charle 8
Publié le 22/05/2020
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«
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Préface
àl’édition 2011 duCamp desSaints
Le
Camp desSaints a
été écrit en1971 et1972 àBoulouris, dansunemonumentale villadestyle anglo-balnéaire finXIX e
siècle, hautement baptiséeLeCastelet, quim’avait étéprêtée, aubord delaMéditerranée, avecplage étroite etbancs de
rochers.
Delabibliothèque oùjetravaillais, onnevoyait, àcent quatre-vingts degrés,quelamer etlegrand large,sibien
qu’un matin, leregard perduauloin, jeme dis : « Ets’ils arrivaient ? »Je nesavais pasquiétaient ces ils, mais
ilm’avait
paru inéluctable quelesinnombrables déshéritésduSud, àla façon d’unrazdemarée, allaient unjour semettre enroute
vers cerivage opulent, frontière ouvertedenos pays heureux.
C’estainsiquetout acommencé.
Je n’avais aucunplanetpas lamoindre idéedelafaçon dontleschoses sepasseraient, nides personnages quiallaient
peupler monrécit.
Jem’interrompais lesoir sans savoir cequ’il adviendrait lelendemain, etlelendemain, àma grande
surprise, moncrayon courait sansentraves surlepapier.
Ilen serait demême jusqu’au terme.Siun livre mefutunjour
inspiré, c’estcelui-là.
Un signe, desannées plustard, vintcorroborer cetteimpression.
Dans lanuit du20février 2001,uncargo nonidentifié, chargéd’unmillier d’émigrants kurdes,s’échoua volontairement,
de toute lavitesse deses vieilles machines, surunamas derochers émergés reliésàla terre ferme, etprécisément à...
Boulouris, àune cinquantaine demètres duCastelet ! Cettepointe rocheuse, j’allaisynager parbeau temps.
Ellefaisait
partie demon paysage.
Certes,ilsn’étaient pasunmillion, ainsiquejeles avais imaginés, àbord d’une armada horsd’âge,
mais ilsn’en avaient pasmoins débarqué chezmoi,enplein décor du Camp
desSaints, pour
yjouer l’acte I !Le rapport
radio del’hélicoptère delagendarmerie àl’aube du21février diffusé parl’AFP semble extrait,motpour mot,destrois
premiers paragraphes dulivre.
Lapresse souligna lacoïncidence, laquelleapparut, àcertains, etàmoi, comme nerelevant
pas duseul hasard...
Ce livre estparu enjanvier 1973.
À quarante-huit ans,jen’avais publiéquedesrécits devoyage oud’exploration, desnouvelles, unesérie dechroniques et
de reportages dans Le
Figaro, et
deux romans dejeunesse viteoubliés sedéroulant auPérou etau Japon : pasdequoi
prétendre àune notoriété danslesanctuaire ger-mano-pratin, queparailleurs jefréquentais peu.Cefut l’éditeur quis’en
chargea, etavec luitoute lapuissance desamaison.
RobertLaffont pritcontact, personnellement, avectousleslibraires
importants deFrance.
C’était son livre.
Ille connaissait aussibienques’ill’avait écritlui-même.
Tenantàson habitude
table ouverte dansunbistrot italiendelarue des Canettes, cethomme réservé, quiparlait peu,d’une voixneutre, en
laissant tomberlaconversation, sortaitsoudain desacoquille et,avec uneverve denéophyte, racontait Le
Camp desSaints
à
ses invités.
Ils’employa mêmecourageusement àconvaincre, d’ailleurssanssuccès, laredoutée papessedespages
littéraires dujournal Le
Monde.
À
sa façon, c’était ungrand naïf,Robert Laffont...
On pariait surunbest-seller.
Auprintemps, ondéchanta.
Danslapresse dedroite, unmaigre concert, avecfausses notes.
L’Aurore et
le Quotidien
dumédecin s’en
tirèrent parune interview, cequi dispensait leurschroniqueurs des’engager.
Valeurs
actuelles (Paul
Vandromme) et Minute (Jean
Bourdier), quiétait alors unhebdo trèslu,nemanquèrent pasde
courage, sansoublier lespetits, lessans-grades, comme Aspect
delaFrance ou Rivarol.
Quant
àl’omniprésent Figaro, où
j’écrivais régulièrement etoù j’écris encore detemps àautre, ilm’éreinta, parlaplume
préhumanitaire etarchéoconsensuelle deClaudine Jardin.Unrenfort détonnant, cependant, ettout àfait inattendu enplein
virement debord postconciliaire : celuidedeux jésuites depoids, lepère Lucien Guissard dans La
Croix et
lepère Pirard
dans La
Libre Belgique...
Du
côté desgrands quotidiens deprovince, drapésdansleurneutralité orientée,pasune ligne,
pas unécho, àl’exception notabledu Progrès
deLyon, qui
salua dansunemême charrette Le
Camp desSaints et Les
Écuries del’Occident, de
Jean Cau.
Jeme sens bienseuldepuis queJean Cauestmort...
Et pour fermer leban, lapresse degauche, majoritaire, Le
Monde et L’Observateur en
tête, elledemeura muette.Trente-
sept ansetvingt-cinq livresplustard, ellel’est toujours –liste noire –,sans pour autant s’êtreprivée defaire savoir durant
toutes cesannées combien l’auteurdu Camp
desSaints était
odieux etinfréquentable.
Jeconsidère celacomme un
honneur, etmieux, àla longue, jen’en suispassorti perdant !
Au total, en1973 : untirage de20 000 exemplaires, dont15 000 trouvèrent preneurs.RobertLaffont écrivitsobrement :
« Un grand roman, surungrand sujet,quin’apas trouvé l’adhésion detout lemonde... » Findepartie ? Pasdutout.
Un
début.
C’est auxÉtats-Unis que,deux ansplus tard, retentit leclairon delareprise : l’éditeur CharlesScribner, unesorte de
Gallimard américain, publia The
Camp ofthe Saints en
1975.
Ilm’envoya unbillet d’avion pourvenir rencontrer àNew
York letraducteur, professeurNormanShapiro, àpropos demots ettournures dephrases quipouvaient prêteràconfusion.
Je n’ai nullement senti,chezl’unouchez l’autre, lamoindre réticence àl’égard duthème decelivre, etnotamment chez
Shapiro, quin’était pasunhomme dedroite.
Ce futunsuccès depresse etde vente, suividediverses réimpressions etdu T.S.Eliot Award quimefutdécerné àChicago
en 1997.
Ronald Reagan etSamuel Huntington
{1} furent
parmisesnotables lecteurs.
JeffreyHart,professeur àPrinceton, chroniqueur etcélèbre columnist américain,
écrivit : « Raspail
isnot writing aboutrace,heiswriting aboutcivilization... ».
»
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