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Commentaire de l'arrêt du Conseil d'Etat, « M. Papon » du 12 avril 2002

Publié le 31/05/2021

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« Commentaire de l'arrêt du Conseil d'Etat, « M.

Papon » du 12 avril 2002.

Droit administratif Appréciations : Les conclusions du commissaire du gouvernement Boissard, au sujet de l'arrêt « M.

Papon » du 12 avril 2002, mettent en exergue le fait que « ni la sécheresse durappel des faits ni la rigueur de l'analyse juridique ne peuvent faire oublier l'immensité des souffrances de celles et ceux qui ont jeté dans les convois et précipitésvers la mort ». La citation suivante illustre parfaitement le contexte auquel a trait cet arrêt car, pendant longtemps, la responsabilité de l'Etat français n'avait pas pu être engagéepour les persécutions commises sous le gouvernement de Vichy.

Il n'était pas possible d'obtenir du juge administratif la condamnation de l'Etat républicain à raisondes fautes commises sous le gouvernement de l'époque.

En effet, le juge estimait qu'en vertu de l'article 3 de l'ordonnance du 9 août 1944 consacrant la nullité de tousles actes du Gouvernement de Vichy établissant des discriminations fondées sur la qualité de juif, l'Etat républicain était irresponsable, la responsabilité en revenantau Gouvernement de Vichy.

Par conséquent, l'unique moyen, pour les victimes, d'obtenir quelconque réparation résidait dans les mécanismes spéciaux qui avaient étéinstitués pour réparer leur préjudice.

L'arrêt en date du 12 avril 2002 met un terme à l'irresponsabilité de l'Etat pour les actes commis sous le gouvernement de Vichy ;celle-ci étant considérée comme une fiction juridique. L'affaire qui nous est présentée dans cet arrêt vient à la suite de la condamnation de M.

Papon pour complicité de crime contre l'humanité, le 2 avril 1998, par la Courd'Assises de la Gironde, à dix ans de réclusion.

L'intéressé a été condamné pour avoir participé à la déportation, de juin 1942 à août 1944, de quatre convois depersonnes juives vers les camps d'extermination de l'Allemagne nazie.

La cour d'Assises, statuant au civil, condamne M.

Papon le lendemain.

Celui-ci se trouveobligé de verser des dommages et intérêts aux victimes, c'est-à-dire une somme de 4,72 millions de francs.

L'intéressé considère que ces faits ne sont pas constitutifsd'une faute personnelle mais d'une faute de service.

C'est pourquoi, en sa qualité d'ancien membre de l'administration préfectorale, il demande au ministre del'Intérieur de prendre en charge le remboursement des dommages et intérêts qui doivent être alloués aux victimes.

Le requérant se fonde sur l'article 11 de la loi du 13juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires qui dispose que « Lorsqu'un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que leconflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pasimputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui ».

Or, suite au refus du ministère de l'Intérieur de verser cette somme, M.Papon saisit la juridiction administrative d'une demande d'annulation de ce refus. Ainsi, dans l'arrêt d'assemblée du 12 avril 2002, le Conseil d'Etat juge que M.

Papon a bien commis une faute personnelle mais qu'il y a lieu également de relever unefaute de service qui incombe à l'Etat.

C'est pourquoi, l'Etat est condamné à payer la moitié des dommages et intérêts dus aux victimes.

Ainsi, dans cet arrêt, le Conseild'Etat reconnaît la responsabilité de l'Etat français et également la faute personnelle de M.

Papon ; celle-ci étant une faute de service.

Après avoir reconnu ces fautesqui ont joints leurs effets pour créer le dommage, le Conseil d'Etat applique les règles classiques de la responsabilité.

La charge du dommage de chacun en fonctiondes fautes est alors établie.

Par conséquent, en quoi le cumul d'une faute personnelle, propre à l'agent, et d'une faute de service commise par l'administration elle-même engage la responsabilité de l'Etat, ainsi que celle de l'agent auteur du dommage ? Il convient donc d'identifier la pluralité des fautes présentes dans cet arrêt (I).

Puis, nous constaterons également le partage de responsabilité qui est effectué entrel'Etat et M.

Papon (II). I- Une pluralité de fautes identifiées La reconnaissance de la faute personnelle de M.

Papon n'est pas une nouveauté puisque celle-ci fait déjà l'objet d'un jugement de la cour d'Assises de la Gironde,comme cela a été constaté précédemment.

Néanmoins, cet arrêt confirme l'existence d'une faute personnelle imputable à M.

Papon (A).Or, l'apport majeur de l'arrêt M.

Papon réside dans la reconnaissance de l'existence d'une faute de service qui permet alors d'écarter l'irresponsabilité de l'Etat pour lesactes commis sous Vichy.

Ainsi, cet arrêt rompt avec la jurisprudence antérieure et met fin à cette fiction juridique (B). A/ L'existence d'une faute personnelle L'affaire Papon a déjà donné lieu à des jugements en matière pénale.

C'est pourquoi, il importe de constater la valeur de ces jugements pour le juge administratif (1-).Puis, il convient également d'identifier la faute personnelle commise par M Papon (2-). 1- L'influence du jugement porté au pénal sur le juge administratif Les rapports du juge administratif avec les jugements portés en matière pénale sont caractérisés par l'indépendance dont fait preuve le juge administratif à l'encontrede ces jugements.

En effet, le juge considère q'une infraction pénale ne constitue pas obligatoirement une faute personnelle.

Ainsi, celle-ci peut être une faute deservice.

Dans l'arrêt « Thépaz » du 14 janvier 1935, le Tribunal des conflits juge que l'appréciation portée sur la nature de la faute commise par un agent estindépendante de la qualification que les faits en cause sont susceptibles de recevoir devant le juge pénal.

Le principe est le même en ce qui concerne la voie de faitcomme le démontre l'arrêt « Mme Paolucci » du 2 décembre 1991.

En outre, l'appréciation d'une juridiction judiciaire sur le caractère de faute personnelle d'un actecommis par un fonctionnaire ne s'impose pas au juge administratif.

Par conséquent, il convient de constater que le juge administratif garde sa liberté entière pourqualifier l'acte en cause. C'est pourquoi, le fait que la Cour d'Assises de Gironde, statuant au civil, ait considéré que les faits reprochés à M.

Papon étaient constitutifs d'une faute personnellen'a donc aucune conséquence sur l'appréciation du juge administratif portée aux mêmes faits.

Le jugement civil n'est donc revêtu que de l'autorité relative de la chosejugée.

Cependant, lorsque le juge pénal a constaté les faits opérés, cette constatation s'impose au juge administratif qui reste donc lié par le constat opéré en matièrepénale.

Néanmoins, le juge administratif conserve toute sa liberté pour qualifier cette constatation des faits.

Le juge administratif choisit la qualification à retenir enfonctions des faits préalablement retenus par la juridiction pénale.

Ainsi, selon l'arrêt « Ministre de l'intérieur contre Dame Desarnis » du 8 janvier 1971, seule laconstatation des faits possède l'autorité de la chose jugée. 2- La faute personnelle de M.

Papon, une faute d'une exceptionnelle gravité Le Tribunal des conflits, en vertu de l'arrêt « Pelletier » du 30 juillet 1873, définit la faute personnelle comme toute faute qui se détache des fonctions et traduit ladéfaillance de l'individu.

Cet arrêt a consacré la distinction opérée entre la faute personnelle et la faute de service.

L'arrêt « Pelletier » a considéré que l'agent nepouvait pas être poursuivi devant les tribunaux judiciaires sauf pour faute personnelle.

Il s'agit donc d'une faute détachable de ses fonctions.

Cet arrêt se fonde sur leprincipe de séparation des autorités judiciaires et administratives. Il s'agit d'une faute qui n'est pas imputable à la fonction de fonctionnaire mais au fonctionnaire lui-même.

Ainsi, quand il y a une faute personnelle, conformémentaux règles posées par le code civil, il incombe à l'agent de réparer les conséquences dommageables de son acte sur son patrimoine. La faute personnelle peut être de trois types.

Ainsi, il y a, tout d'abord, la faute personnelle qui n'a pas de lien avec le service.

Puis, la faute commise en dehors desfonctions mais qui n'est pas dépourvue de lien avec elle.

Il s'agit pour ce deuxième type de faute personnelle, par exemple, du cas d'une faute commise en dehors duservice mais avec des moyens que le service a mis a disposition de l'agent.

Il convient de faire référence à cet égard à l'arrêt « Sadoudi » du 26 juin 1973.

Enfin, lafaute personnelle commise dans les fonctions, mais s'en détachant intellectuellement par leur particulière gravité et révélant le comportement personnalisé del'homme.

Il peut s'agir d'un agent animé lors de son service par des préoccupations d'ordre privé comme le montre l'arrêt « Delle.

Quesnel » du 21 avril 1937.. »

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