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Commentaire composé L’Écume des jours, Boris Vian

Publié le 22/06/2024

Extrait du document

« Commentaire composé L’Écume des jours, Boris Vian Introduction L’extrait présenté ici en exemple est tiré d’un roman de Boris Vian, L’écume des jours (1947).

C’est un texte surréaliste composé de dialogues entre les trois personnages principaux de l’œuvre (Colin, Chloé et Nicolas).

Le registre y est absurde et tragique.

L’extrait se structure en deux parties, tout d’abord l’évocation de la maladie de Chloé (elle a un nénuphar sur le poumon), puis du traitement préconisé par le docteur (pas d’eau et des fleurs autour d’elle).

Nous étudierons tout d’abord la métaphorisation de la maladie et ensuite le caractère tragique de la scène caché sous l’omniprésence des images absurdes et poétiques. Dans quelle mesure le recours à la métaphore et à l’absurde renforce-t-il le poids de la maladie et le caractère tragique de la scène ? I.

La métaphorisation de la maladie La maladie de Chloé est totalement métaphorisée, rien ne rattache le lecteur à une situation plus réaliste.

L’auteur a recours à des images, des métaphores et des analogies, mais pas à des comparaisons. I.1 .

Le nénuphar / / la tumeur Chloé est atteinte d’une maladie que l’on sait très grave, qui lui donne froid et la fatigue.

Selon le docteur, elle a un “nénuphar” “dans le poumon droit”.

Colin répète les paroles du docteur à Nicolas (“Le professeur croyait au début que c’était seulement quelque chose d’animal.

Mais c’est ça.

On l’a vu sur l’écran.

Il est déjà assez grand, mais, enfin, on doit pouvoir en venir à bout.” l 25). Le nénuphar est une plante qui grandit et s’épanouit dans une mare ou dans un étang. Cette plante se distingue des autres par sa grande taille et son potentiel de croissance. De plus, il produit une fleur lorsqu’il est à son terme de croissance.

Le fait qu’une plante avec un gros potentiel de croissance et de fleuraison pousse dans un poumon laisse immédiatement le lecteur penser qu’il s’agit d’une tumeur.

La précision de Colin quant à la taille déjà importante du nénuphar et au fait de pouvoir “en venir au bout” explicite ceci.

Toutefois, le terme “tumeur” n’est jamais utilisé.

Enfin, la maladie est toujours présentée sous la forme de cette image d’une grande beauté.

Cela donne un caractère doux et poétique au cancer de Chloé. I.2.

Le froid, les fl eurs et l’eau : le traitement de la maladie Pour venir à bout du nénuphar qui grandit au niveau du poumon de Chloé, le docteur préconise trois choses : le froid, l’entourer de fleurs et ne lui donner que très peu d’eau (“Le docteur veut qu’elle aille à la montagne, dit Colin.

Il prétend que le froid tuera cette saleté” l 34, “il faut tout le temps mettre des fleurs autour d’elle, ajouta Colin, pour faire peur à l’autre” l 37, “Il ne faut pas qu’elle boive” l 46, “deux cuillerées par jour”). Pour le froid et l’eau, c’est ce qu’on ferait pour faire mourir une plante ou une fleur.

Et le fait de “faire peur” au nénuphar avec une multitude de fleurs personnifie les plantes et apporte de la couleur au récit.

Ces métaphores peuvent nous faire penser aux cliniques à la montagne, à la chimiothérapie et à l’action des anticorps contre la tumeur.

L’idée est donc de cesser d’alimenter la tumeur pour la faire mourir.

De nouveau, la chimiothérapie n’est jamais évoquée dans le texte.

L’auteur poétise le traitement du nénuphar, donne une image vivante et esthétique de la maladie et de son traitement. I.3.

Le froid et la soif / / la douleur liée au traitement Dans un passage antérieur à celui-ci, Chloé sent un froid immense envahir son corps. C’est à ce moment-là que Colin se met à s’inquiéter pour la santé de sa bien-aimée et qu’il décide d’aller chez le docteur avec elle pour voir ce qui ne va pas.

Nous pourrions assimiler ceci aux douleurs thoraciques causées par une tumeur au poumon.

Chloé sent aussi son nénuphar “bouger”, ce qui lui fait très mal (“ça fait tellement mal quand il bouge ! ! !” l 29).

L’analogie peut être faite avec les douleurs liées au développement de la tumeur. Enfin, sa fatigue et sa soif liées au traitement du nénuphar (elle n’a droit qu’à deux cuillerées d’eau par jour et, à la fin du roman, ne parvient plus à sortir de son lit tant le nénuphar l’affaiblit) sont semblables à la fatigue et à l’absence d’appétit des patients atteints du cancer.

Ainsi, toujours de manière imagée, l’auteur présente le traitement de Chloé en reprenant implicitement des éléments de la réalité.

Cette omniprésence des images offre un point de vue poétique sur les sensations du malade atteint d’un cancer du poumon. II.

Le tragique caché sous l’évocation très imagée II.1 .

Le cancer Bien que l’auteur évoque la tumeur avec l’image du nénuphar en voie de fleuraison et le traitement avec des fleurs et une privation d’eau, la réalité cachée derrière cette image est tragique.

Le cancer est une maladie grave, douloureuse et souvent incurable.

D’où le caractère tragique du dialogue au sujet du nénuphar (“- Oh ! Ça ne pouvait pas être pire ! ” dit Colin.” l 6, “Il est déjà assez grand, mais, enfin, on doit pouvoir en venir à bout.” l 25, “si il fleurit, dit Colin, il y en aura d’autres.” l 37).

On sent dans les paroles de Colin la gravité de la maladie de Chloé et l’ampleur croissante de la maladie.

Le cancer est donc bien présent dans le texte et il amplifie le caractère tragique du texte. II.2.

L’ineffi cacité des traitements contre la tumeur Bien qu’il ne soit jamais explicitement dit qu’il s’agit d’une chimiothérapie douloureuse et inefficace, le lecteur comprend la situation dans laquelle est Chloé.

Et bien que le traitement de la maladie soit lui aussi présenté sous forme de métaphores, il semble impuissant comme la chimiothérapie contre un cancer à un stade trop avancé pour être traité.

Par exemple, les formulations comme “On l’a vu sur l’écran.

Il est déjà assez grand, mais, enfin, on doit pouvoir en venir à bout.” (l 25), “Le docteur veut qu’elle aille à la montagne, dit Colin.

Il prétend que le froid tuera cette saleté… ” (l 34) ou “si il fleurit, dit Colin, il y en aura d’autres.

Mais, on ne le laissera pas fleurir… ” (l 37) montrent en filigrane l’inefficacité du traitement.

“On doit pouvoir”, “il prétend que” et “si il fleurit” sont des signes annonciateurs de l’échec du traitement. Et en effet, au fil des pages, Chloé va dépérir.

Ainsi, sa guérison déjà perdue d’avance est tragique. II.3.

Les sentiments des personnages, l’impuissance et la douleur Chloé Enfin, la force et le caractère tragique des sentiments exprimés par les personnages créent une ambiance de mort annonciatrice de la mort de Chloé.

C’est d’abord Chloé qui, par son attitude, révèle la gravité de sa situation : “Chloé pleurait toujours dans la fourrure blanche” (l 2).

Elle continuera de pleurer et de se lamenter tout au long du passage : “Chloé, recroquevillée dans un coin de la voiture, mordait ses poings.

Ses cheveux lustrés lui tombaient sur la figure et elle piétinait sa toque de fourrure.

Elle pleurait de toutes ses forces, comme un bébé, mais sans bruit.” (l 9-11), “ses pauvres yeux affolés et sentait son cœur battre à coups sourds et lents dans sa poitrine.” (l 1314), “- Vous ne pouvez pas savoir ce que c’est, sanglota Chloé, ça fait tellement mal quand il bouge ! ! !” (l 29), “Il sentait Chloé pleurer contre lui” (l 45). On la sent désemparée, tétanisée et endolorie.

Sa douleur est sourde, tout comme sa manière de pleurer.

Ce contraste entre l’intensité de sa peur, de sa douleur et le silence qui entoure sa douleur (elle s’exprime très peu dans le dialogue) renforce le caractère tragique du personnage. Colin Quant à Colin, il a lui l’air d’un “homme mort” (l 2).

Son inquiétude est aussi grande que sa culpabilité et son sentiment d’impuissance face à la douleur de sa bien-aimée.

(“Oh ! Ça ne pouvait pas être pire ! ” dit Colin.” l 6, “Il se rendit compte de ce qu’il venait de dire et regarda Chloé.

Il l’aimait tellement en ce moment qu’il se serait tué pour son imprudence.” l 7-9, ” Pardonne-moi, ma Chloé, dit Colin.

Je suis un monstre.

” l 12, “Il sentait Chloé pleurer contre lui et il haïssait la torture qu’il allait devoir lui infliger.” l 45, “on doit pouvoir en venir à bout.” l 25). Il représente la douleur du conjoint impuissant face à la maladie possiblement incurable de sa femme.

Sa délicatesse, ses égards pour Chloé montrent l’étendue de son amour et de sa douleur.

Ils ressemblent presque à Roméo et Juliette, un couple tragique dont l’amour est empêché par la mort.

Ainsi, bien que l’omniprésence des images semble au premier abord embellir la tumeur et la douleur de Chloé, le tragique de cette scène est renforcé par le cadre surréaliste et l’attitude des personnages..... »

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