Commentaire d'arrêt, Cass. 3ème civ., 15 nov. 2000. Commentaire d'Arrêt
Publié le 17/05/2020
Extrait du document
«
En matière contractuelle, la bonne foi de chaque partie est indispensable quant à la protection du consentement.
En effet, ce dernier ne doit pas être vicié et uneobligation d’information pèse sur la partie forte au contrat.
Dans cet arrêt datant du 15 Novembre 2000, quelques précisions sont apportées à propos de cetteobligation d’information et de la réticence dolosive.
Il s’agit ici d’un arrêt rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation au sujet de la nullité de la vented’une parcelle pour dol.
En l’espèce, les propriétaires de cette parcelle, les consorts Z… X…, se sont engagés à la vendre à M.
Y qui a la faculté de se substituer àune personne physique ou morale de son choix, en l’occurrence ici la société Carrières de Brandefert.
Or M.
Y est en fait le directeur général de cette société.
Suite àla non signature de l’acte authentique, cette dernière assigne les consorts Z… X… afin d’obtenir le titre de propriétaire de la parcelle tandis que les consorts Z… X…ont demandé la nullité de la vente pour cause de dol.
Après un jugement de 1ère instance, un appel a été interjeté auprès de la cour d’appel de Rennes, statuant le 8décembre 1998 et déboutant la société Carrières de Brandefert de sa demande.
Elle forme alors un pourvoi en cassation.En effet, de son point de vue, il n’y a pas lieu de dol, car l’acquéreur n’est pas tenu d’informer son vendeur de la qualité essentielle de la chose vendue ni de sadestination prévue.
De plus, M.
Y n’était pas non plus tenu de révéler qui il était, ni pour qui il se substituait.
A cela, la Cour de Cassation répond cependant que lesilence gardé par M.
Y quant à son identité et la richesse de la composition du sol constituait une réticence dolosive d’autant plus que M.
Y aurait menti, la parcellecensée être destinée à l’habitation et le surplus à l’usage agricole, servirait en réalité à un projet d’exploitation de la société Carrières de Brandefert.
La Cour decassation rejette donc le pourvoi.En l’espèce, le dol est admis car l'erreur provoquée par ces manœuvres a conduit les consorts Z… X… à contracter alors que leur consentement n’était pas libre etéclairé.
Ainsi d’après l'article 1116 du Code civil : le dol n'est admis comme vice du consentement que si les manœuvres ont déterminé la victime du dol à contracter.Le consentement du vendeur a donc bien été vicié de par l'intention de tromper constituée par le silence et l'utilisation du prête-nom par l'acquéreur.
Il semblejudicieux ici de s’intéresser à ces manœuvres qui sont finalement considérées comme constitutives de dol alors même qu’aucune obligation d’information ne pesaitsur lui.
En effet, dans une première partie, nous exposerons ces différents éléments constitutifs de dol puis dans une seconde partie, le fait que ces manœuvres ontentrainé un vice de consentement.
I.
Les différents éléments constitutifs d’un dol :Dans cet arrêt, l’acquéreur ne fait pas preuve de loyauté ni de bonne foi comme il devrait le faire (A) et au contraire, use de montage par le biais notamment d’uneclause de substitution et d’un mécanisme de prête-nom destiné à masquer sa véritable identité (B).
A) Le dol face à la bonne foi contractuelle.
1) L’obligation d’information et de loyautéFondamentalement affirmé à l’article 1134 du Code Civil qui dispose que « les conventions doivent être exécutées de bonne foi.
», la jurisprudence et le législateuront développé des obligations d’information afin de protéger la partie faible au contrat.
Cependant, la jurisprudence a distingué l’obligation d’information par leprofessionnel et l’obligation d’information par le profane.
L’arrêt « Baldus » du 3 Mai 2000 avait affirmé qu’ « aucune obligation d’information ne pèse surl’acheteur ».
Or, en l’espèce, la Cour de Cassation va à l’encontre de ce qu’elle affirmait quelques mois plus tôt, en condamnant l’acquéreur qui s’est tu.
Cela semblecontradictoire, néanmoins, il y a une différence entre les silences gardés par les acquéreurs de ces deux arrêts : en effet, dans l’arrêt « Baldus », l’acquéreur avaitsimplement exploité l’ignorance de la venderesse, pour faire une acquisition à un prix bien inférieur à la valeur du marché.
A l’inverse, dans cette décision,l’acquéreur n’a pas fait que se taire sur la véritable nature du terrain, il a en plus monté toute une combine pour éviter tout soupçon de la part des vendeurs.
Ce sonttous ces éléments (mensonges, montage) qui ont motivé la solution de la Cour de cassation qui entend faire respecter la loyauté contractuelle et le principe de bonnefoi qui doit primer dans la conclusion des conventions.2) La notion de dolLe dol est directement visé par l’article 1116 et il intervient dès lors que l’une des parties au contrat a utilisé des manœuvres pour provoquer une erreur de l’autrepartie.
Pour être constitué, il va supposer la réunion d’un élément matériel et d’un élément intentionnel.
Il s’agit de sanctionner l’attitude d’une personne qui aprovoqué l’erreur de l’autre cocontractant.
La jurisprudence considère que le dol peut être caractérisé dès lors qu’on a constaté un comportement qui a eu pourobjectif d’inciter l’autre partie à contracter.
Depuis un arrêt de 1927 la Cour considère que le juge du fond doit caractériser les manœuvres, mais pour autant la Courde cassation se réserve un contrôle pour savoir si les manœuvres sont effectivement illicites.
Dans l’espèce qui nous intéresse, ce qui est ici reproché au vendeur, etqui permet de qualifier le dol, c’est l’usage de « manœuvres » qui révèlent un comportement déloyal.
Les manœuvres sont principalement constituées par l’utilisationd’une clause de substitution dans le compromis de vente.
Celle-ci est en principe autorisée et a pour but de permettre le transfert du bénéfice de la promessesynallagmatique de vente ou « compromis », à un tiers avant sa réitération par acte authentique.
Nous allons ainsi constater que cette utilisation de la clause de substitution ainsi que d’autres manœuvres constituent en ces circonstances, une intention dolosivevisant à tromper l’autre partie au contrat.
B) Les intentions dolosives : manœuvres, silence et mensonge.1) L’utilisation de la clause de substitutionEn effet, la clause de substitution a été détournée de son but originel, puisque la société s’en est servie pour seule vocation de se cacher derrière un prête-nom, soit enla personne de son propre directeur général.
Cette dissimulation tombe sous le sens car seul l’acquéreur était au courant de la richesse du sol de la parcelle et non lesvendeurs.
Or, il ne fait aucun doute que si ces derniers avaient été mis au courant de l’identité de la personne substituée par M.
Y, soit la société Carrières deBrandefert, ils auraient obligatoirement été intrigués et auraient surement cherché à savoir pour quelle raison cette société voudrait acquérir leur terrain.
Ainsi, ilsauraient été mis au courant de la richesse des sols et dès lors auraient certainement proposé un prix bien supérieur.
C’est donc bien dans le but unique de ne paséveiller les soupçons des vendeurs que la clause a été utilisée, d’autant qu’elle n’avait aucun intérêt pratique en l’espèce.2) Mensonge et silence gardé par l’acquéreurAinsi, la dissimulation de l'acquéreur derrière un prête-nom a permis de tromper les vendeurs sur un élément dont sa connaissance les aurait conduits à ne pas traiteraux conditions fixées.
De plus, le silence gardé par l’acquéreur sur la qualité essentielle du bien vendu ici porte sur la nature du sous-sol, étant plus riche que ce queles vendeurs pensaient, ils contractaient ici à un prix qui n’était pas en accord avec la qualité du bien.
Aussi, le comportement déloyal de l’acquéreur se révèle dansson affirmation mensongère dans le projet d’acte authentique qui stipulait que l’immeuble était destiné à l’habitation pour partie et pour ce qui restait à usageagricole.
Dès lors, l’intention de tromper est indéniable et le comportement de l’acquéreur doit être condamné sur le fondement du dol.
Ainsi, la présentationvolontairement mensongère de la destination de l’immeuble, en plus de la qualité de professionnel de l’acquéreur et de simple particulier « profane » du vendeur,permettent d’expliquer la solution de la Cour de cassation quant à la condamnation de l’acquéreur.Ainsi, nous avons prouvé qu’il y avait lieu de dol suite à l’existence de manœuvres et de mensonges, cependant il est aussi nécessaire de démontrer qu’elle adéterminé les parties à contracter dans ces conditions en viciant leur consentement.
II.
Des manœuvres entrainant un consentement vicié :Dans une première partie, nous évoquerons la notion d’erreur provoquée par le dol (A) puis dans une seconde partie, nous discuterons d’une éventuelle évolution dela jurisprudence (B).A) L’erreur provoquée par le dol.1) La notion d’erreurDans le domaine contractuel, l'erreur peut être définie comme une fausse représentation de la réalité qui va conduire l'une des parties (l'errans) à donner sonconsentement alors même qu'elle se trompe sur l'objet du contrat.
Dans tout contrat, l'une des parties est amenée plus ou moins à se faire une fausse représentation dela réalité.
Pour autant, le Code Civil comme la jurisprudence ne retient que certaines erreurs susceptibles d'entraîner l'annulation du contrat.
Ainsi, pour que l'une desparties obtienne l'annulation du contrat, il conviendra d'abord qu'elle prouve que l'erreur a été déterminante, mais également que cette erreur est excusable.
Enl’espèce, l’erreur des vendeurs dans cet arrêt porte sur la valeur vénale de la parcelle et la jurisprudence a déjà donné sa position à ce sujet, rejetant l’annulation descontrats au titre d’une erreur spontanée de l’errans sur la valeur vénale de la chose vendue.
D’après l’article 1110 alinéa 1er : la valeur vénale est considérée comme« accidentelle », déterminée par le marché et demeure « extérieure » au contrat proprement dit.
En revanche, lorsque le dol intervient, cela peut justifier l’annulationdu contrat..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Commentaire d’arrêt : Cass. 3e civ., 28 nov. 2001, n° 00-13.559, arrêt Haironville
- Commentaire d’arrêt : Cass, 3ème civ., 12 juin 2014
- Commentaire d'arrêt : Cass. Civ. 3e, 7 mai 2008, n° 07-11.690
- Cass. civ. 1re, 11 mars 2003 - commentaire d'arrêt
- Cass. civ. 1re, 3 avril 2002 - commentaire d'arrêt