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Commentaire composé Retour au désert, de Koltés

Publié le 20/04/2022

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Introduction Le Retour au désert est une pièce de théâtre, écrite par B.M. Koltés, en 1988. Pendant la guerre d’Algérie, Mathilde revient en France avec son fils, dans l’intention de récupérer la maison familiale et de régler des comptes. Dans cette scène, une violente dispute l’oppose à son frère Adrien, devant les serviteurs et son propre fils. Nous nous demanderons alors comment cette scène de dispute révèle des liens entre le frère et la sœur. Tout d’abord, nous nous pencherons sur la violence de la confrontation ; puis sur ce que cette scène révèle du personnage d’Adrien ; et enfin de Mathilde. Nous verrons dans ce premier axe la violence de la confrontation, avec la mise en scène de l’affrontement sur un plan de la gestuelle, mais aussi à travers la prise de parole entre Adrien et Mathilde. La mise en scène marque d’entrée la violence de la scène, avec des didascalies construites sur des parallèles, qui mettent en miroir la gestuelle des différents protagonistes, et qui soulignent la tension qu’il y a entre eux sur un plan physique : « Edouard retient sa mère, Aziz retient Adrien » (l.), « Aziz entraîne Adrien, Edouard entraîne Mathilde. Mais ils s’échappent et reviennent» (l.). Cela est renforcé par l’effet de symétrie entre adjuvants – Edouard pour Mathilde, Aziz pour Adrien - et opposants – Mathilde et Adrien -. Mais ce sont aussi les deux verbes au pluriel qui montrent la synchronicité du frère et de la sœur, qui agissent exactement pareil. Cet affrontement physique se remarque en dernier lieu à travers la première réplique d’Aziz, qui utilise un vocabulaire violent et familier pour mettre en avant l’attitude des deux personnages principaux : « qu’ils se tapent donc, et quand ils seront calmés, Aziz ramassera les morceaux » (l.). Le subjonctif présent révèle une forme de fatalisme chez Aziz, qui visiblement pense que cet affrontement est inévitable, et la métaphore « ramassera les morceaux » insiste d’ailleurs de façon hyperbolique sur cela. Le combat va être terrible entre les deux. Le conflit se manifeste aussi à travers la prise de la parole. Chacun monopolise la parole à travers des tirades, afin de pouvoir invectiver l’autre, tirades qui s’effacent devant des répliques plus courtes, quand le sujet rebondit sur le père. En outre, chacun essaie de s’imposer à l’autre, en utilisant des phrases amples, qui développent toute leur rancune, et avec une marque de langage qui va les caractériser. Adrien ne cesse de poser des questions oratoires à Mathilde pour imposer son point de vue, comme de la ligne à , puis à la ligne , et encore aux lignes et . Mathilde, elle, construit une partie de ses paroles sur des répétitions, qui veulent marteler le sien : que ce soit le mot « défier » qui revient sept fois des lignes à , ou « moi » aux lignes , et . En outre, les deux utilisent régulièrement « oui » (l.) ou « non » (l.), pour finir de donner un tour péremptoire à leurs propos. Après avoir vu comme la mise en scène et la prise de parole des deux personnages principaux marquent la violence gestuelle et verbale des deux personnages, nous allons voir quel aspect cet affrontement donne d’Adrien. 

« Le Retour au désert, B.M.

Koltès, 1988 Pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), Mathilde revient en France avec son fils Édouard dans l’intention de récupérer la maison familiale et de régler des comptes.

Une violente dispute l’oppose à son frère Adrien devant les serviteurs, Aziz et madame Queuleu. 1 5 10 15 20 25 30 35 Aziz.

– Qu’ils se tapent donc, et, quand ils seront calmés, Aziz ramassera les morceaux. Entre Édouard. Madame Queuleu.

– Édouard, je t’en supplie, je vais devenir folle. Édouard retient sa mère, Aziz retient Adrien. Adrien – Tu crois, pauvre folle, que tu peux défier le monde ? Qui es-tu pour provoquer tous les gens honorables ? Qui penses-tu être pour bafouer les bonnes manières, critiquer les habitudes des autres, accuser, calomnier, injurier le monde entier ? Tu n’es qu’une femme, une femme sans fortune, une mère célibataire, une fille-mère, et, il y a peu de temps encore, tu aurais été bannie de la société, on te cracherait au visage et on t’enfermerait dans une pièce secrète pour faire comme si tu n’existais pas.

Que viens-tu revendiquer ? Oui, notre père t’a forcée à dîner à genoux pendant un an à cause de ton péché, mais la peine n’était pas assez sévère, non.

Aujourd’hui encore, c’est à genoux que tu devrais manger à notre table, à genoux que tu devrais me parler, à genoux devant ma femme, devant madame Queuleu, devant tes enfants.

Pour qui te prends-tu, pour qui nous prends-tu, pour sans cesse nous maudire et nous défier ? Mathilde.

– Eh bien, oui, je te défie, Adrien ; et avec toi ton fils, et ce qui te sert de femme.

Je vous défie, vous tous, dans cette maison, et je défie le jardin qui l’entoure et l’arbre sous lequel ma fille se damne, et le mur qui entoure le jardin.

Je vous défie, l’air que vous respirez, la pluie qui tombe sur vos tètes, la terre sur laquelle vous marchez ; je défie cette ville, chacune de ses rues et chacune de ses maisons, je défie le fleuve qui la traverse, le canal et les péniches sur le canal, je défie le ciel qui est au-dessus de vos têtes, les oiseaux dans le ciel, les morts dans la terre, les morts mélangés à la terre et les enfants dans le ventre de leurs mères.

Et, si je le fais, c’est parce que je sais que je suis plus solide que vous tous, Adrien. Aziz entraîne Adrien, Édouard entraîne Mathilde.

Mais ils s’échappent et reviennent. Mathilde.

– Car sans doute l’usine ne m’appartient-elle pas, mais c’est parce que je n’en ai pas voulu, parce qu’une usine fait faillite plus vite qu’une maison ne tombe en ruine, et que cette maison tiendra encore après ma mort et après celle de mes enfants, tandis que ton enfant se promènera dans des hangars déserts où coulera la pluie en disant : C’est à moi, c’est à moi.

Non, l’usine ne m’appartient pas, mais cette maison est à moi et, parce qu’elle est à moi, je décide que tu la quitteras demain.

Tu prendras tes valises, ton fils, et le reste, surtout le reste, et tu iras vivre dans tes hangars, dans tes bureaux dont les murs se lézardent, dans le fouillis des stocks en pourriture.

Demain je serai chez moi. Adrien.

– Quelle pourriture ? Quelles lézardes ? Quelles ruines ? Mon chiffre d’affaires est au plus haut.

Crois-tu que j’ai besoin de cette maison ? Non.

Je n’aimais y vivre qu’à cause de notre père, en mémoire de lui, par amour pour lui. Mathilde.

– Notre père ? De l’amour pour notre père ? La mémoire de notre père, je l’ai mise aux ordures il y a bien longtemps. Adrien.

– Ne touche pas à cela, Mathilde.

Respecte au moins cela.

Cela au moins, ne le salis pas. Mathilde.

– Non, je ne le salirai pas, cela est déjà très sale tout seul. Bernard-Marie Koltès (1948-1989), Le Retour au désert, Editions de Minuit, 1988.. »

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