Commentaire de l'extrait d'Intermezzo de Jean Giraudoux: scène 6 de l'acte d'exposition
Publié le 17/05/2020
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Commentaire de l'extrait d'Intermezzo de Jean Giraudoux: scène 6 de l'acte d'exposition
Cette scène est un extrait d'Intermezzo, pièce en trois actes écrite par Jean Giraudoux en 1933 et représentée pour la première fois le 1er mars 1933 à la Comédie desChamps- Élysées.Ecrivain et diplomate français né en 1882 dans le Limousin, Giraudoux fait de brillantes études, voyage en Allemagne, aux Etats-Unis, et il est décoré pendant laPremière guerre mondiale.
Il essaye le journalisme, écrit des romans puis commence sa carrière de dramaturge en 1928, grâce à sa rencontre décisive avec lecomédien Louis Jouvet qui mettra en scène et interprétera ses œuvres principales, notamment Siegfried (1928) Amphytrion 38 (1929), La Guerre de Troie n'aura paslieu (1935), Electre (1937), ou Ondine (1939).
La majorité de ses romans et ses pièces de théâtre ont lieu dans l'atmosphère lourde des années 30, la montée dufascisme, période d'entre-deux guerre durant laquelle il sera un grand dramaturge de la scène française.
Jean Giraudoux décède en 1944 à Paris.Cet extrait est la scène 6 de l'acte d'exposition, c'est un dialogue plutôt conflictuel entre Isabelle, la protagoniste de la pièce, et un Inspecteur.
Comment Giraudoux àtravers ce dialogue parvient il à établir une critique sociale de l'éducation ? Nous étudierons ce passage en deux parties, la première concernant la conception del'éducation à travers deux personnages et la seconde en rapport avec l'aspect comique du dialogue dont se sert Giraudoux pour critiquer l'éducation.
Ce dialogue met en scène deux personnages, Isabelle et un inspecteur, dont les idées s'opposent.
Cette scène d'Intermezzo présente une rencontre houleuse entre deux personnages qui s'opposent sur de nombreux points, tant par leur fonction que par leurconception respectives de l'éducation.
Isabelle est une jeune maîtresse, ayant probablement moins d'expérience que l'Inspecteur, mais pourtant très sûre d'elle.
Elle aune méthode d'éducation assez originale, puisqu'elle fait cours à ses élèves en pleine nature, ce que lui reproche l'Inspecteur.
Elle est polie envers celui-ci, mêmelorsqu'il critique sa façon d'enseigner, en ponctuant ses répliques par « Monsieur l'Inspecteur ».
Celui-ci cherche à la discréditer auprès de ses élèves, « cettepédagogie de grand air est stupide » (ligne 10), et à se mettre en valeur.
Mais Isabelle réussit habilement à retourner la situation, à le contredire, en réutilisant sespropres mots et expressions : « Punir une élève qui regarde au plafond ! » (ligne 28).
Elle utilise l'argument de l'Inspecteur pour en faire quelque chose de positif,« tout ce qui est faute dans une classe devient une initiative et une intelligence au milieu de la nature » (lignes 24/25).
Isabelle parvient à faire front à l'Inspecteur,malgré la différence de grade et le fort caractère de ce dernier, tout en gardant son sang-froid et en le faisant de manière respectueuse.
L'Inspecteur rencontre Isabelle pour la réprimander quant à sa manière d'éduquer ses élèves.
Il paraît autoritaire, même hautain, « il suffit ! » (ligne 6).
De plus, il estassez théâtral, et cherche à impressionner Isabelle et ses élèves ; « Que l'examen commence » (ligne 6).
Il cherche à prouver sa supériorité à la maîtresse et aux élèves,légitime normalement puisqu'il est plus haut gradé, mais malheureusement pour lui il est vite ridiculisé devant les propos de la jeune maîtresse ou les réactions desélèves, la didascalie « elles rient » (ligne 7) le prouve.
Il a une vision classique de la classe type qui l'empêche d'être objectif.
En effet, il établit à trois reprises unestratégie d'argumentation ayant pour but de déstabiliser Isabelle, mais il se ridiculise à travers ses affirmations, en comparant des éléments qui ne sont pascomparables comme le « certificat d'étude » et le « fou rire » (ligne 23).
L'Inspecteur fait aussi des associations dépourvues de sens, comme la gaieté des fillettes dûau manque de punition de leur maîtresse.
Par ailleurs, il établit des comparaisons absurdes, « J'entends que l'ensemble de vos élèves montre au maître le même visagesévère et uniforme qu'un jeu de dominos », alors que dans un jeu de dominos les pièces sont différentes… L'Inspecteur utilise donc des exemples plutôtcontradictoires.Dans sa dernière réplique, l'Inspecteur, en tentant de prouver à Isabelle que faire cour à l'extérieur n'est pas correct, insiste sur l'importance du plafond les salles declasse : « le plafond, (…), doit être compris de façon à faire ressortir la taille de l'adulte vis-à-vis de la taille de l'enfant » (lignes 29/30), cet argument est hors-sujet,étant donnée que le plafond ne devrait pas être une manière de prouver aux élèves la supériorité du professeur.
Il établit un portrait du maître type et parle de dignitéen utilisant uniquement des éléments physiques tels que la taille, la corpulence, la mobilité, et en le comparant à des ; « un maître qui adopte le plein air (…) moinscorpulent que le bœuf » (ligne 31).
Bien sûr, ces éléments sont totalement infondés puisque les critères évoqués ne sont pas ceux que l'on attend d'un enseignant.
Isabelle et l'Inspecteur ont donc une conception de l'éducation qui s'oppose, l'une plutôt libre et l'autre stricte, Giraudoux critique cette dernière à l'aide du registrecomique présent dans cette scène.
Grâce au registre comique, ce dialogue permet à l'auteur de faire une critique de l'éducation.
Cet extrait présente différents types de comique permettant chacun d'apporter des éléments quant aux idées des personnages et à leur vision de l'éducation.Tout d'abord, le comique de situation.
En effet, l'extrait se déroule en pleine nature, concept plutôt nouveau pour l'époque, il n'y a pas de portes, pas de plafond, cequi rend aux yeux de l'Inspecteur la situation intolérable.
L'Inspecteur est vite déstabilisé, « La première qui bavarde balayera la classe, le champ, veux-je dire, lacampagne… » (ligne 12), il est mal-à-l'aise et perd rapidement de sa crédibilité, ce qui enchante les jeunes filles comme le montrent les didascalies : « rires » (ligne13).
Celles-ci sont peu nombreuses mais permettent d'accentuer l'effet comique de la situation.
Par ailleurs, un autre élément s'ajoute au comique de situation « entrez,les élèves » (ligne,) alors qu'il n'y a pas de porte, ce qui suscite le rire une fois de plus pour les jeunes élèves.
Avec ce contexte spatial et les justifications qu'apporteIsabelle à l'Inspecteur par rapport à sa manière d'enseigner, on remarque que c'est une maîtresse qui bouleverse les normes jusqu'alors très respectées.
Elle préfèredonner un côté ludique à l'éducation, elle ne ressent pas le besoin de punir ses élèves, inutile au milieu de la nature.Vient ensuite le comique de mot.
L'Inspecteur reprend la même structure de phrase à deux reprises ; « elles n'ont pas à être gentilles » (ligne 15) et «elles n'ont pas àêtre gaies » (ligne 22).
Cela prouve qu'il est très strict, une fois de plus, et exige un comportement exemplaire des élèves.
Il n'accepte pas qu'elles puissent rire ou êtresouriantes, attitudes pourtant normales pour de jeunes filles… De plus ; les associations, comparaisons, citées dans la première parties participent au comique delangage et jouent contre lui, puisque que ces arguments sont incohérents, ce qui permet à la maîtresse de les réfuter facilement, l'Inspecteur est donc ridiculisé, ce quidonne le côté comique de cette scène.Pour finir, le comique de caractère, qui nous permet de remarquer chez l'Inspecteur une manière de voir l'éducation très stricte, plutôt ancienne, qu'il ne faut surtoutpas bouleverser ; « vous avez au programme le certificat d'études et non de fou rire.
» (lignes 23/24).
D'ailleurs, il ne cherche même pas à voir les côtés positifs de lamanière qu'Isabelle a d'éduquer ses élèves, trop centré sur son système à lui.
Il prend la situation trop au sérieux par rapport à de jeunes élèves et s'énerve lorsqu'il serend compte qu'il perd de son autorité ; « le vocabulaire des inspecteurs y perd la moitié de sa force » (ligne 11).
D'après l'Inspecteur, le système d'Isabelle n'est pasnormal, il préférerait rétablir le système classique, dans lequel l'éducation rimerait avec autorité absolue, obéissance non négociable, silence complet.
Isabelle désire éduquer ses élèves de manière plus récréative que le ferait l'Inspecteur, mais tout aussi correcte.
Les deux méthodes peuvent fonctionner, même si ellessont en désaccord, cependant dans cette scène, Giraudoux critique très clairement le point de vue de l'Inspecteur qui lui désire rester en accord avec les normes del'époque, et met en valeur la touche de renouveau qu'apporte la jeune maîtresse..
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