Commentaire de texte : extrait "Edouard" de Claire de Duras
Publié le 27/09/2024
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«
TEXTE 26 : Edouard, Claire de Duras (1825)
INTRO
Marc Fumaroli a réuni dans un volume-folio les trois romans-nouvelles achevés
par la duchesse de Duras.
Celle-ci a longtemps été rangée dans le rang des
auteurs de second rayon, comme beaucoup d’autrices.
Or les révolutions
féministes actuelles et les évolutions de nos sociétés nous conduisent à
réapprécier la contribution majeure des femmes en littérature.
CF travaux de Martine Reid, qui a dirigé un collectif de deux volumes intitulés
Femmes et littératures
- XVIIIème siècle : Louise Labé, Mme de Lafayette, Mme de Scudéry, Mme
d’Aulnoy, Mme de Beaumont, Françoise de Graffigny, Isabelle de Charrière,
Mme de Genlis, Sophie Cottin, Adélaïde de Sonza, Manon Roland, Germaine
de Staël (fille de Necker qui animé le groupe de Coppet, penseuse et
romancière, Delphine et Corinne, connue pour De la littérature, a fait
transiter les idées du romantisme allemand en France avec De l’Allemagne,
autobiographie Dix années d’exil)
- XIXème : autrices beaucoup plus corsetées, on connaît surtout George Sand,
Marceline Desbordes-Valmore, Delphine de Girardin (pièce Lady Tartuffe)
- XXème : Colette, Yourcenar, Duras, Anna de Noailles, Annie Ernault, Simone
de Beauvoir, Violette Leduc
Sainte-Beuve a laissé un commentaire élogieux d’Edouard.
La duchesse de Duras n’a laissé que deux textes de son vivant : Ourika (1823)
et Edouard (1825).
Elle était alors l’une des égéries de la Restauration, grande
amie de Chateaubriand.
Ces deux textes reçurent à son grand étonnement un
accueil éclatant, le texte d’Ourika est adapté au théâtre, et Edouard est
apprécié par Goethe lui-même.
Le troisième qu’elle acheva a circulé sous le
manteau et a d’emblée suscité plusieurs imitations, dont celle de Henri Beyle
qui dès 1827 sort une contrefaçon d’Olivier, Armance, qui traite de l’anonymat
et de l’impuissance masculine.
Olivier a aussi inspiré Balzac, et c’est un cas de
roman inédit qui n’a été publié qu’en 1871, gardé sous clé jusqu’alors, et qui
s’est montré source d’influence et d’inspiration.
La duchesse est une autrice
tardive puisqu’elle a écrit pendant une année de solitude et d’isolement, a une
époque où la littérature n’est pas seulement pensée comme écriture mais
comme civilisation : ses talents dans l’art de la conversation et l’art épistolaire
suffisaient à sa reconnaissance.
Ses deux romans s’articulent autour d’obstacles précis : la couleur de peau pour
Ourika (jeune fille adoptée qui prend conscience de sa couleur de peau), la
différence de classe pour Edouard et un secret mystérieux pour Olivier
(pourquoi ne peut-il pas épouser la femme qu’il aime).
Il s’étalent donc tous
trois sur le mur de cristal infranchissable qui interdit au héros de connaître le
bonheur dont ils ont rêvé et qui les condamne à une mélancolie mortelle.
Ce
sont aussi trois peintures de ce que Chateaubriand (Le génie du christianisme)
appelle « le vague des passions ».
Edouard est un roman-nouvelle rédigé en 1822 et publié en 1825, considéré
comme un véritable best-seller sous la Restauration.
Beaucoup commenté par
TEXTE 26 : Edouard, Claire de Duras (1825)
la critique américaine.
Il s’agit d’une attaque contre les préjugés de classe,
quoique le texte reste très ambigu, de même qu’Ourika a été lu et reconnu
comme une attaque contre les préjugés de race.
Le texte relate les souffrances
d’un amour rendu impossible par la roture du jeune héros, fils d’un grand
bourgeois, industriel lyonnais, mais épris d’une jeune veuve de l’aristocratie, la
duchesse de Nevers.
Il s’agit d’un message qui ne va pas sans ambivalence,
puisque l’interprétation oscille entre deux extrêmes : un Edouard bien-pensant
ou subversif.
En effet le roman s’attache à défendre certains de attributs de
l’aristocratie comme l’honneur, le devoir, la distinction, la religion et tout à la
fois une certaine subversion : le père, maréchal d’Olonne qui s’oppose à cette
mésalliance regrettera son inflexibilité à la fin du récit.
Edouard contient donc
les idées d’une grande dame libérale (politique).
Elle rejette un certain nombre
de valeurs constitutives d’un régime patriarcal propre à l’Ancien Régime.
Les
femmes quant à elles sont du côté des sentiments et de la passion là où les
hommes sont dévorés par un conflit entre l’amour et l’honneur.
Edouard
pourrait dire comme Rodrigue refuser le déshonneur, « rien n’a ce prix ».
C’est
un roman sans mère, ce sont deux orphelins, égarés et livrés à un monde
masculin.
C’est parce que les valeurs passionnelles sont méconnues par la
société représentée qu’il y a tragédie.
ANALYSE
1ère partie : ligne 1 à 9
Est posé un arrière-plan composé d’un quatuor d’hommes qui s’engagent dans
une conservation sur l’économie-politique, qui entre en contradiction totale avec
l’amour, avec une antithèse entre le logos et le pathos, l’argumentation et
l’émotion.
Il est question d’une matière très prosaïque (« le commerce des grains ») mais
qui a une importance notable dans l’histoire de la révolution.
Conversation
qualifiée la faveur de quatre circonstancielles.
On peut également noter l’atmosphère crépusculaire, le « chronotope »
(Bakhtine) est moins réaliste que symbolique : la chaleur évoquerait davantage
un bouillonnement intérieur, et donc à un moment d’acmé, d’incandescence.
La
parole ne peut plus que déborder.
Stylistique : parataxe asyndétique indique une économie dans les moyens de la
narration qui se met au service de l’intensité passionnelle.
Du point de vue de la
narration c’est à la fois homo et extradiégétique ce qui renforce cette sorte de
distance ironique vis-à-vis des notables du coin.
2e partie : 9-25
Ligne 9-15 marquées par une grande picturalité liée à l’embrasure de la fenêtre
qui crée un cadre.
Le quatuor s’oppose alors à la femme singulière, qui a en elle
quelque chose d’inaccessible.
Elle a quelque chose d’irréel qui semble faire
d’elle une forme de fiction.
Cette embrasure la détache du réel.
C’est une scène
muette qui fait ressortir le langage des fleurs : « le jasmin […]
s’entrelaçait dans le balcon ».
TEXTE 26 : Edouard, Claire de Duras (1825)
Il y a également une scénographie amoureuse, marquée par la symbolique du
balcon, un espace qui est pétri de mémoire littéraire.
D’autant plus que les
scènes de balcon se réfèrent souvent à des histoires d’amour impossible, CF
scène du balcon dans La Princesse de Clèves.
Cette scénographie amoureuse
est commune aux deux scènes, notamment à travers l’aveu infra-verbal.
Le langage des fleurs est symbolique : le jasmin est la fleur de l’amour et de la
pureté.
L’aspect pictural est renforcé par la suite, avec la construction d’une icône,
puisque le profil se détache d’un fond doré.
Cette idée est également liée à la
forme d’adoration attribuée au personnage représentée, en plus de la
prépondérance de la dimension symbolique : le crépuscule, l’abstraction de la
campagne, la temporalité à la fois située et suspendue.
Il y a également une
forme de décentrement et d’abstraction classique qui domine dans ce texte :
aucune description anatomique.
On peut saisir le phénomène de déprise, doublé d’une idée d’envoûtement,
ainsi qu’un intérêt porté mois à la scène extérieure qu’à l’effet produit sur
l’intériorité du narrateur : abstraction relative de la description au profit
d’une peinture de l’émoi.
La sensualité est ici mêlée aux sens, elle est
présente dans l’atmosphère et exprimée par la médiation du jasmin.
Cette
harmonie entre la femme et le cosmos est l’une des modalités de la voix
lyrique.
Le problème étant que la paix du narrateur est vite troublée : on note une
rupture de ton liée à la rupture de l’harmonie.
L’usage du discours intérieur
permet de mettre en scène le tragique à travers les modalités exclamatives, la
variation sur le mur de cristal résidant dans un retour au réel (image de
la « barrière » qui traduit la dissymétrie des rangs.
L’évocation du « mépris »
renvoie au système de valeur du héros, et s’oppose au rêve androgynique de la
fusion des cœurs.
On y observe ainsi une sécularisation du tragique : il n’est
pas lié à une fatalité transcendante mais à une condition sociale, des préjugés.
S’opère ici une théâtralisation du discours intérieur s’où se dégage un effet de
monologue (reprise lexicale « jamais jamais »).
3e partie : 28-45
Effet de symétrie et de complémentarité avec....
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