Commentaire de texte, Bardamu à la guerre
Publié le 20/11/2021
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«
Commentaire de texte, Bardamu à la guerre
« Dans une histoire pareille, il n’y a rien à faire, il n’y a qu’à foutre le camp », que je me disais, après
tout…
Au-dessus de nos têtes, à deux millimètres, à un millimètre peut-être des tempes, venaient vibrer l’un
derrière l’autre ces longs fils d’acier tentants que tracent les balles qui veulent vous tuer, dans l’air
chaud d’été.
Jamais je ne m’étais senti aussi inutile parmi toutes ces balles et les lumières de ce soleil.
Une
immense, universelle moquerie.
Je n’avais que vingt ans d’âge à ce moment-là.
Fermes désertes au loin, des églises vides et ouvertes,
comme si les paysans étaient partis de ces hameaux pour la journée, tous, pour une fête à l’autre bout
du canton, et qu’ils nous eussent laissé en confiance tout ce qu’ils possédaient, leur campagne, les
charrettes, brancards en l’air, leurs champs, leurs enclos, la route, les arbres et même les vaches, un
chien avec sa chaîne, tout quoi.
Pour qu’on se trouve bien tranquilles à faire ce qu’on voudrait pendant
leur absence.
Ça avait l’air gentil de leur part.
« Tout de même, s’ils n’étaient pas ailleurs ! — que je
me disais — s’il y avait encore eu du monde par ici, on ne se serait sûrement pas conduits de cette
ignoble façon ! Aussi mal ! On aurait pas osé devant eux ! Mais, il n’y avait plus personne pour nous
surveiller ! Plus que nous, comme des mariés qui font des cochonneries quand tout le monde est paru.
»
Je me pensais aussi (derrière un arbre) que j’aurais bien voulu le voir ici moi, le Déroulède dont on
m’avait tant parlé, m’expliquer comment qu’il faisait, lui, quand il prenait une balle en plein bidon.
Ces Allemands accroupis sur la route, têtus et tiraient leurs, tiraient mal, mais ils semblaient avoir des
balles à en revendre, des pleins magasins sans doute.
La guerre décidément, n’était pas terminée !
Notre colonel, il faut dire ce qui est, manifestait une bravoure stupéfiante ! Il se promenait au beau
milieu de la chaussée et puis de long en large parmi les trajectoires aussi simplement que s’il avait
attendu un ami sur le quai de la gare, un peu impatient seulement
Moi d’abord la campagne, faut que je le dise tout de suite, j’ai jamais pu la sentir, je l’ai toujours
trouvée triste, avec ses bourbiers qui n’en finissent pas, ses maisons où les gens n’y sont jamais et ses
chemins qui ne vont nulle part.
Mais quand on y ajoute la guerre en plus, c’est à pas y tenir.
Le vent
s’était levé, brutal, de chaque côté des talus, les peupliers mêlaient leurs rafales de feuilles aux petits
bruits secs qui venaient de là-bas sur nous.
Ces soldats inconnus nous rataient sans cesse, mais tout en
nous entourant de mille morts, on s’en trouvait comme habillés.
Je n’osais plus remuer.
(...).
»
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