Commentaire de l'arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation du 10 décembre 1985 (droit)
Publié le 15/05/2020
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Commentaire de l'arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation du 10 décembre 1985 (droit)
La personnalité juridique appartient à tout Homme de sa naissance jusqu'à sa mort ce qui lui permet de jouir de droit.
L'enfant conçupeut aussi en disposer, il est réputé né à chaque fois qu'il y va de son intérêt comme le rappelle la première chambre civile de la courde cassation dans cet arrêt du 10 décembre 1985.Un homme a souscrit à une assurance vie reversant ainsi 200% de son salaire en cas de décès à sa seconde épouse.
Peu de tempsaprès son décès, sa femme a donné naissance à deux jumeaux mais la compagnie d'assurance a refusé de les considérer comme nésau moment de la réalisation du risque et donc ne leur a pas reversé d'indemnité.L'épouse agit en réparation de son préjudice contre la compagnie d'assurance sur le fondement des articles 725, 906 et 921 du CodeCivil qui permet à l'enfant de recevoir une donation ou une succession.
Le tribunal déboute le demandeur qui interjette appel de ladécision.
La cour d'appel rend un arrêt confirmatif.
La femme forme alors en pourvoi en cassation sur le fondement de l'adage «l'enfant conçu est considéré comme né chaque fois qu'il s'agit de son intérêt ».Un fœtus peut-il disposer d'une personnalité juridique et quelles sont les conditions ?La cour de cassation casse l'arrêt de la Cour d'appel au motif que « la détermination des enfants à charge vivant au foyer doit êtrefaite en se conformant aux principes généraux du droit, spécialement à celui d'après lequel l'enfant conçu est réputé né chaque foisqu'il y va de son intérêt, étant observé que la majoration du capital-décès, lorsqu'il existe des enfants à charge, est destinée à faciliterl'entretien de ces enfants.
» Afin que l'enfant soit réputé né, il faut que cela satisfasse l'intérêt de l'enfant et il faut qu'il soit né par lasuite vivant et viable.
Ici l'adage « infans conceptus pro nato habetur quoties de commidi ejus apitur » est respecté ce qui permetd'étendre à l'enfant conçu certaines règles réservées à l'enfant déjà né.Le principe rappelé par la cour de cassation dans cet arrêt est un fondement de notre droit.
Néanmoins cet arrêt présente quelquesintérêts.
Tout d'abord, il montre que la personnalité juridique peut être attribuée à un fœtus en s'appuyant sur un adage ancien.Ensuite, il illustre le caractère évolutif de la jurisprudence de la cour de cassation.C'est pour ces différentes raisons que nous verrons d'une part le commencement de la personnalité juridique (I) puis d'autre part Lecaractère évolutif de la jurisprudence de la cour de cassation (II).
I.
Le commencement de la personnalité juridiqueLa personnalité juridique est un don que dispose l'Homme (A) mais le fœtus peut aussi en disposer (B).A.
La personnalité juridique à la naissance de l'enfantLa personnalité juridique permet à un Homme de jouir de droit, elle est un don de naissance qui disparaît avec la mort.
En droit, avantla naissance, l'enfant n'a pas de personnalité distincte de celle de sa mère, il est dit « pars vicerum matris », « un morceau desentrailles de sa mère ».
Les enfants ne sont pas encore nés lorsque le contrat a été fait entre le défunt et l'assurance pourtantl'assurance doit verser une somme supplémentaire au nom de ces derniers.
Or, seule une personne jouissant de la personnalitéjuridique peut être bénéficiaire.
Nous pouvons nous demander si la personnalité juridique de l'enfant remonte à la conception de lanaissance ? La réponse est positive, en effet, ces droits permettent aux enfants d'être bénéficiaires d'une succession par exemple si etseulement si « il y va de son intérêt ».
Comment pouvons-nous connaître l'intérêt d'un fœtus alors que ce dernier ne parle pas? Eneffet, pour avoir un droit il faut être une personne et c'est en se basant sur cela que l'assurance n'a pas versé une sommecomplémentaire à la famille car « ils ne vivaient pas au foyer de l'assuré ».B.
L'adage « infans conceptus pro nato habetur quoties de commidi ejus apitur»La cour de cassation, afin de trancher, s'est basée sur un adage ancien « infans conceptus pro nato habetur quoties de commidi ejusapitur », ce qui signifie « l'enfant conçu est considéré comme né chaque fois qu'il s'agit de son intérêt ».
Que signifie « considérécomme né » ? Cela signifie que l'on va donner aux enfants la personnalité juridique dont ils ont besoin pour être bénéficiaire de cetteassurance même s'ils ne sont pas encore nés.
L'adage n'implique t-il pas de reconnaître la personnalité juridique à l'embryon ou aufœtus ? La cour de cassation ici, ne se conforme pas au droit positif mais plutôt à la morale.
En effet en n'appliquant pas les conditionsdu contrat au profit du fœtus, le droit n'a pas jugé en équité.
Cependant, avec le progrès technique et l'évolution d'aujourd'hui, lelégislateur a du poser des conditions à l'application de cet adage.II.
Le caractère évolutif de la jurisprudence de la cour de cassationLa cour de cassation en reprenant une maxime (A) a contribué à donner un statut particulier au fœtus (B).A.
La reprise d'un ancien adageLa solution posée par l'arrêt du 10 décembre 1985 est nouvelle mais s'inspire de la maxime de l'époque justinienne et est formulée entermes généraux et abstraits.
Elle permet aux enfants du défunt d'être considérés comme enfants nés durant la vie de son père etainsi de les faire jouir de leur droit de succession.
Afin que cet adage s'applique, pour que l'enfant soit réputé né, deux conditions sontnécessaires.
Il faut que cela satisfasse l'intérêt de l'enfant et il faut qu'il soit né par la suite vivant et viable.
Si on applique l'adage c'estpour permettre de donner des droits à l'enfant et non des obligations, en effet ici cela permet l'application et l'accès des articles 725,906 et 921 du Code Civil.
Nous pouvons donc dire que si les enfants étaient morts nés, l'assurance n'aurait pas du verser une sommesupplémentaire.
Ici les enfants sont vivants et viables.
De ce fait, comme ces dernières sont des conditions de l'application de l'adage,la mère n'a pu demander le versement que le 30 juillet 1981 après la naissance des enfants le 24 mai 1980.
De plus, ce paiementpermettra de « faciliter l'entretien de ces enfants » ce qui est dans leurs intérêts.
Face à toutes ces conditions, l'adage doit doncs'appliquer.
Nous pouvons nous demander comment évoluera la jurisprudence.
En effet, les juges en appliquant l'adage, n'ont pasappliqué une règle de droit et rien ne prouve que demain, les juges statuent similairement.
B.
Le fœtus : personne particulièreDevons nous considérer que tout embryon est personne dès sa conception et dispose de la personnalité juridique ? La réponse est icicomplexe.
D'après les lois Veil du 17 janvier 1975 et l'article 16 du Code Civil ont permit de donner des éléments de réponses.
Eneffet, la loi assure la primauté de la personne et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie.
Le statutparticulier du fœtus réside ici.
Le 1er mars 1980, les fœtus n'étaient pas encore nés et ne pouvaient prétendre à la qualification depersonne mais le respect doit toujours être garantit.
Le 24 mai 1980, les jumeaux sont nés vivants et viables et disposent donc de lapersonnalité juridique.
Ce qui nous prouve que la naissance reste donc un mode nécessaire de l'attribution de la personnalité juridique.L'embryon sans être une personne est un être humain et c'est pour garantir son respect et ses futurs droits qu'on lui permet d'acquérirune personnalité juridique dès la conception de sa naissance.
C'est ainsi que même si « les conditions d'application du contratd'assurance-décès doivent être appréciées au moment de la réalisation du risque », on déroge à une règle de droit au profit du respectde la personne et de ses droits..
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