Chili: 1986-1987
Publié le 13/09/2020
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La visite du pape Jean-Paul II au Chili, du 1er au 6 avril 1987, a dé
çu les immenses espoirs de la
population, toujours soumise à la dictature du général Augusto
Pinochet.
Les 500 000 personnes
rassemblées au parc O'Higgins ont eu droit aux gaz lacrymogènes et
aux charges des pacos (carabiniers)
alors que le souverain pontife, imperturbable, poursuivait sa messe.
Les
habitants des poblaciones,
quartiers pauvres à la périphérie de la capitale, ont dû ran
ger les pancartes qui suppliaient Jean-Paul II:
"Emmène le tyran avec toi." Certes, le Vicariat de la solidarité,
organisme humanitaire dépendant de
l'archevêché, s'est vu encourager dans son rôle, mais le gén
éral-président a pu aussi se prévaloir de la
bénédiction papale.
Au total, cette visite ambiguë a surtout co
nfirmé qu'il y avait bien deux Chili.
Et qu'ils
n'attendaient pas le même pape.
Pinochet est resté maître de la situation, et a poursuivi la polit
ique de la carotte et du bâton.
Quelques
milliers d'exilés ont eu la possibilité de rentrer au pays.
Les pa
rtis politiques, "à l'exception de ceux qui
professent des idéologies totalitaires basées sur la lutte des cla
sses", ont été autorisés à avoir pignon sur
rue.
Les Chiliens ont été invités à s'inscrire sur de nouvea
ux registres électoraux, les anciens ayant été
détruits après le renversement de Salvador Allende en 1973.
Les re
vues d'opposition (Apsi, Analisis,
Cause, Fortin Mapocho, Hoy...) ont retrouvé les faveurs des kiosques
sans perdre leur tonalité critique,
tandis que le quotidien La Epoca, lancé en mars 1987 avec le soutien
de la démocratie chrétienne,
contestait le monopole de fait du très conservateur Mercurio.
Le régime n'a pas pour autant renoncé à intimider ses détrac
teurs.
Les procureurs militaires ad hoc,
accaparant l'essentiel du pouvoir judiciaire, ont inculpé plusieurs r
eprésentants des secteurs progressistes
en utilisant - rien de moins - la législation antiterroriste.
Clodomi
ro Almeyda, dirigeant socialiste et ex-
vice-président de la République, revenu au Chili le 24 mars 1987,
a été relégué dans le sud du pays.
Plus
grave, deux adolescents, Rodrigo Rojas et Carmen Quintana, qui participa
ient à une manifestation le 1er
juillet 1986, ont été aspergés d'essence par des soldats et gra
vement brûlés.
Le premier est mort des
suites de ses blessures.
Un groupe paramilitaire a revendiqué le 12 s
eptembre 1986 l'assassinat de quatre
militants de gauche, parmi lesquels José Carrasco, journaliste à l
a revue Analisis.
La découverte, à la fin juillet 1986, d'imposantes caches d'armes
du Front patriotique Manuel Rodriguez
(FPMR, lié au Parti communiste), et l'attentat manqué de cette o
rganisation contre le général Pinochet, le
7 septembre 1986, ont illustré la persistance de plusieurs stratég
ies dans l'opposition.
Sa fraction
modérée prônait le combat politique contre le régime et tent
ait de mettre sur pied un mouvement en
faveur d'élections libres, tandis que le PC maintenait deux fers au f
eu en avalisant "toutes les formes de
lutte contre la dictature".
Au plan économique, le gouvernement a renoué avec la croissance (
+5% en 1986) et a pu rééchelonner
une partie de la dette extérieure qui s'élevait à 22 milliards
de dollars.
Les opérations de privatisation se
sont poursuivies et ont atteint le secteur éducatif.
Coût social a
ttendu: licenciement de plusieurs milliers
d'enseignants.
En février 1987, le capitaine Armando Fernandez, dont Washington a fa
cilité la sortie du Chili, a fait de
nouvelles révélations sur l'assassinat en 1976 de l'ancien ministr
e des Affaires étrangères de l'Unité
populaire.
Orlando Letelier, alors en exil aux États-Unis.
"Le meurtr
e", a déclaré le repenti, "a été couvert
par des officiers chiliens de haut rang." Le Département d'État am
éricain n'excluait pas une demande
d'extradition des criminels impliqués.
Les États-Unis pourraient u
tiliser cet "argument" pour dissuader le
général-président de solliciter un nouveau mandat lors de la pr
ochaine échéance de 1989.
Mais Augusto
Pinochet, au pouvoir depuis quatorze ans, se révèle plus difficile
à déloger qu'à installer..
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