Commentaire d’arrêt Commentaire d’arrêt : n° 18-12.680
Publié le 15/11/2023
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Commentaire d’arrêt : n° 18-12.680
La décision proposée est un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du
9 juillet 2019.
Cette décision traite de la violence et de l’abus de la dépendance d’une partie à
l’égard d’une autre dans un contrat de prestation de service.
En l’espèce, par un contrat en date du 7 janvier 2011, une compagnie aérienne a confié à un
prestataire spécialisé la maintenance de sa flotte d’avion pour la période allant du 2 novembre 2010
au 1er novembre 2013.
Par avenant au contrat en date du 27 septembre 2012, le contrat a été repris
par une société filiale du prestataire, cette filiale devenant ainsi le nouveau prestataire de la
compagnie aérienne.
Le 28 janvier 2013, le prestataire a informé ses clients qu’il procèderait à une augmentation de ses
tarifs pour compense une exploitation à perte, avec la possibilité pour les clients de résilier leurs
contrats en cas de refus de cette augmentation.
Le 30 janvier 2013, un avenant a été signé entre la compagnie aérienne et le prestataire afin d’inclure
la prise en compte d’un avion supplémentaire en conservant les conditions tarifaires initiales.
Le 21 février 2013, le prestataire a communiqué à la compagnie aérienne un projet d’avenant
comportant une augmentation des tarifs à hauteur de 20% supplémentaires pour l’ensemble de la
flotte dont il a la charge et ajoutant deux avions supplémentaires.
Le prestataire a précisé qu’à défaut
d’acceptation avant le 1er mars 2013, il mettrait fin au contrat dans un délai de soixante jours.
La compagnie aérienne a signé l’avenant au contrat le 26 février 2013 avant de faire part de son
mécontentement au prestataire par courrier daté du lendemain de la signature.
La compagnie a
également procédé à l’application d’un abattement de 20% sur le paiement de ses factures.
Par acte du 14 octobre 2013, la compagnie aérienne a assigné son prestaire en justice afin d’obtenir
la nullité de l’avenant signé le 26 février 2013.
La compagnie estime que cet avenant est nul car il a
été signé par elle sous la contrainte d’une violence exercée par son prestataire.
Il est à noter que le prestataire a été placé en redressement puis en liquidation judiciaires les 17 avril
et 15 juillet 2014.
Le 20 décembre 2017, la cour d’appel de Paris a jugé que l’avenant du 26 février 2013 devait être
annulé pour violence.
La cour souligne que si la compagnie aérienne n’avait pas signé l’avenant
litigieux, elle n’aurait pas pu faire prendre en charge les deux nouveaux avions qu’elle devait recevoir
les 1er mars et 1er avril 2013 par le prestataire.
Cet empêchement aurait conduit la compagnie, d’après
la cour d’appel, à rompre ses contrats puisqu’elle aurait été dans l’impossibilité de trouver un
nouveau prestataire avant la date de rupture imposée par le prestataire en cas de refus de
l’augmentation des tarifs.
La cour d’appel donne de ce fait raison au raisonnement de la compagnie
aérienne qui invoque une dépendance à l’égard du prestataire en raison de l’impossibilité de
substituer le prestataire par un autre.
Devant cette décision, le liquidateur judiciaire, représentant du prestataire placé en liquidation
judiciaire, a formé un pourvoi en cassation afin de contester la nullité de l’avenant.
Il conteste en
outrer l’existence d’un comportement violent de la part du prestataire et d’une absence de
dépendance entre les parties au contrat.
La Cour de cassation doit répondre à la question de savoir si le fait pour la compagnie aérienne de
devoir retarder l’exploitation d’un avion le temps de trouver un autre prestataire pour prendre en
charge sa maintenance, la place dans une situation économique de dépendance à l’égard de son
cocontractant.
La Cour de cassation répond à cette question par la négative et décide de casser partiellement l’arrêt
rendu par la cour d’appel de Paris en ce qu’il a annulé l’avenant du 26 février 2013 pour violence,
rejeté les demandes du demandeur en paiement de la partie des factures impayées, ordonné la
restitution à la compagnie des sommes consignées au profit du prestataire et condamné le
liquidateur au paiement d’une indemnité de procédure.
La Haute juridiction, au visa de l’article 1112 (ancien) du Code civil, précise que la cour d’appel en
caractérisant la violence, n’a pas démontré l’existence de conséquences économiques propres à
produire une situation de dépendance de la compagnie à l’égard de son prestataire et a ainsi privé
sa décision de base légale.
Il est question de savoir quels sont les critères nécessaires à caractériser la violence contractuelle.
Sur la base d’un faisceau d’indices, la Cour de cassation va dans un premier temps procéder à une
recherche d’éléments factuels propre à caractériser la violence et la situation de dépendance (A)
avant de porter son analyse, dans un second temps, sur le rapport entre les parties (B).
I-
La caractérisation du comportement violent sur la base d’un faisceau d’indice
La décision de la Cour de cassation est rendue au visa de l’article 1112 (ancien) du Code civil qui
donne la définition légale de la violence en droit des contrats (A).
Toutefois, l’attendu de la décision
mentionne la notion de dépendance, sur laquelle se basent les arguments du défendeur en cassation
(B).
A- La définition légale de la violence
En droit, l’article 1112 du Code civil disposait, avant la réforme du droit des contrats et au jour de
la conclusion de l’avenant litigieux entre les parties, qu’il « y a violence lorsqu'elle est de nature à
faire impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa
personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ».
Cette définition suppose la réunion de
plusieurs conditions cumulatives que la Cour de cassation estime en l’espèce ne pas être réunies.
En effet, la violence doit inspirer au cocontractant qu’un mal puisse le frapper s’il ne conclut pas
le contrat, un mal considéré par la loi de « considérable et présent ».
Autrement dit, il y a une
condition d’intensité et une condition de temporalité proche.
Dans les faits, l’avenant du 26 février 2013 prévoyait une hausse des tarifs du prestataire à hauteur
de 20% du tarif originairement convenu, ainsi que la livraison de deux avions supplémentaires.
Pour rappel, par la conclusion de l’avenant du 30 janvier 2013, les parties avaient déjà convenu de
la livraison d’un avion supplémentaire dont la livraison était prévue pour le 1er mars 2013.
A défaut
de signer l’avenant, tous les contrats entre les parties auraient pris fin dans un délai de soixante
jours.
La livraison de l’avion au 1er mars 2013 aurait donc été maintenue.
La compagnie aérienne a estimé qu’elle n’a pas été en mesure de refuser la signature de l’avenant
puisqu’elle n’aurait pas pu retrouver un autre prestataire agréé entre le 21 février, date de
communication de l’avenant, et le 1er mars 2013, date butoir pour l’accepter ou mettre fin aux
contrats qui la lient au prestaire.
Bien que le caractère présent du mal ne soit pas contesté, la Cour de cassation rejette toutefois le
caractère considérable de celui-ci.
En effet, elle rappelle que la compagnie n’a pas indiqué en quoi
le fait de retarder la mise en service de l’avion qu’elle aurait reçu le 1er mars 2013 aurait provoqué
des conséquences économiques conséquentes.
Face à l’absence de caractère considérable du mal,
la Cour de cassation a donc logiquement rejeté la qualification violente du comportement du
prestataire.
En cassant l’arrêt d’appel rendu au motif de la violence, la Cour de cassation énonce surtout
l’absence de dépendance de la compagnie aérienne à l’égard de son prestataire malgré les arguments
de la défenderesse qui s’en tient à une définition globale de la notion.
B- Le rejet de la simple dépendance pour caractériser la violence contractuelle
Reprenant les arguments de la défenderesse en cassation, la cour d’appel a jugé que la compagnie
aérienne se trouvait dans une situation de dépendance à l’égard du prestataire.
En effet, il est
indéniable que la compagnie était dans l’impossibilité complète de retrouver un nouveau prestataire
avant la fin du délai de réflexion accordé par le prestataire.....
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