Chateaubriand (Mémoires d'outre-tombe, première partie, livre troisième, I.). Commentaire
Publié le 19/12/2021
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«
En 1817, Chateaubriand connaît une période de déboires politiques et de gêne.
Un soir
d'été, au cours d'une promenade à la campagne, il est brusquement envahi par le
souvenir de sa jeunesse, qui le ramènera à la rédaction des Mémoires d'outre-tombe
interrompue depuis trois ans.
Je fus tiré de mes réflexions par le gazouillement d'une grive perchée sur la
plus haute branche d'un bouleau.
A l'instant, ce son magique fit reparaître à
mes yeux le domaine paternel.
J'oubliais les catastrophes dont je venais d'être
le témoin, et, transporté subitement dans le passé, je revis ces campagnes où
j'entendis si souvent siffler la grive.
Quand je l'écoutais alors, j'étais triste de
même qu'aujourd'hui ; mais cette première tristesse était celle qui naît d'un
désir vague de bonheur, lorsqu'on est sans expérience ; la tristesse que
j'éprouve actuellement vient de la connaissance des choses appréciées et
jugées.
Le chant de l'oiseau dans les bois de Combourg m'entretenait d'une
félicité que je croyais atteindre; le même chant dans le parc de Montboissier me
rappelait des jours perdus à la poursuite de cette félicité insaisissable.
Je n'ai
plus rien à apprendre, j'ai marché plus vite qu'un autre, et j'ai fait le tour de la
vie.
Les heures fuient et m'entraînent; je n'ai même pas la certitude de pouvoir
achever ces Mémoires.
Dans combien de lieux ai-je déjà commencé à les écrire,
et dans quel lieu les finirai-je ? Combien de temps me promènerai-je au bord
des bois ? Mettons à profit le peu d'instants qui me restent ; hâtons-nous de
peindre ma jeunesse tandis que j'y touche encore : le navigateur, abandonnant
pour jamais un rivage enchanté, écrit son journal à la vue de la terre qui
s'éloigne et qui va bientôt, disparaître.
Chateaubriand (Mémoires d'outre-tombe, première partie, livre troisième, I.)
Lorsqu'il écrivit les Mémoires d'outre-tombe, Chateaubriand y consacra une grande partie
de sa vie.
Entraîné parfois dans les bouleversements de la vie politique, il interrompit
cette rédaction pendant une assez longue durée.
C'est ainsi qu'en 1817, après un arrêt
de trois ans, il entreprit de rédiger le troisième livre de la première partie, en expliquant,
en quelques lignes, ce qui l'avait amené à reprendre son travail.
C'est, nous dit-il, une promenade dans un parc et le chant d'un certain oiseau qui lui
remirent en mémoire le cadre familier de son enfance.
Ainsi, bien avant la théorie de
Baudelaire sur « les correspondances », il associe déjà un son, le chant d'une grive, à
une image, les bois de Combourg.
Cette connaissance également du cri des différentes
espèces d'oiseaux nous rappelle aussi combien Chateaubriand aimait à se promener dans
le parc, combien il était sensible à tous les bruits, à toutes les musiques de la nature.
Mais pour lui, Combourg, c'est avant tout le «domaine paternel».
Son père a produit sur
lui une très forte impression car, au château, tout vivait sous la domination de cet
homme austère, étrange.
L'écrivain est bientôt envahi par ses souvenirs comme si
l'oiseau, tel un magicien, lui avait fait faire un voyage dans le temps et l'espace, et il
oublie soudain les épreuves difficiles qu'il vient de subir, il oublie ses déboires dans la vie
politique, où il pensait jouer un rôle important et où il n'a trouvé que déceptions.
Il se
revoit, jeune, dans ses courses errantes sur les landes bretonnes, il se souvient des
sentiments qu'il éprouvait alors.
Lorsqu'il évoque «cette première tristesse...
qui naît
d'un désir vague de bonheur...
», il songe certainement aux personnages de rêve qu'il
avait créés, à la Sylphide à la fois s œur, maîtresse et muse...
De nombreux poètes, au
cours du siècle, reprendront cette même idée :
Je fais souvent le rêve étrange et pénétrant D'une femme inconnue et que j'aime et qui
m'aime Et qui n'est chaque fois ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre et m'aime
et me comprend.
Et il compare cet état d'âme d'autrefois à celui d'aujourd'hui.
L'expérience de la vie ne lui
a pas apporté le bonheur, la félicité dont il rêvait au temps de sa jeunesse ardente et
ambitieuse, et qu'il cherche encore maintenant.
Plus tard, Lamartine, dans une situation.
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