commentaire bardamu
Publié le 07/02/2024
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«
Commentaire : Céline, Voyage au bout de la nuit (1932)
Proposition de corrigé
[Introduction]
Céline, en héritier du réalisme, décrit la noirceur du monde, qu’il appelle métaphoriquement la
nuit, dans Voyage au bout de la nuit (1932).
Le roman s’ouvre sur l’horreur des combats, au cœur de la
Première Guerre mondiale : Ferdinand Bardamu, le personnage principal, s’est engagé comme soldat
dans l’armée.
Blessé au front, il est rapatrié à Paris et soigné dans un hôpital où il a une liaison avec
Lola, une belle Américaine séduite par l’héroïsme qu’elle pense qu’il incarne.
Dans l’extrait à
commenter, Bardamu est invité après sa convalescence à retourner se battre et il le refuse.
Ce
personnage à la fois populaire et marginal incarne paradoxalement une certaine sagesse : il met à mal
non seulement la pensée belliqueuse de l’époque mais aussi toute une tradition littéraire qui faisait du
héros un homme de guerre.
Nous nous demanderons alors comment l’autoportrait du personnage en
lâche donne une image bien plus louable que condamnable de celui-ci.
[Plan] Nous verrons d’abord
que l’autoportrait de Bardamu surgit ici à l’occasion d’un éloge paradoxal [partie 1].
Nous
montrerons ensuite que celui-ci prend place dans un dialogue polémique : il permet alors de brosser,
en réaction, le portrait d’une Lola conformiste et de toute une société cruelle [partie 2].
[Développement]
[Partie 1]
L’autoportrait de Bardamu est celui d’un personnage marginal et anticonformiste, qui affiche sa
lâcheté comme une qualité.
Derrière cet éloge paradoxal, on entend la voix de l’auteur qui transpose
ici sa propre expérience des combats pour revendiquer un pacifisme assumé.
[Sous-partie 1]
Bardamu incarne le pacifisme.
Dès la première ligne, il est invectivé par Lola au moyen de son
prénom, « Ferdinand », alors que ses compagnons l’appellent généralement par son nom de famille
dans le reste du roman.
Si cette désignation le rapproche de son auteur, qui se nomme LouisFerdinand Céline, elle est surtout symbolique puisque le prénom est formé au moyen des mots fried,
« la paix », et nanh, « l’audace » : Ferdinand est, étymologiquement, « celui qui a l’audace de
revendiquer la paix ».
Le rejet catégorique de la guerre qu’incarne le personnage est alors souligné par
la multiplication des négations totales, grammaticales et lexicales dans son propos : Bardamu « la
refuse tout net, avec tous les hommes qu’elle contient, et ne veu[t] rien avoir à faire avec eux, avec
elle » (l.
5-7).
Il déclare encore « ne pas la déplor[er] », « ne pas pleurniche[r] dessus » et surtout « ne
[pas se] résigne[r] » à la subir (l.
4-5).
La répétition des négations exprime une profonde détestation et
signale aussi la marginalité du personnage.
[Sous-partie 2]
Les répliques de Bardamu, rythmées par l’anaphore du « je », pronom de la première personne
du singulier, font l’autoportrait d’un anticonformiste.
Sa marginalité apparaît surtout dans
l’opposition des nombres : on notera ainsi l’antithèse qui sépare d’un côté le personnage, « tout seul »
(l.
8) et de l’autre, « neuf cent quatre-vingt-quinze millions » d’hommes (l.
7-8), une hyperbole qui
souligne l’isolement radical du pacifiste face à ses adversaires.
Cette opposition est renforcée par les
LIRE LES CLASSIQUES, Abbé Prévost, Manon Lescaut
© Bordas/SEJER, 2022 – ISBN 978-2-04-733910-7
1
nombreuses répétitions des termes « un » et « seul » dans l’extrait.
Paradoxalement, le véritable
courage est sans doute d’être un des seuls à refuser la guerre et le patriotisme qui conduisent à une
mort absurde.
C’est ce que démontre progressivement le propos de Bardamu.
L’argumentation du
personnage est en effet persuasive : la ponctuation expressive, avec les exclamatives des lignes 8-12,
et les aposiopèses des lignes 16-18, trahissent l’émotion d’un homme qui a été confronté à la mort.
De plus, sa parole est convaincante : par l’accumulation de questions rhétoriques (l.
16 et 18),
Bardamu montre à Lola l’illégitimité et l’absurdité de son discours.
De surcroît, il empêche toute
riposte de son interlocutrice en revendiquant dès la ligne 3 la lâcheté dont elle tente de l’accabler :
son autoportrait est un éloge paradoxal, c’est-à-dire qu’il vante ce qui est généralement considéré
comme un grave défaut.
En souhaitant encore à la ligne 14 que « vivent les fous et les lâches »,
Bardamu propose un mot d’ordre qui sonne comme un paradoxe.
Mais la répétition de la même
expression à peine corrigée est une allusion claire à un fait à un fait historique qui condamne les
agissements des patriotes : si Bardamu demande que « survivent les fous et les lâches », c’est que les
pacifistes et les déserteurs étaient inquiétés voire tués en temps de guerre.
Le personnage exprime
donc un mépris croissant pour le combat et ceux qui le glorifient.
Les soldats sont évoqués de
manière péjorative et triviale, puisqu’ils sont d’abord considérés comme des « crétins » (l.
22), avant
d’être réifiés lorsqu’ils deviennent plus « indifférents » que « le dernier atome [d’un] presse-papier »
ou que « des excréments (l.
19-21).
Ces comparaisons révèlent l’anonymat de ces hommes et donc
l’absurdité de leur sacrifice.
Dans une gradation conclusive, Bardamu prouve qu’« à quelques siècles,
à quelques années et même à quelques heures de distance », personne ne se souvient d’eux et que leur
soi-disant héroïsme est on ne peut plus éphémère.
[Bilan de la partie 1]
L’autoportrait de Bardamu en lâche lui sert à dire son amour de la paix et son horreur de la
guerre.
Les images utilisées sont triviales et la langue est souvent familière : en mêlant au style épique
employé par Lola la parole populaire de Bardamu, le narrateur dénonce, par ce contraste stylistique,
le leurre sur lequel réside la glorification littéraire de la guerre que défendent pourtant la jeune femme
et tout un pan de la....
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