Chine: 1989-1990 - L'élan brisé
Publié le 13/09/2020
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Chine 1989-1990
L'élan brisé
1989, année de vacillement majeur, année coupée en deux à pa
rtir du 4 juin, avec l'écrasement par
l'armée d'un mouvement populaire de contestation des pratiques du ré
gime.
Au moment où l'empire
soviétique commençait à laisser les peuples de l'Europe de l'Es
t libres de démanteler un à un les symboles
hérités de la guerre froide, les étudiants, dont les manifestat
ions, depuis plusieurs semaines, n'avaient
cessé de prendre de l'ampleur et de l'audace, osaient de leur côté
construire sur un lieu (la place Tien
Anmen, à Pékin) et en face d'un portrait (Mao Zedong) hautement
symboliques, leur propre symbole,
puissant et dynamique: une statue géante de la déesse Démocrati
e.
Au moment où le pouvoir sans
partage de nombreux partis communistes s'apprêtait à se dissoudre,
parfois de stupéfiante manière, le
Parti communiste chinois (PCC) revenait, à partir de juin, à des
politiques rigides que l'on avait pu croire
abandonnées depuis une décennie.
Au moment où les économies
des pays à planification centrale
tentaient, par le recours aux méthodes de gestion de l'économie de
marché, de remettre en marche des
systèmes bloqués, le gouvernement de Li Peng rejetait les avancé
es réalisées depuis 1979 en Chine dans
ce domaine.
Ce mouvement de contre-réforme touchait tous les domaines
, propagande comprise,
puisqu'on osait l'appeler, dans la langue de bois retrouvée, le mouve
ment de poursuite de la réforme.
1989 a été par ailleurs l'année d'un échec probablement dé
finitif, à première vue incompréhensible, pour
Deng Xiaoping.
Celui qui fut le guide du pays pendant dix ans, après
avoir survécu à vingt ans
d'opposition aux politiques menées par Mao Zedong (1957-1976), a dû
battre en retraite sur plusieurs
fronts.
Il avait réussi à démanteler l'essentiel du système
maoïste entre 1979 et 1989.
Il avait su, contre
les "conservateurs" du PCC, ouvrir la Chine sur le monde et la sortir de
l'isolement.
Il avait osé renvoyer
les militaires dans leurs casernes.
Il avait engagé une réforme é
conomique qui reposait sur le retour au
marché.
Soudain, quand il a autorisé, en juin, le Parti et le gouv
ernement à faire marcher les chars sur la
foule, il a réendossé le manteau usé du vétéran borné
de la Longue marche (1934-1935), du communiste
brutal qui réprima les intellectuels lors de la période des Cent F
leurs (1956-1957).
Lui, le contestataire
des méthodes maoïstes, devint le premier artisan de leur retour.
Les raisons de ce revirement personnel, qui rencontrait les souhaits ard
ents de la fraction dite
"conservatrice" du PCC, sont difficiles à connaître.
Dire, comme c
ertains analystes, qu'il était prêt à tout
renier pour rester accroché, lui et son clan, au pouvoir, n'épuise
pas la question.
Qu'il ait utilisé, une fois
de plus, non pas les seuls réflexes des autocrates communistes, mais
surtout peut-être les antiques
traditions despotiques de la Chine d'empire n'est certainement pas faux.
On a pu en voir le signe dans la
solennité donnée, après le mois de juin, aux célébrations
du 2 500e anniversaire de Confucius, "le Grand
Sage dont a hérité la tradition nationale".
Ce maître Kong, pou
rtant, a été dénoncé dès le 4 mai 1919 ("A
bas la boutique de Confucius"), lors du premier mouvement symbolique de
protestation étudiante,
comme le grand responsable du conservatisme.
Ce Kong fuze, vivant au VIe
siècle avant notre ère,
soumis encore en 1974 à un cocasse mouvement de critique associé a
u "maréchal-traître" Lin Biao (1907-
1971), redevenait, pour les besoins de la répression contre le mouve
ment démocratique, le héros
fondateur des "valeurs chinoises": autorité, ordre, étude, traditi
on.
Cette répression et la politique suivie par la suite ont entraîné
une considérable perte de prestige de la
Chine dans l'ensemble du monde, d'autant plus visible que les soubre-sau
ts libérateurs de l'Europe de
l'Est faisaient apparaître plus rétrogrades les méthodes de Pé
kin.
La séduction qu'avait exercée sur le
monde le projet de marche triomphale vers l'an 2000 d'un ensemble de plu
s d'un milliard d'hommes
devenait brutalement problématique.
Sur un fond de mesures d'austérité, déclenchées en septembre
1988, de corruption qui s'est
progressivement élargie pendant une décennie et de lutte vaine con
tre l'inflation, l'année économique
1989 se divise elle aussi en deux parties pour ce qui concerne les polit
iques menées.
Tout le monde
admet, y compris les adversaires du régime, que la croissance déce
nnale de l'économie a été trop rapide.
La "surchauffe" était parfaitement compréhensible.
Privés penda
nt des décennies de toute liberté
d'action, les différents acteurs économiques ont révélé à
partir de 1979, lorsque fut engagé le processus
de réforme économique, une légitime boulimie de développemen
t..
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