se trouvant devant celui-ci
le 20 octobre 2017 aux fins de contester ces dispositions.
Donc, la question est de savoir si ces articles du code du travail et du code
rural et de la pêche maritime sont-ils contraire au bloc de constitutionnalité ?
A cette question, le Conseil constitutionnel rend le 20 octobre 2017 une
décision de non-conformité partielle.
Selon lui, le quatrième alinéa de l’article L.
2232-12 du code du travail et le cinquième alinéa de l’article L.
514-3-1 du code rural
et de la pêche maritime sont contraire à au bloc de constitutionnalité car portant
atteinte au principe d’égalité devant la loi, déclaré par l’article 6 de la Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, tandis les articles L.
2232-21-1 et L.
2232-27 du code du travail ne portent aucune atteinte au bloc de constitutionnalité,
validant ainsi le renvoi fait au décret.
De cette manière, il paraît opportun d’analyser le refus qui est fait de
l’application des dérogations au principe d’égalité devant la loi (I), puis l’exclusion qui
est faite du domaine des principes fondamentaux des modalités de consultation des
salariés aux fins de validation d’un accord collectif (II).
I - Le refus d’appliquer les dérogations au principe d’égalité devant la loi,
motivé par l’impossibilité de reconnaître un fondement d'intérêt général.
Ce principe est une principe constitutionnellement garanti, mais il reconnaît
des dérogations (A), cependant celui-ci n'est pas susceptible de s’appliquer en
l’espèce (B).
A - Le rappel du principe tiré de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen de 1789 ainsi que ses dérogations
« Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789 la loi “doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle
punisse” ».
Le Conseil constitutionnel rappelle d’office le principe qui servira de base
à sa réflexion sur les articles L.
2232-12 du code du travail et l’article L.
514-3-1.
Cette réflexion est une jurisprudence classique du Conseil constitutionnel.
En effet,
ce principe fut affirmé pour la première fois lors d’une décision n°73-51 DC du 27
décembre 1973, entérinant la constitutionnalisation de ce principe.
On peut voir ici un des rôles fondamentaux du Conseil constitutionnel, la
déclaration des droits figurant dans le bloc de constitutionnalité.
En effet, les
déclarations de droits ayant pour but de remémorer les droits préexistant à l'État, les
droits naturels, et cette proclamation a un but idéologique plus que juridique.
Ainsi,
c’est le rôle du Conseil constitutionnel d'affirmer ces normes constitutionnelles afin
de leur donner un régime juridique dans le droit positif.
De plus, toujours dans son sixième paragraphe, le Conseil rappelle que « le
principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des
situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d'intérêt
général ».
Le Conseil rappelle ici les dérogations au principe d’égalité devant la loi,
principe purement jurisprudentiel et introduit dans une décision n°96-380 DC du 23
juillet 1996.
Cette dérogation est classique, elle vise à satisfaire l’intérêt général
dans certains cas particuliers où un traitement différencié devrait être induit.
Cette
jurisprudence est aussi classique dans l’ordre administratif, puisque une décision du
Conseil d’Etat en section, du 10 mai 1974, Denoyez et Chorques, introduit le même
principe dérogatoire pour le traitement des usagers par les services publics.
Ainsi, le Conseil vise ici à démontrer que même si le législateur est soumis à
une obligation d’égalité de tous devant la loi, il peut prévoir des différences de
traitement.
En invoquant cette dérogation, cela pourrait conduire à justifier les
articles contestés, cependant ceux-ci ne peuvent se voir appliquer cette dérogation.
B - Le refus de reconnaître la possibilité d’y déroger dans le cas des modalités de la
consultation des salariés sur les accords d’entreprises, provoquant la déclaration
d’inconstitutionnalité des articles mis en causes
« Il était loisible au législateur, d’une part, de renvoyer à la négociation
collective la définition des modalités d’organisation de la consultation et, d’autre part,
d’instituer des règles visant à éviter que des organisations syndicales non
signataires de l’accord puissent faire échec à toute demande de consultation
formulée par d’autres organisations ».
Le Conseil vient ici exposer les motivations
qui ont pu conduire le législateur a exclure les organisations syndicales qui ont signé
un accord d’entreprise ou d’établissement, cela visait à empêcher que des
organisations non syndicales non signataires de l’accord puissent faire échec aux
demandes de consultations.
Cette réflexion a certainement motivé le législateur,
voulant répondre à des raisons d'intérêt général en évitant les blocages.
Cependant, le Conseil va de suite être catégorique, et va ainsi déclarer que «
les dispositions contestées instituent une différence de traitement qui ne repose ni
sur une différence de situation ni sur un motif d’intérêt général en rapport direct avec
l’objet de la loi ».
Le Conseil vient ici faire une application stricte mais classique du
principe de l’égalité devant la loi, et vient ainsi censurer directement les articles L
2232-12 du code du travail et l’article L.
514-3-1 du code rural et de la pêche
maritime.
Il n’était pas contesté qu’il résultait de ces dispositions une différence de
traitement entre les organisations syndicales ayant signé l’accord collectif soumis à
la consultation des salariés et les autres.
C’est ce que le Conseil constitutionnel a pu
constater dans cette décision.
Ainsi, par le principe de l’économie des moyens, le Conseil n’examine pas les
autres griefs et vient directement abroger les dispositions inconstitutionnelles.
Ceci
peut paraître impertinent car dans l’attente d'une nouvelle loi sur le sujet, le Conseil
vient ici purement et simplement supprimer la possibilité de conclure les protocoles
définissant les modalités de consultations....
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