COMMENTAIRE : Civ. 3e, 2 mars 2017, 16-10.600, Inédit
Publié le 16/11/2022
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COMMENTAIRE : Civ.
3e, 2 mars 2017, 16-10.600, Inédit
ACCROCHE : deux possibilités (alternatives) seront présentées ici afin d’illustrer ce qui est
attendu pour une accroche
1 – « Liberté, égalité, responsabilité », tels pourraient se résumer les droits et obligations attachés
aux parties d’un contrat selon Denis MAZEAUD.
Parce qu’elles contractent en toute liberté et sur
un pied d’égalité les parties s’avèrent être les meilleures juges de leurs propres intérêts sans que les
juges judiciaires n’aient en principe à intervenir.
En sanctionnant ’interprétation des juges du fond,
l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 2 mars 2017 n°16-10.600 s’inscrit
dans ce courant de pensée.
2 – En 2017 la France compte 39,9 % de locataires selon l’INSEE.
La répartition
propriétaires/locataires s’est stabilisée depuis les 10 dernières années : sur 10 personnes en France,
environ 6 sont propriétaires et 4 sont locataires.
Les rapports entre bailleur et preneur est source de
contentieux.
L’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 2 mars 2017 n°1610.600 s’inscrit dans le contentieux de l’exécution des baux d’habitation.
FAITS
Des propriétaires bailleurs ont délivré un congé pour vendre à leurs preneurs, le prix de vente
s’élevait à 320 000 euros.
Les preneurs ont formé une offre d’acquisition au prix de 305 000 euros.
Cette offre était acceptée par les bailleurs.
Le 27 juillet 2010 un compromis de vente était
régularisé, la vente était réitérée selon acte authentique du 25 février 2011.
Le 26 décembre 2012 les
bailleurs-vendeurs ont assigné leurs preneurs-acquéreurs aux fins de paiement de 11 582,39 euros
au titre de la révision des loyers sur la période de janvier 2008 à février 2011 en application de la
clause d’indexation du loyer stipulée dans le bail.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La Cour d'appel de Versailles dans un arrêt du 27 octobre 2015 a débouté les bailleurs-vendeurs de
leurs demandes.
Pour la Cour, la demande aux fins d’indexation du loyer ne pouvait intervenir
postérieurement à la résiliation du contrat de bail.
Par ailleurs la Cour d’appel estime que cette
demande, qui correspondait peu ou prou au montant de la négociation dans le cadre de la vente,
constituait un prétexte pour remettre en cause la réduction du prix librement acceptée lors de la
négociation.
Les bailleurs-vendeurs ont formé un pouvoir en cassation aux fins de cassation et
d’annulation de l’arrêt précité.
Dans un arrêt du 2 mars 2017 la troisième chambre civile de la Cour
de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d'appel au visa de l’article 1134 du Code civil dans sa
version antérieure au 1er octobre 2016, ensemble l’article 17 d) de la loi du 6 juillet 1989.
INTÉRÊT DE L’ARRÊT
La Cour de cassation rappelle une nouvelle fois la primauté du principe de force obligatoire du
contrat et ses incidences.
Elle sanctionne la Cour d’appel de Versailles d’avoir débouté les bailleursvendeurs de leurs demandes aux fins de paiement des sommes découlant de l’exécution d’une
clause d’indexation des loyers valablement stipulée.
PROBLÈME DE DROIT
La Cour de cassation a dû répondre à la question suivante : La résiliation du bail et la vente du bien
loué au preneur empêchent-elles la condamnation du preneur-acquéreur au titre de l’indexation du
loyer pour une période antérieure non prescrite ?
SOLUTION DE DROIT
Au visa des articles 1134 du Code civil (dans sa version antérieure au 1er octobre 2016) et 17 d) de
la loi du 6 juillet 1989 (dans sa version antérieure à celle issue de la loi du 24 mars 2014) la Cour de
cassation a jugé que le juge devait respecter les contrats tels que convenus par les parties.
Tant que
le délai de prescription quinquennale, applicable en l’espèce, n’est pas écoulé le vendeur-bailleur
peut toujours solliciter la mise en œuvre de la clause d’indexation stipulée dans le contrat de bail et
réclamer le paiement des sommes dues.
ANNONCE DE PLAN
En application du principe de force obligatoire des contrats, le juge est lié par les stipulations
contractuelles (I), dont il doit garantir l’exécution (II).
I – LE JUGE LIE PAR LES STIPULATIONS CONTRACTUELLES
(Annonce de plan) En l’absence de stipulation contraire le juge ne peut revenir sur l’indépendance
des contrats (A) il ne peut également pas dénaturer une clause valablement consentie (B).
A – L’indépendance des contrats en l’absence de stipulation contraire
QUOI ? La Cour de cassation confirme l’indépendance des conventions en l’absence de stipulation
contraire.
COMMENT ? En sanctionnant le raisonnement adopté par la Cour d’appel la Cour de cassation
confirme implicitement cette indépendance des conventions.
Il importe peu que le montant de
l’indexation du loyer représente peu ou prou le montant de la réduction du prix accepté lors de la
négociation du prix de vente.
Pour la Cour de cassation l’absence de stipulation contractuelle
démontre que les parties n’ont pas remis en cause la clause d’indexation du bail : si les parties
avaient souhaité renoncer à l’exécution de la clause d’indexation du loyer et convenir également
d’une réduction du prix vente elles l’auraient stipulé dans l’acte de vente.
Le juge ne peut d’autorité
créer un lien de dépendance entre des conventions distinctes.
POURQUOI ? / APPRÉCIATION La Cour d'appel de Versailles adoptait un raisonnement différent
selon lequel la mise en œuvre de la clause d’indexation du loyer stipulé dans le bail constitue un
prétexte pour revenir sur une réduction de prix librement négociée par les parties.
La Cour d’appel
se place sur le terrain de la bonne foi dont les parties doivent faire preuve dans l’exécution des
conventions.
Elle estime ainsi que l’exécution de la clause d’indexation du loyer postérieurement à
la résiliation du bail, à la négociation d’une réduction du prix de vente, la signature du compromis
de vente et à la réitération de la vente par acte authentique est de mauvaise foi.
Ainsi le
raisonnement de la Cour ne s’appuie pas uniquement sur la validité de la clause d’indexation et
celle de sa mise en œuvre mais se place au regard des deux contrats liant les parties.
Or, le bail et la
vente constituent deux conventions distinctes et totalement indépendantes l’une de l’autre en
l’absence de stipulation contraire.
Le seul fait que les mêmes parties aient conclu deux conventions
n’entraîne pas automatiquement l’interdépendance des conventions.
Dans l’hypothèse où les
preneurs n’auraient pas acheté le bien loué, ou n’auraient pas négocié une réduction du prix, le
raisonnement de la Cour d’appel de Versailles démontre ses limites.
Dès lors, la solution de la Cour
de cassation est parfaitement logique au regard du principe de force obligatoire des conventions.
B – L’impossible dénaturation d’une clause valablement consentie
QUOI ? La Cour de cassation sanctionne la dénaturation de la clause d’indexation opérée par la
Cour d’appel de Versailles.
COMMENT ? La Cour de cassation rappelle de manière laconique que « le juge ne peut porter
atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties ».
POURQUOI ? / APPRÉCIATION Au visa de l’article 1134 du code civil, dans sa version antérieure
au 1er octobre 2020, la Cour de cassation sanctionne toute dénaturation des contrats valablement
conclus.
Le dictionnaire CORNU défini la dénaturation comme la méconnaissance des éléments
essentiels du contrat, erreur de droit qui, excède l’appréciation souveraine des juges du fond.
La
prohibition de la dénaturation découle du principe de force obligatoire des conventions : parce que
le contrat est intangible, la liberté du juge doit être limitée dès lors....
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