Colombie - 1986-1987: Faiblesse du pouvoir civil
Publié le 13/09/2020
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Pour la première fois depuis que fut signé, en 1957, le pacte inst
aurant le "Front national" en vertu
duquel les deux grandes familles politiques s'entendraient pour alterner
au pouvoir, la Colombie est
gouvernée par une équipe homogène, appartenant au Parti libé
ral.
Après sa victoire écrasante aux
élections législatives de mars et présidentielles de mai 1986,
le Parti conservateur a préféré se ranger
dans une opposition "énergique", attitude qu'il semble regretter puis
qu'il a tenté depuis de récupérer une
partie des charges publiques dont il tirait d'importants bénéfices
.
Le Congrès, composé à près de 80% de terratenientes, s'est f
ixé comme tâche principale d'étudier, sans
que cela n'ait encore débouché sur aucun changement notable, le pr
ojet de réforme agraire - et urbaine -
proposé par le président Virgilio Barco.
Dans ce pays où prè
s de 200 000 propriétaires (sur une
population paysanne de dix millions de personnes, dont trois millions so
nt économiquement actives)
disposent des meilleures terres, d'une surface atteignant parfois des mi
lliers d'hectares, les mouvements
de protestation populaire se multiplient, de plus en plus vigoureux, com
me en témoigne la marche de 25
000 manifestants sur San José del Guiaviare, au sud-est du pays (dé
cembre 1986).
A la structure agraire
injuste, dénoncée par le pape Jean-Paul II lors de sa visite de ju
illet 1986, s'ajoutent d'une part le
manque de crédits et d'aide technique aux petits propriétaires et,
d'autre part, le harcèlement constant
de l'armée contre les paysans et les communautés indigènes dans
certaines régions - les "zones rouges"
où pleuvent les bombardements meurtriers - considérées comme de
s bases ou des refuges pour les
guérilleros.
Guérilla et violence institutionnalisée
Selon un rapport militaire, la guérilla compterait 27 000 membres.
Un
e partie d'entre eux ont intensifié
leurs combats (départements d'Antioquia, Bolivar, Santander, Arauca,
Caldas et Cauca), sous la bannière
de plusieurs organisations regroupées dans la Coordination nationale
de la guérilla (CNG).
La force
principale de cette dernière ne paraît plus être le mouvement 1
9 avril (M-19), affaibli et divisé, mais
l'Armée de libération nationale (ELN, d'inspiration marxiste), l
aquelle a trouvé différents moyens de
financement: enlèvements de personnalités, prises de villages mini
ers, attaques de banques, vols
d'explosifs, opérations sur les mines d'or et surtout sabotages ré
pétés de l'oléoduc de Cano-Limon
(propriété conjointe de la société d'État Ecopetrol, de
la Occidental et de la Shell), ce qui a obligé les
compagnies pétrolières à verser de grosses sommes d'argent.
Est-ce à dire que les efforts de paix entrepris par l'ancien prési
dent Belisario Betancur (1982-1986) ont
complètement échoué? Non, puisque les Forces armées révol
utionnaires de Colombie (FARC, proches du
Parti communiste) continuent de respecter, au milieu d'un âpre dé
bat interne, la trêve qu'elles ont signée,
sans déposer les armes, en mars 1984.
De graves accrochages ont eu li
eu avec l'armée en janvier 1987.
Ils ont obligé le représentant gouvernemental pour la "réconcil
iation, la normalisation et la réhabilitation"
à rencontrer à nouveau les dirigeants des FARC.
Ceux-ci exigent no
tamment des garanties pour la
sécurité des représentants de l'Union patriotique, rassemblemen
t qu'elles ont créé en 1985 avec d'autres
forces, et qui, désormais légal, pourrait gagner de nombreuses mai
ries aux élections municipales de mars
1988.
La seule existence de l'Union patriotique - son candidat à la prés
idence, Jaime Pardo Leal, a obtenu, en
mai 1986, 320 000 voix, soit 4,4% des suffrages, un record pour la gauch
e - est-elle intolérable pour
l'ordre établi? Trois cent cinquante de ses membres ont été ass
assinés, depuis sa fondation, par des
tueurs à gages, au service de certains secteurs militaires alliés
aux groupes d'extrême droite.
Ces derniers
s'en prennent aussi aux dirigeants syndicaux, aux juges, aux étudiant
s, aux hommes politiques, aux
journalistes et, dans leur rage d'abattre tout ce qui dérange, aux ho
mosexuels, aux prostituées, aux
voleurs, aux drogués, etc.
Des milliers de morts, des centaines de di
sparus: c'est précisément à Bogota
que s'est tenu, du 4 au 7 décembre 1986, le premier Colloque internat
ional sur les disparitions forcées.
L'inquiétude grandit, en effet, parmi la population, devant cette "vi
olence institutionnalisée" qui sévit,
alors que les coupables - certains ont été nommément désigné
s par l'ancien procureur de la République,
Carlos Jimenez - restent impunis.
N'a-t-on pas là une preuve de la da
ngereuse faiblesse du pouvoir civil?.
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