Cinéma : "instrument de stupeur" (Grémillon) ou pouvoir de "conférer à tout ce qui existe et à tout ce qui peut être concrétisé en images une modalité d'être privilégiée" (Agel)? Que penser de ces deux assertions?
Publié le 30/06/2020
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« [...] La plupart des pays capitalistes n'ont jamàis sérieusement envisagé « une politique du cinéma ». Dans ces conditions, il était naturel que la destination du cinéma soit déviée dans lé sens d'un simple divertissement disposant de capacités de séduction exceptionnelles et permettant de garantir l'existence d'un réseau industriel fort complexe. Le cinéma, moyen de culture et d'enrichissement spirituel, était voué à s'effacer devant le cinéma-magie ou le cinéma-opium. Les responsables n'avaient plus qu'à tout mettre en uvre pour flatter les besoins inconscients de l'infantilisme collectif: oubli de la vie quotidienne, désir d'évasion, récherche d'une détente et d'une euphorie facile. Ils étaient servis par les conditions matérielles du spectacle: obscurité, grégarisme (1), processus d'identification aux stars, grossissement des sensations, écoulement ininterrompu des images favorable à la passivité. Ces facteurs d'hébétement ont été largement utilisés par la production internationale pour imposer au public une imagerie d'Épinal qui flatte ses instincts les plus grossiers ou sa sentimentalité la plus romanesque. Films d'amour, films érotiques avoués ou déguisés, films de dépaysement, films de cruauté et thrillers (2), et surtout films axés sur l'exhibition d'une vedette, représentent depuis soixante ans les deux tiers de.la production. Ils ont créé une véritable mythologie du cinéma. Ainsi, dans les deux tiers des cas, les conditions de passivité du spectateur moyen, jointes aux conditions commerciales de la production des films, aboutissent à une véritable mystification de la conscience livrée dans un état de non-résistance absolue à ce que le grand cinéaste français Jean Grémillon appelait « un instrument de stupeur ». Hypnose, envoûtement, vide psychologique : les éducateurs et les psychiatres ont multiplié les termes les plus rigoureux pour définir cette intoxication provoquée par la drogue cinématographique. Mais c'est là se limiter à un constat partiel et provisoire, car deux circonstances permettent de modifier sensiblement cette optique par trop pessimiste. Tout d'abord, c'est qu'il reste un tiers de la production mon--diale qui s'inspire d'une indéniable recherche psychologique, esthétique et spiritueUe; en second lieu, c'est qu'une partie notable du public de ciné ma, au moins depuis une dizaine d'années, est passée d'une attitude passive à une attitude vigilante, soumettant les films au criblage d'un esprit critique averti et se souciant d'extraire d'un film tout son coefficient culturel. La filmologie, l'institut des hautes études cinématographiques, la création de plusieurs fédérations de ciné-clubs, l'existence d'un nombre important de publications et de collections consacrées au septième art, l'intégration partielle du cinéma dans les études secondaires, sont autant d'indices d'un mode d'existence nouveau pris par ce phénomène si complexe. Une partie du public a déjà compris que les moyens d'expression exceptionnels dont dispose le cinéma ont pour effet de pouvoir conférer à tout ce qui existe et à tout ce qui peut être concrétisé en images une modalité d'être privilégiée. La technique même du cinéma entre les mains d'artisans amoureux de leur métier élève tous les caractères du créé à leur plus haut point de signification : elle fond dans une harmonie singulière réalisme et poésie, puisque, au moment même où elle capte les reflets ou les échos du monde réel, elle les transpose par l'exercice même de l'enregistrement visuel et sonore sur un autre plan et les dote ainsi d'une existence seconde. On a dit souvent de la poésie qu'elle était au sens chimique du terme un « révélateur » de la réalité; c'est encore bien plus vrai du cinéma. Le simple fait de capter le réel, de l'enfermer dans une caméra, de le projeter sur un écran, que ce soit en noir ou en couleur, en vision normale ou en cinémascope, donne à ce réel une dimension, une consistance et une gamme de prolongements privilégiées. H. et G. AGEL, Précis d'initiation au cinéma, 1957. ...»
« [ •.• ] La �Qoart des �3ug ca�Li3QLgi. »
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