Chapitre 4 : La liberté « La liberté comme fait démontrable et la politique coïncident et son relatives l’une à l’autre comme deux côtés d’une même chose.
Publié le 08/12/2021
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Chapitre 4 : La liberté
« La liberté comme fait démontrable et la politique coïncident et son relatives
l’une à l’autre comme deux côtés d’une même chose. »
Hannah Arendt
« La liberté n'est ni un droit, ni une condition permanente, ni un état provisoire, mais un problème
qui demande sans cesse de nouvelles solutions. »
Maxime Rovere
INTRODUCTION ............................................................................................................................................................. 1
I.
LIBERTE ET DETERMINISME............................................................................................................................ 2
A.
1)
2)
3)
4)
5)
B.
II.
LIBERTE ET NATURE : COMMENT PENSER LA LIBERTE ? .................................................................................................. 2
La nature et la liberté semble s’opposer ...................................................................................................... 2
De la nature à la liberté : l’espace et le temps ............................................................................................. 3
Les catégories de l’entendement.................................................................................................................. 4
L’antinomie de la liberté............................................................................................................................... 4
La loi morale nous rend libres ...................................................................................................................... 5
LA LIBERTE N’EST-ELLE QU’UNE ILLUSION ? (SPINOZA) .................................................................................................. 6
LA LOI FAVORISE-T-ELLE OU RESTREINT-ELLE LA LIBERTE ? ............................................................................ 7
A.
B.
III.
A.
B.
C.
IV.
A.
B.
POUR HOBBES, LA LOI EST UNE LIMITATION DE LA LIBERTE ............................................................................................. 7
POUR ROUSSEAU, POINT DE LIBERTE SANS LOIS ........................................................................................................... 7
LIBERTE ET VOLONTE ..................................................................................................................................... 8
SOMMES-NOUS LIBRES DE VOULOIR ?........................................................................................................................ 8
DESCARTES ET L’INDIFFERENCE ................................................................................................................................. 8
BERGSON : « LA VRAIE LIBERTE EST CREATION. » ......................................................................................................... 9
PEUT-ON ETRE LIBRE ? ................................................................................................................................. 10
POUR SARTRE, NOUS SOMMES CONDAMNES A ETRE LIBRE ........................................................................................... 10
LA LIBERTE EST INDISSOCIABLE DU POLITIQUE ............................................................................................................ 10
Pour ce chapitre, Lire l’existentialisme est humanisme de Sartre
Introduction
Définitions :
? Qu’est-ce que la liberté ? La définition la plus générale et la plus immédiate qu’on peut en donner
est sans doute l’absence de contrainte. Est libre ce qui ne subit pas de contrainte et n’est pas
empêché dans son action.
? Ma liberté – ou ma non-liberté – se définit d’abord par rapport à celle des autres. C’est d’ailleurs ce
que manifeste le sens originel de mot liberté : être libre (du latin liber) a d’abord signifié ne pas être
esclave (du latin servus).
Problèmes :
? Liberté et mobilité : La première liberté, c’est la possibilité de se déplacer. Un mouvement est libre
s’il n’est ni contraint ni s’il se heurte à des obstacles extérieurs.
? Liberté et société : « Ma liberté s’arrête où commence celle des autres » : cette formule pose le
problème de la coexistence des libertés plus qu’elle ne le résout. Car où commence la liberté des
uns et où finit celle des autres ? Qui peut poser la frontière entre ma liberté et celle d’autrui ?
Comment protéger la liberté des uns sans restreindre celles des autres ?
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? Objections : si les hommes faisaient toujours ce qu’ils doivent faire, il n’y aurait pas besoin de
lois. La loi contient donc en elle-même la possibilité de sa transgression et nécessite le recours
à la force.
? Choix et liberté : La liberté est-ce décider librement ? La liberté se réduit-elle à la spontanéité ?
Celle-ci ne peut-elle pas être mécanique ? N’es-ce pas dans l’expérience du choix que se découvre la
liberté ?
? Choisir, c’est donc juger entre plusieurs possibilités laquelle est la meilleure. Pourtant, être
libre, c’est non seulement juger, mais encore agir. Là encore, la liberté ne va pas de soi. Car il
n’est pas rare d’avoir à
? constater son impuissance ou l’insuffisance de sa volonté pour réaliser
? ce que l’on a pourtant jugé être le meilleur.
? Liberté et déterminisme : Affirmer que nous sommes – comme partie de la nature – soumis au
déterminisme ne nous condamne donc pas à l’inaction, bien au contraire. Le déterminisme ne se
confond pas avec le fatalisme. Le fatalisme est une doctrine d’après laquelle l’ensemble des
événements est soumis au destin ou fatum, selon une nécessité absolue. Quoiqu’on fasse, ce qui
devait arriver arrivera, conformément à ce qui a été écrit ou prédit (le fatum -du latin fan, qui
signifie parler – c’est, étymologiquement, ce qui a été dit). Il engendre donc une attitude de
soumission. Le déterminisme pose au contraire qu’à tout effet peut être assigné une cause, les
mêmes causes produisant les mêmes effets.Il faut distinguer cependant le déterminisme comme
principe épistémologique et le déterminisme comme principe métaphysique :
? Le déterminisme, entendu comme principe épistémologique, s’applique aux sciences exactes,
qui formulent des lois universelles et postule que l’ensemble des phénomènes naturels y est
soumis. La nature est, en droit, prévisible, parce qu’elle est toute entière ordonnée à des
régularités strictes, qu’elles soient de nature physique ou simplement statistique.
? Le déterminisme, entendu comme principe métaphysique, pose que tout effet résulte d’une
cause, qui est elle-même l’effet d’une autre cause qui l’a précédée. Un tel déterminisme est
incompatible avec la liberté, puisqu’il affirme que l’effet – par exemple, tel acte, telle décision –
dépend d’une cause antécédente qui échappe par conséquent à toute action.
Le concept de liberté comme absence d’entrave est un concept simple, clair, naturel. La liberté a
d’ailleurs été d’abord comprise en ce sens, comme une propriété observable, portant sur les actions
humaines, et liée à chaque système politique. Mais le concept de liberté a été ensuite déplacé pour
s’appliquer non plus aux actions mais à la volonté elle-même, à l’intériorité humaine. D’un concept
politique de la liberté, on a voulu faire un concept métaphysique.
I.
Liberté et déterminisme
A. Liberté et nature : Comment penser la liberté ?
1) La nature et la liberté semble s’opposer
La physique du XVIIe siècle a imposé la représentation d’une nature dépourvue de significations, de fins
ou de valeurs. La nature n’est plus qu’un ensemble de forces physiques calculables, et les phénomènes
naturels doivent tous s’expliquer en respectant strictement le principe de causalité. On pourrait
formuler le principe de causalité de la manière suivante : « tout ce qui arrive (tout événement, au sens
le plus large du terme) dépend d’une cause qui le précède dans le temps et qui suffit à le déterminer
intégralement ».
Donc tout événement est un effet entièrement déterminé par sa cause, et donc entièrement explicable
par elle. Dire qu’il est entièrement explicable ne veut pas dire que l’homme peut effectivement
l’expliquer ; cela veut dire qu’en droit il est intégralement explicable, et qu’un jour peut-être les progrès
de la science permettront de l’expliquer effectivement. Ainsi, on peut comparer la nature à une machine
: dans une machine, tous les mouvements des différentes pièces ont été calculés, les pièces n’ont
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aucune liberté, leur mouvement est mécaniquement déterminé par l’ensemble du système de forces
physiques qui s’exercent sur elles. Cette comparaison de la nature avec une machine, très fréquente au
XVIIe siècle et même bien après, explique le mot « mécanisme » que l’on emploie souvent pour désigner
la physique de Galilée, de Descartes ou de Newton. Les lois de la nature sont aussi strictes que les lois
mécaniques, tout événement naturel est aussi rigoureusement déterminé que les mouvements des
rouages d’une montre ou d’un métier à tisser.
Mais si la nature n’est qu’une machine, les êtres naturels vont donc être eux aussi soumis aux lois
mécaniques. C’est ainsi que Descartes comparera les animaux à des machines (des machines très
complexes fabriquées par Dieu). Même très complexe, une machine est intégralement déterminée par
son schéma technique, elle fonctionne comme il a été prévu.
Un exemple d'explication mécaniste : la propagation d'un message nerveux
Le réflexe myotatique est le mécanisme principal qui permet le maintien de la posture debout. Sans lui en
effet, nous ne pourrions tenir debout car nous nous écroulerions, à cause de la pesanteur, sous notre propre
poids. Cet exemple permet de défendre une conception strictement mécaniste du vivant. En effet, le réflexe
myotatique est l'expression d'un fonctionnement coordonné de différentes structures : les fuseaux
neuromusculaires, Les neurones sensitifs, les neurones moteurs
? Le système fonctionne donc ainsi : étirement du muscle → envoi d'un message nerveux afférent
jusqu'à la moelle épinière → envoi d'un message nerveux efférent vers le muscle → contraction du
muscle + relâchement du muscle antagoniste.
Il s'agit bien là d'une explication purement mécanique, faisant intervenir une causalité parfaitement
déterminée.
En conséquence, les philosophes sont embarrassés avec la question de la liberté humaine, à laquelle ils
n’entendent pas renoncer. Comment penser la liberté humaine dans une nature entièrement
mécanique ? N’y a-t-il pas contradiction à poser que tout événement dans la nature dépend de causes
antérieures, mais que l’homme a néanmoins la faculté de se décider librement par lui-même ? Cette
question n’a pas seulement une dimension « théorique » ou spéculative ; elle a aussi une dimension
morale et juridique. Si les actions humaines étaient aussi strictement déterminées que le mouvement
d’une machine, quel sens y aurait-il à interdire certaines actions (le mensonge par exemple), quel sens y
aurait-il à punir les délits et les crimes ? Si un homme ment ou vole non par le libre choix de sa volonté,
mais par le jeu mécanique de forces naturelles, il n’y a plus de sens à le réprimander ni à le punir. L’idée
de responsabilité morale et de responsabilité juridique suppose la liberté humaine, le mécanisme
naturel la combat. Tel est le redoutable problème que Kant, notamment, va aborder dans ses trois
grands livres, la Critique de la raison pure, la Critique de la raison pratique, la Critique de la faculté de
juger.
2) De la nature à la liberté : l’espace et le temps
La première idée révolutionnaire de Kant est que l’espace n’est pas une réalité objective.
L’espace n’est pas une chose (comme un caillou ou un arbre, par exemple), mais une simple forme. Cela
veut dire que l’espace précède, dans mon esprit, l’expérience que j’ai des objets. Avant même de
rencontrer un objet, je sais qu’il est spatial. Ainsi l’espace n’est pas rencontré dans l’expérience – on ne
rencontre jamais l’espace mais toujours des choses dans l’espace. Ces arguments amènent Kant à définir
l’espace comme une « forme a priori de notre sensibilité ». La sensibilité, c’est la capacité humaine à
recevoir des sensations, des impressions sensibles. L’homme est un être d’abord sensible, un être qui
reçoit des impressions de l’extérieur. Or toutes ces sensations sont situées dans l’espace
La deuxième idée révolutionnaire de Kant : si l’espace n’est pas un objet extérieur mais une simple
forme, c’est qu’il vient de l’esprit humain, et donc de la sensibilité humaine.
La spatialité n’est pas dans les choses en elles-mêmes, mais dans la sensibilité humaine. Ainsi l’espace
est une forme de la sensibilité (une forme que la sensibilité humaine impose aux choses), et une forme a
priori, c’est-à-dire une forme qui précède l’expérience.
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Kant emploie même le mot de « transcendantal » : est transcendantal pour Kant ce qui précède
l’expérience et la rend possible. L’espace est transcendantal parce qu’il précède l’expérience (il est une
forme de la sensibilité humaine) et qu’il la rend possible (nous ne pouvons même pas imaginer un objet
extérieur non-spatial).
3) Les catégories de l’entendement
La sensibilité n’est pas la seule faculté humaine qui est nécessaire à l’expérience. Il faut unifier ces
sensations, et l’unification est l’opération de l’entendement (il faut bien dire « entendement » et non
pas « raison », car ce dernier mot a un autre sens chez Kant). Cette unification des sensations se fait par
le moyen de ce que Kant appelle des catégories : les catégories sont les concepts les plus généraux et les
plus importants de l’entendement humain. Ce sont par exemple les catégories d’unité, de totalité, de
cause et d’effet, etc. Kant pense que ces catégories sont elles aussi a priori (elles ne dépendent pas de
l’expérience) et même transcendantales (elles organisent l’expérience humaine, sans elles il n’y aurait
pas d’expérience : tout objet par exemple nous apparaît comme « un », comme unifié).
D’où la troisième idée révolutionnaire de Kant : les objets dépendent de la structure de l’esprit
humain.
De même que la sensibilité imposait ses formes (l’espace et le temps) aux impressions sensibles, de
même l’entendement impose ses catégories (l’unité, la causalité) aux impressions pour les constituer en
objets reliés entre eux dans une expérience cohérente. La sensibilité reçoit les impressions, mais
l’entendement les organise activement en objets et en expérience. C’est cet objet sensible et organisé
selon les catégories que Kant appelle un phénomène.
? Le phénomène s’oppose à la chose en soi (la chose telle qu’elle est en elle-même), le
phénomène c’est la chose telle qu’elle se présente aux hommes (spatio-temporelle, prise dans
des réseaux de causalité, etc.).
Les phénomènes, pris tous ensemble, forment la nature. La nature, c’est l’ensemble des phénomènes.
La nature n’est donc plus (comme dans la conception courante) entièrement hors de nous, puisque nous
l’organisons a priori et de façon transcendantale. Il y a dans la nature des structures qui dépendent de
l’esprit humain : l’espace et le temps (forme de tous les objets sensibles), la causalité, etc. Le principe de
causalité est pour ainsi dire « imposé » à la nature par l’esprit humain. Cette pensée paraît très étrange,
et pourtant Kant y insiste avec beaucoup de force. Cette idée est d’ailleurs logique, vu ce qui précède : si
le temps est une forme de la sensibilité humaine, alors la causalité est aussi une forme de
l’entendement humain, car il ne peut y avoir de causalité qu’entre deux événements successifs. Un Dieu
qui verrait d’un seul coup d’œil la totalité de l’histoire humaine n’aurait pas besoin du concept de
causalité (qui suppose la succession).
Il faut retenir deux choses essentielles pour la problématique kantienne du rapport entre la nature et la
liberté :
? tous les événements naturels sont reliés par une causalité stricte, sans exception (c’est la
reprise, dans le système kantien, de l’idée classique du déterminisme mécanique dont nous
avons déjà parlé) ;
? mais les événements naturels et les objets de l’expérience ne sont que des phénomènes (dont
la structure dépend de l’esprit humain) et non des choses en soi.
La question est désormais de savoir si la liberté est possible sachant que tout phénomène a une cause
qui détermine ces derniers. Quelle serait alors la cause initiale ?
4) L’antinomie de la liberté
L’antinomie se présente comme l’affrontement de deux propositions opposées, dont l’une s’appelle
thèse et l’autre antithèse.
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? Thèse : « La causalité selon les lois de la nature n’est pas la seule dont puissent être dérivés tous
les phénomènes du monde. Il est encore nécessaire d’admettre une causalité libre pour
l’explication de ces phénomènes. »
? Antithèse : « Il n’y a pas de liberté, mais tout arrive dans le monde uniquement suivant des lois
de la nature. »
La contradiction est totale : la thèse soutient qu’il y a de la liberté dans la nature, et l’antithèse
soutient qu’il n’y en a pas.
« Si donc tout arrive suivant les simples lois de la nature, il n’y a toujours qu’un commencement subalterne,
mais jamais un premier commencement, et par conséquent, en général, aucune intégralité de la série du côté
des causes dérivant les unes des autres. Or, la loi de la nature consiste en ce que rien n’arrive sans une cause
suffisamment déterminée a priori. Donc cette proposition : que toute causalité n’est possible que suivant les
lois de la nature, se contredit elle-même dans sa généralité illimitée, et cette causalité ne peut conséquemment
pas être admise comme la seule. D’après cela, il faut admettre une causalité par laquelle quelque chose arrive
sans que la cause y soit déterminée en remontant plus haut par une autre cause antérieure suivant les lois
nécessaires, c’est-à-dire une spontanéité absolue des causes, capable de commencer par elle-même une série
de phénomènes qui se déroulera suivant les lois de la nature, par conséquent, une liberté ».
Emmanuel KANT, Critique de la raison pure
Questions :
1) En quoi le principe de causalité qui stipule que cahque phénomène a une cause se contredit il luimême ?
2) Que montre l’antithèse ?
3) En quoi cette situation nous place devant un nœud gordien ?
4) Quelle solution peut-on trouver à l’antinomie ?
5) La loi morale nous rend libres
Mais Kant ne s’en tient pas là. Sa réflexion le pousse à penser que tout homme éprouve la force du
devoir (ne pas mentir, ne pas tuer, par exemple), même celui qui transgresse son devoir. Or la notion de
devoir suppose la notion de liberté : un être non-libre n’a pas de devoir moral. Un animal n’a pas de
devoir moral, parce qu’il est entièrement conditionné par ses instincts.
? Un tigre n’a pas la liberté de ne pas attaquer, de ne pas tuer, il est donc « innocent », il n’a
aucun devoir, il ne peut pas faire autrement.
Les hommes éprouvent le sentiment du devoir, c’est donc qu’ils sont libres. La loi morale est en effet
une loi de la causalité par liberté (la loi morale nous dit comment nous devons user de notre liberté) ;
l’expérience morale est l’expérience du choix, de la confrontation de nos inclinations personnelles avec
ce que nous commande le devoir. Si nous prenons au sérieux la moralité, nous affirmons par là même
notre liberté.
« Pour lever la contradiction apparente que nous trouvons ici entre le mécanisme de la nature et la liberté
dans une seule et même action, il faut se rappeler ce qui a été dit dans la Critique de la raison pure, ou ce qui
s’ensuit, à savoir que la nécessité naturelle, qui ne peut coexister avec la liberté du sujet, ne s’attache qu’aux
déterminations d’une chose soumise aux conditions du temps, par conséquent seulement aux déterminations
du sujet agissant considéré comme phénomène, et que, sous ce rapport, les principes déterminants de
chacune de ses actions résident en ce qui appartient au temps écoulé et n’est plus en son pouvoir (dans quoi
il faut aussi compter, comme phénomènes, ses actions déjà accomplies ainsi que le caractère qui, à ses
propres yeux, peut lui être attribué d’après ces actions). Mais le même sujet qui, d’un autre côté, a conscience
de lui-même comme d’une chose en soi, considère aussi son existence en tant qu’elle n’est pas soumise à des
conditions de temps, et lui-même, comme pouvant être déterminé seulement par des lois qu’il se donne luimême par sa raison, et, dans cette existence qui est la sienne, il n’y a rien pour lui d’antérieur à la
détermination de sa volonté, mais toute action et en général tout changement de détermination de son
existence qui arrive conformément au sens interne, toute la série même de son existence comme être sensible
ne doivent jamais être considérés dans la conscience de son existence intelligible que comme une
conséquence de sa causalité comme noumène, et nullement comme son principe déterminant. »
Emmanuel KANT, Critique de la raison pure, collection « Quadrige », 2001
Questions :
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1) Récapitulez les deux plans d’existence sur lesquels l’homme vit selon Kant ?
2) Dans quelles situations nous utilisons notre liberté pleinement ?
3) En quoi la science a-t-elle contredit l’approche de Kant ?
Par le principe d’incertitude ou la relation d’incertitude.
Voici la présentation très claire qu’en donne le philosophe et épistémologue Karl Popper : « Toute
mesure physique implique un échange d’énergie entre l’objet mesuré et l’appareil mesurant (lequel peut
être l’observateur lui-même). Un rayon lumineux, par exemple, peut être dirigé sur l’objet et l’appareil de
mesure peut absorber partiellement la lumière répandue reflétée par l’objet. Un tel échange d’énergie
altérera l’état de ce dernier qui sera, après la mesure, différent. La mesure donne donc, en quelque sorte,
connaissance d’un état qui a précisément été détruit par le processus de mesure lui-même. Cette
interférence du processus de mesure et de l’objet mesuré peut être négligé dans le cas d’objets
macroscopiques mais non dans celui d’objets atomiques. Ceux-ci peuvent, en effet, être fortement
modifiés, par une irradiation lumineuse par exemple. Il est donc impossible d’inférer du résultat de sa
mesure l’état exact qu’aura un objet atomique, immédiatement après avoir été mesuré. La mesure ne
peut donc servir de base à des prévisions. Sans doute est-il toujours possible de constater, à l’aide de
nouvelles mesures, l’état de l’objet après la mesure précédente, mais par là le système se trouve de
nouveau en interférence avec la mesure d’une manière impossible à calculer » (Karl Popper, Logique de
la découverte scientifique, Payot, p. 221).
Par le hasard génétique et les erreurs de copies dans la reproduction des cellules. Jacques Monod : «
Nous disons que ces altérations sont accidentelles, qu’elles ont lieu au hasard. Et puisqu’elles constituent
la seule source possible de modifications du texte génétique, seul dépositaire, à son tour des structures
héréditaires de l’organisme, il s’ensuit nécessairement que le hasard seul est à la source de toute
nouveauté, de toute création dans la biosphère. Le hasard pur, le seul hasard, liberté absolue mais
aveugle, à la racine même du prodigieux édifice de l’évolution : cette notion centrale de la biologie
moderne n’est plus aujourd’hui une hypothèse, parmi d’autres possibles ou au moins concevables. Elle
est la seule concevable, comme seule compatible avec les faits d’observation et d’expérience » (Le
Hasard et la Nécessité, Seuil, 1970, p. 127).
B. La liberté n’est-elle qu’une illusion ? (Spinoza)
Pour ma part, je dis que cette chose est libre et agit par la seule nécessité de sa nature, et contrainte cette
chose qui est déterminée par une autre à exister et à agir selon une modalité précise et déterminée. Dieu, par
exemple, existe librement (quoique nécessairement) parce qu’il existe par la seule nécessité de sa nature. De
même encore, Dieu connaît soi-même et toutes choses en toute liberté, parce qu’il découle de la seule
nécessité de sa nature qu’il comprenne toutes choses. Vous voyez donc que je ne situe pas la liberté dans un
libre décret, mais dans une libre nécessité.
Mais venons-en aux choses créées qui, toutes, sont déterminées à exister et à agir selon une manière précise
et déterminée. Pour le comprendre clairement, prenons un exemple très simple. Une pierre
reçoit d’une cause extérieure qui la pousse une certaine quantité de mouvement, par laquelle elle continuera
nécessairement de se mouvoir après l’arrêt de l’impulsion externe. Cette permanence de la
pierre dans son mouvement est une contrainte, non pas parce qu’elle est nécessaire, mais parce qu’elle doit
être définie par l’impulsion de causes externes, et ce qui est vrai de la pierre l’est aussi de tout objet singulier,
quelle qu’en soit la complexité et quel que soit le nombre de ses possibilités : tout objet singulier, en effet, est
nécessairement déterminé par quelque cause extérieure à exister et à agir selon une loi précise et déterminée.
Concevez maintenant, si vous le voulez bien, que la pierre, tandis qu’elle continue de se mouvoir, sache, et
pense qu’elle fait tout l’effort possible pour continuer de se mouvoir. Cette pierre, assurément, puisqu’elle
n’est consciente que de son effort, et qu’elle n’est pas indifférente, croira être libre et ne persévérer dans son
mouvement que par la seule raison qu’elle le désire. Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se
vantent d’avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des
causes qui les déterminent. C’est ainsi qu’un enfant croit désirer librement le lait, et un jeune garçon irrité
vouloir se venger s’il est irrité, mais fuir s’il est craintif. Un ivrogne croit dire par décision libre ce qu’ensuite
il aurait voulu taire. De même un dément, un bavard et de nombreux cas de ce genre croient agir par une
libre décision de leur esprit et non pas portés par une impulsion. Et comme ce préjugé est inné en tous les
hommes, ils ne s’en libèrent pas facilement.
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Spinoza, Lettre à Schuller, trad. R. Misrahi, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », Gallimard, 1954, pp. 12511252.
Questions :
1) En quoi la liberté est une illusion selon Spinoza ?
2) Spinoza soutient que nous sommes libres qu’au moment où nous reconnaissons la nécessité et les
causes qui nous déterminent. Comment comprendre ce paradoxe ?
II.
La loi favorise-t-elle ou restreint-elle la liberté ?
A. Pour Hobbes, la loi est une limitation de la liberté
Nous concevons spontanément la liberté comme la capacité de faire ce qu’on veut, comme le fait de ne
pas être empêché d’agir. Ce sens, le plus simple et le plus naturel, est celui que retient le philosophe
anglais Thomas Hobbes (1588-1679).
Ce texte de Hobbes nous permet donc de préciser notre concept intuitif de liberté, en distinguant la
liberté de la puissance. Être libre ne consiste pas exactement à pouvoir faire tout ce qu’on veut, mais
plutôt à ne pas être empêché de faire ce qu’on peut faire. Ainsi, ne pas pouvoir voler dans le ciel comme
un oiseau ou comprendre les équations d’Einstein n’est pas tant un manque de liberté que de puissance
(physique ou intellectuelle).
Étant donné [...] qu’il n’existe pas au monde de République où l’on ait établi suffisamment de règles pour
présider à toutes les actions et paroles des hommes (car cela serait impossible), il s’ensuit nécessairement que,
dans tous les domaines d’activité que les lois ont passés sous silence, les gens ont la liberté de faire ce que
leur propre raison leur indique comme leur étant le plus profitable. Car si nous prenons la liberté au sens
propre de liberté corporelle, c’est-à-dire de ne pas être enchaîné ni emprisonné, il serait tout à fait absurde,
de la part des hommes, de crier comme ils le font cette liberté dont ils jouissent si manifestement. D’autre
part, si nous entendons par liberté le fait d’être soustrait aux lois, il n’est pas moins absurde de la part des
hommes de réclamer comme ils le font cette liberté qui permettrait à tous les autres hommes de se rendre
maîtres de leurs vies. Et cependant, aussi absurde que ce soit, c’est bien ce qu’ils réclament ; ne sachant pas
que leurs lois sont sans pouvoir pour les protéger s’il n’est pas un glaive entre les mains d’un homme (ou de
plusieurs) pour faire exécuter ces lois. La liberté des sujets ne réside par conséquent que dans les choses que
le souverain, en réglementant les actions des hommes, a passées sous silence, par exemple la liberté
d’acheter, de vendre, et de conclure d’autres contrats les uns avec les autres, de choisir leur résidence, leur
genre de nourriture, leur métier, d’éduquer leurs enfants comme ils le jugent convenable et ainsi de suite.
Thomas Hobbes, Léviathan, 2ème partie, Ch XXI, « De la liberté des sujets ».
Questions :
1) Quelle est la relation entre la loi et la souveraineté suivant la phrase soulignée ?
2) En quoi la loi favorise la liberté ?
B. Pour Rousseau, point de liberté sans lois
On a beau vouloir confondre l’indépendance et la liberté. Ces deux choses sont si différentes que même elles
s’excluent mutuellement. Quand chacun fait ce qu’il lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres, et cela
ne s’appelle pas un État libre. La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à n’être pas soumis à celle
d’autrui, elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d’autrui à la nôtre. Quiconque est maître ne peut
être libre, et régner c’est obéir.
Il n’y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu’un est au-dessus des lois : dans l’état même de nature
l’homme n’est libre qu’à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne
sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n’obéit qu’aux lois et c’est par la force
des lois qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu’on donne dans les républiques au pouvoir des
magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l’enceinte sacrée des lois : ils en sont les
ministres non les arbitres, ils doivent les garder non les enfreindre. Un peuple est libre, quelque forme qu’ait
son gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la loi. En un
mot, la liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain.
Rousseau, Lettres écrites de la montagne - VIII
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Questions :
1) Quelle est la thèse centrale du texte ?
2) En quoi liberté et indépendance sont deux concepts contradictoires ?
3) Comment la relation entre la liberté et loi s’articule chez Rousseau en comparaison à Hobbes ?
III.
Liberté et volonté
A. Sommes-nous libres de vouloir ?
Souviens-toi donc de ceci : si tu crois soumis à ta volonté ce qui est, par nature, esclave d’autrui, si tu crois que
dépende de toi ce qui dépend d’un autre, tu te sentiras entravé, tu gémiras, tu auras l’âme inquiète, tu t’en
prendras aux dieux et aux hommes. Mais si tu penses que seul dépend de toi ce qui dépend de doit, que dépend
d’autrui ce qui réellement dépend d’autrui, tu ne te sentiras jamais contraint à agir, jamais entravé dans ton
action, tu ne t’en prendras à personne, tu n’accuseras personne, tu ne feras aucun acte qui ne soit volontaire ; nul
ne pourra te léser, nul ne sera ton ennemi, car aucun malheur ne pourra t’atteindre.
Epictète, Manuel, I, 1
Homme, tu possèdes par nature une volonté qui ne connaît ni obstacles ni contraintes : voilà ce qui est écrit dans
ces entrailles. Je te le ferai voir d’abord à propos de l’assentiment. Y a-t-il quelqu’un qui puisse t’empêcher
d’adhérer à la vérité ? Personne ; tu vois bien que, en cette matière, ta volonté ne rencontre ni contrainte, ni
obstacle, ni empêchement. Eh bien ! en est-il autrement dans le cas des désirs et des tendances ? Qui peut
vaincre une tendance, sinon une autre tendance ? un désir ou une aversion, sinon un autre désir ou une autre
aversion ? Si l’on me menace de mort, dis-tu, on me contraint ? Ce n’est pas cette menace qui te contraint d’agir,
c’est l’opinion que tel ou tel acte est préférable à la mort ; c’est donc bien encore ton jugement qui t’y oblige ;
c’est la volonté qui oblige la volonté.
Epictète, Entretiens, livre I, chap. 17
Questions :
1) Selon les Stoïciens, pouvons-nous être libres ?
2) Quelle peut être la limite d’une telle théorie ?
B. Descartes et l’indifférence
René Descartes (1596-1650) est un
philosophe de la liberté. Il a toujours
pensé que l’homme était libre : « la
liberté de notre volonté se connaît
sans preuve, par la seule expérience
que nous en avons ». Il y a une
évidence immédiate de la liberté,
que l’on ne peut nier de bonne foi.
L’existence de la liberté humaine ne
souffre aucun doute, mais la
question est celle de sa nature et de
sa puissance.
« L’indifférence me semble signifier proprement l’état dans lequel est la volonté lorsqu’elle n’est pas
poussée d’un côté plutôt que de l’autre par la perception du vrai et du bien ; et c’est en ce sens que je l’ai
prise lorsque j’ai écrit que le plus bas degré de la liberté est celui où nous nous déterminons aux choses pour
lesquelles nous sommes indifférents. Mais peut-être que d’autres entendent par indifférence une faculté
positive de se déterminer pour l’un ou l’autre de deux contraires, c’est-à-dire pour poursuivre ou pour fuir,
pour affirmer ou pour nier. Cette faculté positive, je n’ai pas nié qu’elle fût dans la volonté. Bien plus,
j’estime qu’elle y est, non seulement dans ces actes où elle n’est pas poussée par des raisons évidentes d’un
côté plutôt que de l’autre, mais aussi dans tous les autres ; à ce point que, lorsqu’une raison très évidente
nous porte d’un côté, bien que, moralement parlant, nous ne puissions guère aller à l’opposé, absolument
parlant, néanmoins, nous le pourrions. En effet, il nous est toujours possible de nous retenir de poursuivre
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un bien clairement connu ou d’admettre une vérité évidente, pourvu que nous pensions que c’est un bien
d’affirmer par là notre libre arbitre.
De plus, il faut remarquer que la liberté peut être considérée dans les actions de la volonté avant
l’accomplissement ou pendant l’accomplissement.
[…] Une plus grande liberté consiste en effet ou bien dans une plus grande facilité de se déterminer, ou bien
dans un plus grand usage de cette puissance positive que nous avons de suivre le pire, tout en voyant le
meilleur. Si nous prenons le parti où nous voyons le plus de bien, nous nous déterminons plus facilement ; si
nous suivons le parti contraire, nous usons davantage de cette puissance positive ; ainsi nous pouvons
toujours agir plus librement dans les choses où nous voyons plus de bien que de mal, que dans les choses
appelées par nous indifférentes.
René Descartes, Lettre au Père Mesland du 9 Février 1645, dans Œuvres et lettres,
Gallimard Bibliothèque de la Pléiade p1177-1178, 1970.
Questions :
1) Distinguez les deux définitions que Descartes donne de l’indifférence.
2) Quelles sont les deux formes de liberté que Descartes distingue ?
3) Notre liberté est-elle plus grande lorsque nos sommes inclinés d’un côté plutôt que de l’autre ou
lorsque nous sommes parfaitement indifférent ?
C. Bergson : « La vraie liberté est création. »
La vraie liberté est création. Et d’ailleurs, même le cas simple du choix d’un pull-over n’est peut-être pas
si simple que cela : choisir un vêtement, c’est choisir une certaine image de soi (image sociale, image
sexuelle et érotique, etc.). Parfois on n’ose pas acheter un vêtement dont le rapport qualité/prix nous
convient et qui nous plaît beaucoup par lui-même, mais parce qu’on n’oserait pas le porter : manque de
liberté par rapport à soi-même et aux autres. La vraie liberté est toujours choix de soi par soi, création
du sens de sa propre vie. Plus la décision que nous prenons est importante, plus nous constatons que
nous seul pouvons la prendre, ce qui prouve bien que le poids des raisons n’a ici rien d’objectif (je ne
peux confier à autrui les décisions fondamentales de mon existence). Si la liberté ne peut être déléguée,
c’est précisément que son exercice est personnel et subjectif, au meilleur sens du terme. De nombreux
philosophes ont développé des idées allant dans ce sens, et notamment Nietzsche et Sartre. Mais le
grand philosophe de la liberté créatrice est, à notre sens, Henri Bergson (1859-1941), à qui la
philosophie doit quelques unes des analyses les plus éblouissantes de la vie et de la liberté.
La 1ère critique de Bergson porte sur la théorie du choix rationnel.
Nous pesons, dit-on souvent, les raisons ou les motifs. Mais de quel poids pèsent ces raisons et ces
motifs, sinon du poids que nous leur donnons nous-mêmes ?
On fait comme si les possibles entre lesquels nous hésitons avaient un poids objectif, comme si c’était
des objets empiriques que l’on pouvait comparer : illusion, ou mauvaise foi. L’idée de possible est un
leurre selon Bergson. Donner de la consistance au possible, c’est penser le futur sur le modèle du passé,
c’est nier la puissance créatrice du temps. Personne ne sait ce qui est possible, mais une fois que
quelque chose a eu lieu on dit « c’était donc possible », et on pense que c’était possible de toute
éternité. Erreur. Dans les choses humaines, ce qui est possible est ce qui a été fait.
La 2ème critique porte sur l’idée de futur.
Le futur n’est pas « devant moi » mais le temps vrai (la durée, dit Bergson) est tout autre chose que
l’espace. L’espace est étendu devant moi, homogène et découpable à l’infini. Le temps n’est pas étendu
devant moi (il se crée au fur et à mesure qu’il passe), il est hétérogène (toute minute est différente de
celle qui la précède, ne serait-ce que parce que j’ai le souvenir d’avoir vécu cette minute précédente), il
n’est pas découpable à l’infini (il y a des unités naturelles de temps, qui correspondent au rythme
naturel de notre existence physique, sensorielle, amoureuse, etc.). On le voit très bien dans l’expérience
du temps musical : on ne peut pas couper une mélodie en deux sans la détruire ; et si on répète, dans
une œuvre classique ou en jazz, une mélodie ou un thème, la seconde occurrence ne « sonnera » pas
comme la première, précisément parce qu’on a le souvenir de l’avoir déjà entendue. Autrement dit, seul
le présent compte, il n’est pas un futur et il n’est plus un passé. C’est à chaque instant que j’invente ma
vie et c’est dans cette création que j’exprime ma liberté.
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La vraie liberté est donc création, et il faut distinguer créer et fabriquer. Fabriquer c’est faire du neuf
avec du vieux, c’est réorganiser des éléments déjà disponibles. Créer, c’est faire émerger de
l’imprévisible. C’est un grand thème bergsonien : l’acte libre, l’œuvre neuve ne peuvent jamais être
prévus. L’exercice de la liberté nous surprend toujours, c’est presque un signe tangible de la liberté que
d’être surpris par elle.
IV.
Peut-on être libre ?
A. Pour Sartre, nous sommes condamnés à être libre
Dostoïevski avait écrit : "Si Dieu n'existait pas, tout serait permis." C'est là le point de départ de
l'existentialisme. En effet, tout est permis si Dieu n'existe pas, et par conséquent l'homme est délaissé, parce
qu'il ne trouve ni en lui, ni hors de lui, une possibilité de s'accrocher. Il ne trouve d'abord pas d'excuses. Si,
en effet, l'existence précède l'essence, on ne pourra jamais l'expliquer par référence à une nature humaine
donnée et figée ; autrement dit, il n'y a pas de déterminisme, l'homme est libre, l'homme est liberté. Si d'autre
part, Dieu n'existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou des ordres qui légitimeront
notre conduite. [...] Nous sommes seuls, sans excuses. C'est ce que j'exprimerai en disant que l'homme est
condamné à être libre. Condamné, parce qu'il ne s'est pas créé lui-même, et par ailleurs cependant libre,
parce qu'une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu'il fait. L'existentialisme ne croit pas à la
puissance de la passion. Il ne pensera jamais qu'une belle passion est un torrent dévastateur qui conduit
fatalement l'homme à certains actes, et qui, par conséquent, est une excuse. Il pense que l'homme est
responsable de sa passion. L'existentialisme ne pensera pas non plus que l'homme peut trouver un secours
dans un signe donné, sur terre, qui l'orientera : car il pense que l'homme déchiffre lui-même le signe comme
il lui plaît. Il pense donc que l'homme, sans aucun appui et sans aucun secours, est condamné à chaque
instant à inventer l'homme. L'homme, tel que le conçoit l'existentialisme, s'il n'est pas définissable, c'est qu'il
n'est d'abord rien. Il ne sera qu'ensuite, et il sera tel qu'il se sera fait. Ainsi, il n'y a pas de nature humaine,
puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir. L'homme est seulement, non seulement tel qu'il se conçoit
mais tel qu'il se veut, et comme il se conçoit après l'existence, comme il se veut après cet élan vers l'existence
; l'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait.
Jean-Paul Sarte, L'existentialisme est un humanisme.
Questions :
1) Quelles sont les conséquences de l’hypothèse de l’inexistence de Dieu ?
2) Quelle peut être la limite de la conception sartrienne de la liberté ?
B. La liberté est indissociable du politique
Le moment de mise en commun, le moment de la délibération qui précède la promesse, correspond
chez H. Arendt au moment de quintessence de la liberté. Le moment de liberté, qui est, selon elle,
proprement « miraculeux », est indissociable de l’espace public. Être libre, c’est apparaître devant ses
semblables, c’est voir et être vu en action et en paroles, ce qui ne peut se faire qu’entre égaux. En ce
sens, la liberté ne peut être que politique, et le politique ne peut qu’être espace de liberté. C’est
pourquoi la liberté politique « means the right to be a participator in government, or it means nothing ».
La forme historique de la polis correspond à l’espace de liberté par excellence pour H. Arendt.
Historiquement, il est intéressant de remarquer que l’apparition du problème de la liberté dans la
philosophie de Saint Augustin fut ainsi précédée par la tentative consciente de séparer de la politique la
notion de liberté, pour parvenir à une formule grâce à laquelle on pourrait être un esclave dans le monde et
demeurer libre. Conceptuellement, cependant, la liberté d’Epictète qui consiste à être libéré de ses propres
désirs n’est qu’un renversement des notions politiques courantes de l’antiquité, et l’arrière fond politique
contre lequel ce corps philosophique populaire a été formulé, le déclin évident de la liberté au bas empire,
trouve une expression très claire dans le rôle qu’y jouent des notions telles que le pouvoir, la domination, et
la propriété.
Dans la pensée antique, l’homme ne pouvait se libérer de la nécessité qu’en exerçant un pouvoir sur
d’autres hommes, et il ne pouvait être libre que s’il possédait un lieu, un foyer dans le monde.
Épictète transposait ces relations mondaines en relation à l’intérieur de l’homme lui-même, et il découvrait
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qu’aucun pouvoir n’est aussi absolu que celui que l’homme exerce sur lui-même, et que l’espace intérieur
où l’homme lutte contre lui-même et se maitrise lui-même est plus entièrement sien, à savoir plus sûrement
protégé de l’ingérence extérieure, que ne pourrait jamais l’être aucun foyer dans le monde.
En dépit de la grande influence que le concept d’une liberté intérieure non politique a exercée sur la
tradition de la pensée, il semble qu’on puisse affirmer que l’homme ne saurait rien de la liberté intérieure
s’il n’avait d’abord expérimenté une liberté qui soit une réalité tangible dans le monde. Nous prenons
conscience d’abord de la liberté ou de son contraire dans notre commerce avec d’autres, non dans le
commerce avec nous-mêmes. Avant de devenir un attribut de la pensée ou une qualité de la volonté, la
liberté a été comprise comme le statut de l’homme libre, qui lui permettait de se déplacer, de sortir de son
foyer, d’aller dans le monde et de rencontrer d’autres gens en actes et en paroles. Il est clair que cette
liberté était précédée par la libération : pour être libre, l’homme doit s’être libéré des nécessités de la vie.
Mais le statut d’homme libre ne découlait pas automatiquement de l’acte de libération. Etre libre exigeait,
outre la simple libération, la compagnie d’autres hommes, dont la situation était la même, et demandait un
espace public commun où les rencontrer – un monde politiquement organisé, en d’autres termes, où
chacun des hommes libres pût s’insérer par la parole et par l’action.
Le cœur humain, nous le savons tous, est un lieu très obscur, et tout ce qui se passe dans son obscurité ne
peut être désigné comme un fait démontrable. La liberté comme fait démontrable et la politique coïncident
et son relatives l’une à l’autre comme deux côtés d’une même chose.
Hannah Arendt, La Crise de la culture, « Qu’est-ce que la liberté ? »
Évidemment, l’espace d’apparence où se déploie la liberté n’est ni garanti par une autorité extra
mondaine ni par un recours à un quelconque absolu. Dans cette définition, la liberté est indissociable du
moment politique, et seule la promesse « lie les hommes entre eux ».
Mais H. Arendt donne également une autre définition de la liberté. Dans cette seconde version, la
liberté est définie comme une potentialité de l’être humain. Elle est la capacité de commencer quelque
chose de nouveau. Suivant en cela Saint Augustin, H. Arendt soutient que la liberté de l’être humain est
une capacité proprement ontologique : « l’homme est libre, parce qu’il est un nouveau commencement
»1. La liberté est la capacité humaine d’interrompre les processus causaux qui gouvernent la vie, du
moment que s’efface le principe qui préside à chaque nouveau commencement. La liberté est ici
synonyme de spontanéité. Cette « liberté consiste en ce que nous appelons la spontanéité, soit, d’après
Kant, le fait que chaque homme est capable de débuter lui-même une série. [...] la liberté d’action
signifie la même chose que poser-un-commencement-et-débuter-quelque-chose. » 2 Selon cette
seconde définition, la liberté est un « pouvoir-commencer».
Les deux conceptions de la liberté ne sont pas incompatibles. La liberté n’existe que lorsque les hommes
sont ensemble, lorsqu’ils forment des communautés politiques où se libère la parole leur permettant
d’entreprendre en commun quelque chose de nouveau. Mais une fois que se séparent les hommes, une
fois que le moment d’action, de liberté initiale, est terminé, alors la liberté demeure sous sa forme
potentielle, forme qui restera à actualiser à nouveau dans le futur. H. Arendt reconnaît que cette
seconde forme, « la liberté de la spontanéité est encore pour ainsi dire prépolitique, quand bien même
sans elle toute liberté politique perdrait-elle son sens le meilleur et le plus profond. »3 La véritable
liberté est donc indissociable du moment de fondation de l’espace public, et disparaît dès la fin de ce
moment initial. Le concept de pouvoir est défini par H. Arendt exactement de la même façon. Il émerge
quand les hommes se rassemblent, et retrouve son caractère de potentialité quand les hommes se
séparent. En ce sens, liberté et pouvoir sont pratiquement synonymes. Ce qui donne une fragile
permanence à ce moment fugace de liberté, c’est la mémoire de l’évènement.
1
H. Arendt, La crise de la culture, Paris, Gallimard.
H. Arendt, Qu’est-ce que la politique ?, p. 88.
3
H. Arendt, Qu’est-ce que la politique ?, p. 90
2
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« La liberté comme fait démontrable et la politique coïncident et son relatives
l’une à l’autre comme deux côtés d’une même chose.. Ce document contient 10440 mots. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système d’échange gratuit de ressources numériques ou achetez-le pour la modique somme d’un euro symbolique. Cette aide totalement rédigée en format pdf sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en : Echange
Chapitre 4 : La liberté
« La liberté comme fait démontrable et la politique coïncident et son relatives
l’une à l’autre comme deux côtés d’une même chose. »
Hannah Arendt
« La liberté n'est ni un droit, ni une condition permanente, ni un état provisoire, mais un problème
qui demande sans cesse de nouvelles solutions. »
Maxime Rovere
INTRODUCTION ............................................................................................................................................................. 1
I.
LIBERTE ET DETERMINISME............................................................................................................................ 2
A.
1)
2)
3)
4)
5)
B.
II.
LIBERTE ET NATURE : COMMENT PENSER LA LIBERTE ? .................................................................................................. 2
La nature et la liberté semble s’opposer ...................................................................................................... 2
De la nature à la liberté : l’espace et le temps ............................................................................................. 3
Les catégories de l’entendement.................................................................................................................. 4
L’antinomie de la liberté............................................................................................................................... 4
La loi morale nous rend libres ...................................................................................................................... 5
LA LIBERTE N’EST-ELLE QU’UNE ILLUSION ? (SPINOZA) .................................................................................................. 6
LA LOI FAVORISE-T-ELLE OU RESTREINT-ELLE LA LIBERTE ? ............................................................................ 7
A.
B.
III.
A.
B.
C.
IV.
A.
B.
POUR HOBBES, LA LOI EST UNE LIMITATION DE LA LIBERTE ............................................................................................. 7
POUR ROUSSEAU, POINT DE LIBERTE SANS LOIS ........................................................................................................... 7
LIBERTE ET VOLONTE ..................................................................................................................................... 8
SOMMES-NOUS LIBRES DE VOULOIR ?........................................................................................................................ 8
DESCARTES ET L’INDIFFERENCE ................................................................................................................................. 8
BERGSON : « LA VRAIE LIBERTE EST CREATION. » ......................................................................................................... 9
PEUT-ON ETRE LIBRE ? ................................................................................................................................. 10
POUR SARTRE, NOUS SOMMES CONDAMNES A ETRE LIBRE ........................................................................................... 10
LA LIBERTE EST INDISSOCIABLE DU POLITIQUE ............................................................................................................ 10
Pour ce chapitre, Lire l’existentialisme est humanisme de Sartre
Introduction
Définitions :
? Qu’est-ce que la liberté ? La définition la plus générale et la plus immédiate qu’on peut en donner
est sans doute l’absence de contrainte. Est libre ce qui ne subit pas de contrainte et n’est pas
empêché dans son action.
? Ma liberté – ou ma non-liberté – se définit d’abord par rapport à celle des autres. C’est d’ailleurs ce
que manifeste le sens originel de mot liberté : être libre (du latin liber) a d’abord signifié ne pas être
esclave (du latin servus).
Problèmes :
? Liberté et mobilité : La première liberté, c’est la possibilité de se déplacer. Un mouvement est libre
s’il n’est ni contraint ni s’il se heurte à des obstacles extérieurs.
? Liberté et société : « Ma liberté s’arrête où commence celle des autres » : cette formule pose le
problème de la coexistence des libertés plus qu’elle ne le résout. Car où commence la liberté des
uns et où finit celle des autres ? Qui peut poser la frontière entre ma liberté et celle d’autrui ?
Comment protéger la liberté des uns sans restreindre celles des autres ?
1|Page
? Objections : si les hommes faisaient toujours ce qu’ils doivent faire, il n’y aurait pas besoin de
lois. La loi contient donc en elle-même la possibilité de sa transgression et nécessite le recours
à la force.
? Choix et liberté : La liberté est-ce décider librement ? La liberté se réduit-elle à la spontanéité ?
Celle-ci ne peut-elle pas être mécanique ? N’es-ce pas dans l’expérience du choix que se découvre la
liberté ?
? Choisir, c’est donc juger entre plusieurs possibilités laquelle est la meilleure. Pourtant, être
libre, c’est non seulement juger, mais encore agir. Là encore, la liberté ne va pas de soi. Car il
n’est pas rare d’avoir à
? constater son impuissance ou l’insuffisance de sa volonté pour réaliser
? ce que l’on a pourtant jugé être le meilleur.
? Liberté et déterminisme : Affirmer que nous sommes – comme partie de la nature – soumis au
déterminisme ne nous condamne donc pas à l’inaction, bien au contraire. Le déterminisme ne se
confond pas avec le fatalisme. Le fatalisme est une doctrine d’après laquelle l’ensemble des
événements est soumis au destin ou fatum, selon une nécessité absolue. Quoiqu’on fasse, ce qui
devait arriver arrivera, conformément à ce qui a été écrit ou prédit (le fatum -du latin fan, qui
signifie parler – c’est, étymologiquement, ce qui a été dit). Il engendre donc une attitude de
soumission. Le déterminisme pose au contraire qu’à tout effet peut être assigné une cause, les
mêmes causes produisant les mêmes effets.Il faut distinguer cependant le déterminisme comme
principe épistémologique et le déterminisme comme principe métaphysique :
? Le déterminisme, entendu comme principe épistémologique, s’applique aux sciences exactes,
qui formulent des lois universelles et postule que l’ensemble des phénomènes naturels y est
soumis. La nature est, en droit, prévisible, parce qu’elle est toute entière ordonnée à des
régularités strictes, qu’elles soient de nature physique ou simplement statistique.
? Le déterminisme, entendu comme principe métaphysique, pose que tout effet résulte d’une
cause, qui est elle-même l’effet d’une autre cause qui l’a précédée. Un tel déterminisme est
incompatible avec la liberté, puisqu’il affirme que l’effet – par exemple, tel acte, telle décision –
dépend d’une cause antécédente qui échappe par conséquent à toute action.
Le concept de liberté comme absence d’entrave est un concept simple, clair, naturel. La liberté a
d’ailleurs été d’abord comprise en ce sens, comme une propriété observable, portant sur les actions
humaines, et liée à chaque système politique. Mais le concept de liberté a été ensuite déplacé pour
s’appliquer non plus aux actions mais à la volonté elle-même, à l’intériorité humaine. D’un concept
politique de la liberté, on a voulu faire un concept métaphysique.
I.
Liberté et déterminisme
A. Liberté et nature : Comment penser la liberté ?
1) La nature et la liberté semble s’opposer
La physique du XVIIe siècle a imposé la représentation d’une nature dépourvue de significations, de fins
ou de valeurs. La nature n’est plus qu’un ensemble de forces physiques calculables, et les phénomènes
naturels doivent tous s’expliquer en respectant strictement le principe de causalité. On pourrait
formuler le principe de causalité de la manière suivante : « tout ce qui arrive (tout événement, au sens
le plus large du terme) dépend d’une cause qui le précède dans le temps et qui suffit à le déterminer
intégralement ».
Donc tout événement est un effet entièrement déterminé par sa cause, et donc entièrement explicable
par elle. Dire qu’il est entièrement explicable ne veut pas dire que l’homme peut effectivement
l’expliquer ; cela veut dire qu’en droit il est intégralement explicable, et qu’un jour peut-être les progrès
de la science permettront de l’expliquer effectivement. Ainsi, on peut comparer la nature à une machine
: dans une machine, tous les mouvements des différentes pièces ont été calculés, les pièces n’ont
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aucune liberté, leur mouvement est mécaniquement déterminé par l’ensemble du système de forces
physiques qui s’exercent sur elles. Cette comparaison de la nature avec une machine, très fréquente au
XVIIe siècle et même bien après, explique le mot « mécanisme » que l’on emploie souvent pour désigner
la physique de Galilée, de Descartes ou de Newton. Les lois de la nature sont aussi strictes que les lois
mécaniques, tout événement naturel est aussi rigoureusement déterminé que les mouvements des
rouages d’une montre ou d’un métier à tisser.
Mais si la nature n’est qu’une machine, les êtres naturels vont donc être eux aussi soumis aux lois
mécaniques. C’est ainsi que Descartes comparera les animaux à des machines (des machines très
complexes fabriquées par Dieu). Même très complexe, une machine est intégralement déterminée par
son schéma technique, elle fonctionne comme il a été prévu.
Un exemple d'explication mécaniste : la propagation d'un message nerveux
Le réflexe myotatique est le mécanisme principal qui permet le maintien de la posture debout. Sans lui en
effet, nous ne pourrions tenir debout car nous nous écroulerions, à cause de la pesanteur, sous notre propre
poids. Cet exemple permet de défendre une conception strictement mécaniste du vivant. En effet, le réflexe
myotatique est l'expression d'un fonctionnement coordonné de différentes structures : les fuseaux
neuromusculaires, Les neurones sensitifs, les neurones moteurs
? Le système fonctionne donc ainsi : étirement du muscle → envoi d'un message nerveux afférent
jusqu'à la moelle épinière → envoi d'un message nerveux efférent vers le muscle → contraction du
muscle + relâchement du muscle antagoniste.
Il s'agit bien là d'une explication purement mécanique, faisant intervenir une causalité parfaitement
déterminée.
En conséquence, les philosophes sont embarrassés avec la question de la liberté humaine, à laquelle ils
n’entendent pas renoncer. Comment penser la liberté humaine dans une nature entièrement
mécanique ? N’y a-t-il pas contradiction à poser que tout événement dans la nature dépend de causes
antérieures, mais que l’homme a néanmoins la faculté de se décider librement par lui-même ? Cette
question n’a pas seulement une dimension « théorique » ou spéculative ; elle a aussi une dimension
morale et juridique. Si les actions humaines étaient aussi strictement déterminées que le mouvement
d’une machine, quel sens y aurait-il à interdire certaines actions (le mensonge par exemple), quel sens y
aurait-il à punir les délits et les crimes ? Si un homme ment ou vole non par le libre choix de sa volonté,
mais par le jeu mécanique de forces naturelles, il n’y a plus de sens à le réprimander ni à le punir. L’idée
de responsabilité morale et de responsabilité juridique suppose la liberté humaine, le mécanisme
naturel la combat. Tel est le redoutable problème que Kant, notamment, va aborder dans ses trois
grands livres, la Critique de la raison pure, la Critique de la raison pratique, la Critique de la faculté de
juger.
2) De la nature à la liberté : l’espace et le temps
La première idée révolutionnaire de Kant est que l’espace n’est pas une réalité objective.
L’espace n’est pas une chose (comme un caillou ou un arbre, par exemple), mais une simple forme. Cela
veut dire que l’espace précède, dans mon esprit, l’expérience que j’ai des objets. Avant même de
rencontrer un objet, je sais qu’il est spatial. Ainsi l’espace n’est pas rencontré dans l’expérience – on ne
rencontre jamais l’espace mais toujours des choses dans l’espace. Ces arguments amènent Kant à définir
l’espace comme une « forme a priori de notre sensibilité ». La sensibilité, c’est la capacité humaine à
recevoir des sensations, des impressions sensibles. L’homme est un être d’abord sensible, un être qui
reçoit des impressions de l’extérieur. Or toutes ces sensations sont situées dans l’espace
La deuxième idée révolutionnaire de Kant : si l’espace n’est pas un objet extérieur mais une simple
forme, c’est qu’il vient de l’esprit humain, et donc de la sensibilité humaine.
La spatialité n’est pas dans les choses en elles-mêmes, mais dans la sensibilité humaine. Ainsi l’espace
est une forme de la sensibilité (une forme que la sensibilité humaine impose aux choses), et une forme a
priori, c’est-à-dire une forme qui précède l’expérience.
3|Page
Kant emploie même le mot de « transcendantal » : est transcendantal pour Kant ce qui précède
l’expérience et la rend possible. L’espace est transcendantal parce qu’il précède l’expérience (il est une
forme de la sensibilité humaine) et qu’il la rend possible (nous ne pouvons même pas imaginer un objet
extérieur non-spatial).
3) Les catégories de l’entendement
La sensibilité n’est pas la seule faculté humaine qui est nécessaire à l’expérience. Il faut unifier ces
sensations, et l’unification est l’opération de l’entendement (il faut bien dire « entendement » et non
pas « raison », car ce dernier mot a un autre sens chez Kant). Cette unification des sensations se fait par
le moyen de ce que Kant appelle des catégories : les catégories sont les concepts les plus généraux et les
plus importants de l’entendement humain. Ce sont par exemple les catégories d’unité, de totalité, de
cause et d’effet, etc. Kant pense que ces catégories sont elles aussi a priori (elles ne dépendent pas de
l’expérience) et même transcendantales (elles organisent l’expérience humaine, sans elles il n’y aurait
pas d’expérience : tout objet par exemple nous apparaît comme « un », comme unifié).
D’où la troisième idée révolutionnaire de Kant : les objets dépendent de la structure de l’esprit
humain.
De même que la sensibilité imposait ses formes (l’espace et le temps) aux impressions sensibles, de
même l’entendement impose ses catégories (l’unité, la causalité) aux impressions pour les constituer en
objets reliés entre eux dans une expérience cohérente. La sensibilité reçoit les impressions, mais
l’entendement les organise activement en objets et en expérience. C’est cet objet sensible et organisé
selon les catégories que Kant appelle un phénomène.
? Le phénomène s’oppose à la chose en soi (la chose telle qu’elle est en elle-même), le
phénomène c’est la chose telle qu’elle se présente aux hommes (spatio-temporelle, prise dans
des réseaux de causalité, etc.).
Les phénomènes, pris tous ensemble, forment la nature. La nature, c’est l’ensemble des phénomènes.
La nature n’est donc plus (comme dans la conception courante) entièrement hors de nous, puisque nous
l’organisons a priori et de façon transcendantale. Il y a dans la nature des structures qui dépendent de
l’esprit humain : l’espace et le temps (forme de tous les objets sensibles), la causalité, etc. Le principe de
causalité est pour ainsi dire « imposé » à la nature par l’esprit humain. Cette pensée paraît très étrange,
et pourtant Kant y insiste avec beaucoup de force. Cette idée est d’ailleurs logique, vu ce qui précède : si
le temps est une forme de la sensibilité humaine, alors la causalité est aussi une forme de
l’entendement humain, car il ne peut y avoir de causalité qu’entre deux événements successifs. Un Dieu
qui verrait d’un seul coup d’œil la totalité de l’histoire humaine n’aurait pas besoin du concept de
causalité (qui suppose la succession).
Il faut retenir deux choses essentielles pour la problématique kantienne du rapport entre la nature et la
liberté :
? tous les événements naturels sont reliés par une causalité stricte, sans exception (c’est la
reprise, dans le système kantien, de l’idée classique du déterminisme mécanique dont nous
avons déjà parlé) ;
? mais les événements naturels et les objets de l’expérience ne sont que des phénomènes (dont
la structure dépend de l’esprit humain) et non des choses en soi.
La question est désormais de savoir si la liberté est possible sachant que tout phénomène a une cause
qui détermine ces derniers. Quelle serait alors la cause initiale ?
4) L’antinomie de la liberté
L’antinomie se présente comme l’affrontement de deux propositions opposées, dont l’une s’appelle
thèse et l’autre antithèse.
4|Page
? Thèse : « La causalité selon les lois de la nature n’est pas la seule dont puissent être dérivés tous
les phénomènes du monde. Il est encore nécessaire d’admettre une causalité libre pour
l’explication de ces phénomènes. »
? Antithèse : « Il n’y a pas de liberté, mais tout arrive dans le monde uniquement suivant des lois
de la nature. »
La contradiction est totale : la thèse soutient qu’il y a de la liberté dans la nature, et l’antithèse
soutient qu’il n’y en a pas.
« Si donc tout arrive suivant les simples lois de la nature, il n’y a toujours qu’un commencement subalterne,
mais jamais un premier commencement, et par conséquent, en général, aucune intégralité de la série du côté
des causes dérivant les unes des autres. Or, la loi de la nature consiste en ce que rien n’arrive sans une cause
suffisamment déterminée a priori. Donc cette proposition : que toute causalité n’est possible que suivant les
lois de la nature, se contredit elle-même dans sa généralité illimitée, et cette causalité ne peut conséquemment
pas être admise comme la seule. D’après cela, il faut admettre une causalité par laquelle quelque chose arrive
sans que la cause y soit déterminée en remontant plus haut par une autre cause antérieure suivant les lois
nécessaires, c’est-à-dire une spontanéité absolue des causes, capable de commencer par elle-même une série
de phénomènes qui se déroulera suivant les lois de la nature, par conséquent, une liberté ».
Emmanuel KANT, Critique de la raison pure
Questions :
1) En quoi le principe de causalité qui stipule que cahque phénomène a une cause se contredit il luimême ?
2) Que montre l’antithèse ?
3) En quoi cette situation nous place devant un nœud gordien ?
4) Quelle solution peut-on trouver à l’antinomie ?
5) La loi morale nous rend libres
Mais Kant ne s’en tient pas là. Sa réflexion le pousse à penser que tout homme éprouve la force du
devoir (ne pas mentir, ne pas tuer, par exemple), même celui qui transgresse son devoir. Or la notion de
devoir suppose la notion de liberté : un être non-libre n’a pas de devoir moral. Un animal n’a pas de
devoir moral, parce qu’il est entièrement conditionné par ses instincts.
? Un tigre n’a pas la liberté de ne pas attaquer, de ne pas tuer, il est donc « innocent », il n’a
aucun devoir, il ne peut pas faire autrement.
Les hommes éprouvent le sentiment du devoir, c’est donc qu’ils sont libres. La loi morale est en effet
une loi de la causalité par liberté (la loi morale nous dit comment nous devons user de notre liberté) ;
l’expérience morale est l’expérience du choix, de la confrontation de nos inclinations personnelles avec
ce que nous commande le devoir. Si nous prenons au sérieux la moralité, nous affirmons par là même
notre liberté.
« Pour lever la contradiction apparente que nous trouvons ici entre le mécanisme de la nature et la liberté
dans une seule et même action, il faut se rappeler ce qui a été dit dans la Critique de la raison pure, ou ce qui
s’ensuit, à savoir que la nécessité naturelle, qui ne peut coexister avec la liberté du sujet, ne s’attache qu’aux
déterminations d’une chose soumise aux conditions du temps, par conséquent seulement aux déterminations
du sujet agissant considéré comme phénomène, et que, sous ce rapport, les principes déterminants de
chacune de ses actions résident en ce qui appartient au temps écoulé et n’est plus en son pouvoir (dans quoi
il faut aussi compter, comme phénomènes, ses actions déjà accomplies ainsi que le caractère qui, à ses
propres yeux, peut lui être attribué d’après ces actions). Mais le même sujet qui, d’un autre côté, a conscience
de lui-même comme d’une chose en soi, considère aussi son existence en tant qu’elle n’est pas soumise à des
conditions de temps, et lui-même, comme pouvant être déterminé seulement par des lois qu’il se donne luimême par sa raison, et, dans cette existence qui est la sienne, il n’y a rien pour lui d’antérieur à la
détermination de sa volonté, mais toute action et en général tout changement de détermination de son
existence qui arrive conformément au sens interne, toute la série même de son existence comme être sensible
ne doivent jamais être considérés dans la conscience de son existence intelligible que comme une
conséquence de sa causalité comme noumène, et nullement comme son principe déterminant. »
Emmanuel KANT, Critique de la raison pure, collection « Quadrige », 2001
Questions :
5|Page
1) Récapitulez les deux plans d’existence sur lesquels l’homme vit selon Kant ?
2) Dans quelles situations nous utilisons notre liberté pleinement ?
3) En quoi la science a-t-elle contredit l’approche de Kant ?
Par le principe d’incertitude ou la relation d’incertitude.
Voici la présentation très claire qu’en donne le philosophe et épistémologue Karl Popper : « Toute
mesure physique implique un échange d’énergie entre l’objet mesuré et l’appareil mesurant (lequel peut
être l’observateur lui-même). Un rayon lumineux, par exemple, peut être dirigé sur l’objet et l’appareil de
mesure peut absorber partiellement la lumière répandue reflétée par l’objet. Un tel échange d’énergie
altérera l’état de ce dernier qui sera, après la mesure, différent. La mesure donne donc, en quelque sorte,
connaissance d’un état qui a précisément été détruit par le processus de mesure lui-même. Cette
interférence du processus de mesure et de l’objet mesuré peut être négligé dans le cas d’objets
macroscopiques mais non dans celui d’objets atomiques. Ceux-ci peuvent, en effet, être fortement
modifiés, par une irradiation lumineuse par exemple. Il est donc impossible d’inférer du résultat de sa
mesure l’état exact qu’aura un objet atomique, immédiatement après avoir été mesuré. La mesure ne
peut donc servir de base à des prévisions. Sans doute est-il toujours possible de constater, à l’aide de
nouvelles mesures, l’état de l’objet après la mesure précédente, mais par là le système se trouve de
nouveau en interférence avec la mesure d’une manière impossible à calculer » (Karl Popper, Logique de
la découverte scientifique, Payot, p. 221).
Par le hasard génétique et les erreurs de copies dans la reproduction des cellules. Jacques Monod : «
Nous disons que ces altérations sont accidentelles, qu’elles ont lieu au hasard. Et puisqu’elles constituent
la seule source possible de modifications du texte génétique, seul dépositaire, à son tour des structures
héréditaires de l’organisme, il s’ensuit nécessairement que le hasard seul est à la source de toute
nouveauté, de toute création dans la biosphère. Le hasard pur, le seul hasard, liberté absolue mais
aveugle, à la racine même du prodigieux édifice de l’évolution : cette notion centrale de la biologie
moderne n’est plus aujourd’hui une hypothèse, parmi d’autres possibles ou au moins concevables. Elle
est la seule concevable, comme seule compatible avec les faits d’observation et d’expérience » (Le
Hasard et la Nécessité, Seuil, 1970, p. 127).
B. La liberté n’est-elle qu’une illusion ? (Spinoza)
Pour ma part, je dis que cette chose est libre et agit par la seule nécessité de sa nature, et contrainte cette
chose qui est déterminée par une autre à exister et à agir selon une modalité précise et déterminée. Dieu, par
exemple, existe librement (quoique nécessairement) parce qu’il existe par la seule nécessité de sa nature. De
même encore, Dieu connaît soi-même et toutes choses en toute liberté, parce qu’il découle de la seule
nécessité de sa nature qu’il comprenne toutes choses. Vous voyez donc que je ne situe pas la liberté dans un
libre décret, mais dans une libre nécessité.
Mais venons-en aux choses créées qui, toutes, sont déterminées à exister et à agir selon une manière précise
et déterminée. Pour le comprendre clairement, prenons un exemple très simple. Une pierre
reçoit d’une cause extérieure qui la pousse une certaine quantité de mouvement, par laquelle elle continuera
nécessairement de se mouvoir après l’arrêt de l’impulsion externe. Cette permanence de la
pierre dans son mouvement est une contrainte, non pas parce qu’elle est nécessaire, mais parce qu’elle doit
être définie par l’impulsion de causes externes, et ce qui est vrai de la pierre l’est aussi de tout objet singulier,
quelle qu’en soit la complexité et quel que soit le nombre de ses possibilités : tout objet singulier, en effet, est
nécessairement déterminé par quelque cause extérieure à exister et à agir selon une loi précise et déterminée.
Concevez maintenant, si vous le voulez bien, que la pierre, tandis qu’elle continue de se mouvoir, sache, et
pense qu’elle fait tout l’effort possible pour continuer de se mouvoir. Cette pierre, assurément, puisqu’elle
n’est consciente que de son effort, et qu’elle n’est pas indifférente, croira être libre et ne persévérer dans son
mouvement que par la seule raison qu’elle le désire. Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se
vantent d’avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des
causes qui les déterminent. C’est ainsi qu’un enfant croit désirer librement le lait, et un jeune garçon irrité
vouloir se venger s’il est irrité, mais fuir s’il est craintif. Un ivrogne croit dire par décision libre ce qu’ensuite
il aurait voulu taire. De même un dément, un bavard et de nombreux cas de ce genre croient agir par une
libre décision de leur esprit et non pas portés par une impulsion. Et comme ce préjugé est inné en tous les
hommes, ils ne s’en libèrent pas facilement.
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Spinoza, Lettre à Schuller, trad. R. Misrahi, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », Gallimard, 1954, pp. 12511252.
Questions :
1) En quoi la liberté est une illusion selon Spinoza ?
2) Spinoza soutient que nous sommes libres qu’au moment où nous reconnaissons la nécessité et les
causes qui nous déterminent. Comment comprendre ce paradoxe ?
II.
La loi favorise-t-elle ou restreint-elle la liberté ?
A. Pour Hobbes, la loi est une limitation de la liberté
Nous concevons spontanément la liberté comme la capacité de faire ce qu’on veut, comme le fait de ne
pas être empêché d’agir. Ce sens, le plus simple et le plus naturel, est celui que retient le philosophe
anglais Thomas Hobbes (1588-1679).
Ce texte de Hobbes nous permet donc de préciser notre concept intuitif de liberté, en distinguant la
liberté de la puissance. Être libre ne consiste pas exactement à pouvoir faire tout ce qu’on veut, mais
plutôt à ne pas être empêché de faire ce qu’on peut faire. Ainsi, ne pas pouvoir voler dans le ciel comme
un oiseau ou comprendre les équations d’Einstein n’est pas tant un manque de liberté que de puissance
(physique ou intellectuelle).
Étant donné [...] qu’il n’existe pas au monde de République où l’on ait établi suffisamment de règles pour
présider à toutes les actions et paroles des hommes (car cela serait impossible), il s’ensuit nécessairement que,
dans tous les domaines d’activité que les lois ont passés sous silence, les gens ont la liberté de faire ce que
leur propre raison leur indique comme leur étant le plus profitable. Car si nous prenons la liberté au sens
propre de liberté corporelle, c’est-à-dire de ne pas être enchaîné ni emprisonné, il serait tout à fait absurde,
de la part des hommes, de crier comme ils le font cette liberté dont ils jouissent si manifestement. D’autre
part, si nous entendons par liberté le fait d’être soustrait aux lois, il n’est pas moins absurde de la part des
hommes de réclamer comme ils le font cette liberté qui permettrait à tous les autres hommes de se rendre
maîtres de leurs vies. Et cependant, aussi absurde que ce soit, c’est bien ce qu’ils réclament ; ne sachant pas
que leurs lois sont sans pouvoir pour les protéger s’il n’est pas un glaive entre les mains d’un homme (ou de
plusieurs) pour faire exécuter ces lois. La liberté des sujets ne réside par conséquent que dans les choses que
le souverain, en réglementant les actions des hommes, a passées sous silence, par exemple la liberté
d’acheter, de vendre, et de conclure d’autres contrats les uns avec les autres, de choisir leur résidence, leur
genre de nourriture, leur métier, d’éduquer leurs enfants comme ils le jugent convenable et ainsi de suite.
Thomas Hobbes, Léviathan, 2ème partie, Ch XXI, « De la liberté des sujets ».
Questions :
1) Quelle est la relation entre la loi et la souveraineté suivant la phrase soulignée ?
2) En quoi la loi favorise la liberté ?
B. Pour Rousseau, point de liberté sans lois
On a beau vouloir confondre l’indépendance et la liberté. Ces deux choses sont si différentes que même elles
s’excluent mutuellement. Quand chacun fait ce qu’il lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres, et cela
ne s’appelle pas un État libre. La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à n’être pas soumis à celle
d’autrui, elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d’autrui à la nôtre. Quiconque est maître ne peut
être libre, et régner c’est obéir.
Il n’y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu’un est au-dessus des lois : dans l’état même de nature
l’homme n’est libre qu’à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne
sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n’obéit qu’aux lois et c’est par la force
des lois qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu’on donne dans les républiques au pouvoir des
magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l’enceinte sacrée des lois : ils en sont les
ministres non les arbitres, ils doivent les garder non les enfreindre. Un peuple est libre, quelque forme qu’ait
son gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la loi. En un
mot, la liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain.
Rousseau, Lettres écrites de la montagne - VIII
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Questions :
1) Quelle est la thèse centrale du texte ?
2) En quoi liberté et indépendance sont deux concepts contradictoires ?
3) Comment la relation entre la liberté et loi s’articule chez Rousseau en comparaison à Hobbes ?
III.
Liberté et volonté
A. Sommes-nous libres de vouloir ?
Souviens-toi donc de ceci : si tu crois soumis à ta volonté ce qui est, par nature, esclave d’autrui, si tu crois que
dépende de toi ce qui dépend d’un autre, tu te sentiras entravé, tu gémiras, tu auras l’âme inquiète, tu t’en
prendras aux dieux et aux hommes. Mais si tu penses que seul dépend de toi ce qui dépend de doit, que dépend
d’autrui ce qui réellement dépend d’autrui, tu ne te sentiras jamais contraint à agir, jamais entravé dans ton
action, tu ne t’en prendras à personne, tu n’accuseras personne, tu ne feras aucun acte qui ne soit volontaire ; nul
ne pourra te léser, nul ne sera ton ennemi, car aucun malheur ne pourra t’atteindre.
Epictète, Manuel, I, 1
Homme, tu possèdes par nature une volonté qui ne connaît ni obstacles ni contraintes : voilà ce qui est écrit dans
ces entrailles. Je te le ferai voir d’abord à propos de l’assentiment. Y a-t-il quelqu’un qui puisse t’empêcher
d’adhérer à la vérité ? Personne ; tu vois bien que, en cette matière, ta volonté ne rencontre ni contrainte, ni
obstacle, ni empêchement. Eh bien ! en est-il autrement dans le cas des désirs et des tendances ? Qui peut
vaincre une tendance, sinon une autre tendance ? un désir ou une aversion, sinon un autre désir ou une autre
aversion ? Si l’on me menace de mort, dis-tu, on me contraint ? Ce n’est pas cette menace qui te contraint d’agir,
c’est l’opinion que tel ou tel acte est préférable à la mort ; c’est donc bien encore ton jugement qui t’y oblige ;
c’est la volonté qui oblige la volonté.
Epictète, Entretiens, livre I, chap. 17
Questions :
1) Selon les Stoïciens, pouvons-nous être libres ?
2) Quelle peut être la limite d’une telle théorie ?
B. Descartes et l’indifférence
René Descartes (1596-1650) est un
philosophe de la liberté. Il a toujours
pensé que l’homme était libre : « la
liberté de notre volonté se connaît
sans preuve, par la seule expérience
que nous en avons ». Il y a une
évidence immédiate de la liberté,
que l’on ne peut nier de bonne foi.
L’existence de la liberté humaine ne
souffre aucun doute, mais la
question est celle de sa nature et de
sa puissance.
« L’indifférence me semble signifier proprement l’état dans lequel est la volonté lorsqu’elle n’est pas
poussée d’un côté plutôt que de l’autre par la perception du vrai et du bien ; et c’est en ce sens que je l’ai
prise lorsque j’ai écrit que le plus bas degré de la liberté est celui où nous nous déterminons aux choses pour
lesquelles nous sommes indifférents. Mais peut-être que d’autres entendent par indifférence une faculté
positive de se déterminer pour l’un ou l’autre de deux contraires, c’est-à-dire pour poursuivre ou pour fuir,
pour affirmer ou pour nier. Cette faculté positive, je n’ai pas nié qu’elle fût dans la volonté. Bien plus,
j’estime qu’elle y est, non seulement dans ces actes où elle n’est pas poussée par des raisons évidentes d’un
côté plutôt que de l’autre, mais aussi dans tous les autres ; à ce point que, lorsqu’une raison très évidente
nous porte d’un côté, bien que, moralement parlant, nous ne puissions guère aller à l’opposé, absolument
parlant, néanmoins, nous le pourrions. En effet, il nous est toujours possible de nous retenir de poursuivre
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un bien clairement connu ou d’admettre une vérité évidente, pourvu que nous pensions que c’est un bien
d’affirmer par là notre libre arbitre.
De plus, il faut remarquer que la liberté peut être considérée dans les actions de la volonté avant
l’accomplissement ou pendant l’accomplissement.
[…] Une plus grande liberté consiste en effet ou bien dans une plus grande facilité de se déterminer, ou bien
dans un plus grand usage de cette puissance positive que nous avons de suivre le pire, tout en voyant le
meilleur. Si nous prenons le parti où nous voyons le plus de bien, nous nous déterminons plus facilement ; si
nous suivons le parti contraire, nous usons davantage de cette puissance positive ; ainsi nous pouvons
toujours agir plus librement dans les choses où nous voyons plus de bien que de mal, que dans les choses
appelées par nous indifférentes.
René Descartes, Lettre au Père Mesland du 9 Février 1645, dans Œuvres et lettres,
Gallimard Bibliothèque de la Pléiade p1177-1178, 1970.
Questions :
1) Distinguez les deux définitions que Descartes donne de l’indifférence.
2) Quelles sont les deux formes de liberté que Descartes distingue ?
3) Notre liberté est-elle plus grande lorsque nos sommes inclinés d’un côté plutôt que de l’autre ou
lorsque nous sommes parfaitement indifférent ?
C. Bergson : « La vraie liberté est création. »
La vraie liberté est création. Et d’ailleurs, même le cas simple du choix d’un pull-over n’est peut-être pas
si simple que cela : choisir un vêtement, c’est choisir une certaine image de soi (image sociale, image
sexuelle et érotique, etc.). Parfois on n’ose pas acheter un vêtement dont le rapport qualité/prix nous
convient et qui nous plaît beaucoup par lui-même, mais parce qu’on n’oserait pas le porter : manque de
liberté par rapport à soi-même et aux autres. La vraie liberté est toujours choix de soi par soi, création
du sens de sa propre vie. Plus la décision que nous prenons est importante, plus nous constatons que
nous seul pouvons la prendre, ce qui prouve bien que le poids des raisons n’a ici rien d’objectif (je ne
peux confier à autrui les décisions fondamentales de mon existence). Si la liberté ne peut être déléguée,
c’est précisément que son exercice est personnel et subjectif, au meilleur sens du terme. De nombreux
philosophes ont développé des idées allant dans ce sens, et notamment Nietzsche et Sartre. Mais le
grand philosophe de la liberté créatrice est, à notre sens, Henri Bergson (1859-1941), à qui la
philosophie doit quelques unes des analyses les plus éblouissantes de la vie et de la liberté.
La 1ère critique de Bergson porte sur la théorie du choix rationnel.
Nous pesons, dit-on souvent, les raisons ou les motifs. Mais de quel poids pèsent ces raisons et ces
motifs, sinon du poids que nous leur donnons nous-mêmes ?
On fait comme si les possibles entre lesquels nous hésitons avaient un poids objectif, comme si c’était
des objets empiriques que l’on pouvait comparer : illusion, ou mauvaise foi. L’idée de possible est un
leurre selon Bergson. Donner de la consistance au possible, c’est penser le futur sur le modèle du passé,
c’est nier la puissance créatrice du temps. Personne ne sait ce qui est possible, mais une fois que
quelque chose a eu lieu on dit « c’était donc possible », et on pense que c’était possible de toute
éternité. Erreur. Dans les choses humaines, ce qui est possible est ce qui a été fait.
La 2ème critique porte sur l’idée de futur.
Le futur n’est pas « devant moi » mais le temps vrai (la durée, dit Bergson) est tout autre chose que
l’espace. L’espace est étendu devant moi, homogène et découpable à l’infini. Le temps n’est pas étendu
devant moi (il se crée au fur et à mesure qu’il passe), il est hétérogène (toute minute est différente de
celle qui la précède, ne serait-ce que parce que j’ai le souvenir d’avoir vécu cette minute précédente), il
n’est pas découpable à l’infini (il y a des unités naturelles de temps, qui correspondent au rythme
naturel de notre existence physique, sensorielle, amoureuse, etc.). On le voit très bien dans l’expérience
du temps musical : on ne peut pas couper une mélodie en deux sans la détruire ; et si on répète, dans
une œuvre classique ou en jazz, une mélodie ou un thème, la seconde occurrence ne « sonnera » pas
comme la première, précisément parce qu’on a le souvenir de l’avoir déjà entendue. Autrement dit, seul
le présent compte, il n’est pas un futur et il n’est plus un passé. C’est à chaque instant que j’invente ma
vie et c’est dans cette création que j’exprime ma liberté.
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La vraie liberté est donc création, et il faut distinguer créer et fabriquer. Fabriquer c’est faire du neuf
avec du vieux, c’est réorganiser des éléments déjà disponibles. Créer, c’est faire émerger de
l’imprévisible. C’est un grand thème bergsonien : l’acte libre, l’œuvre neuve ne peuvent jamais être
prévus. L’exercice de la liberté nous surprend toujours, c’est presque un signe tangible de la liberté que
d’être surpris par elle.
IV.
Peut-on être libre ?
A. Pour Sartre, nous sommes condamnés à être libre
Dostoïevski avait écrit : "Si Dieu n'existait pas, tout serait permis." C'est là le point de départ de
l'existentialisme. En effet, tout est permis si Dieu n'existe pas, et par conséquent l'homme est délaissé, parce
qu'il ne trouve ni en lui, ni hors de lui, une possibilité de s'accrocher. Il ne trouve d'abord pas d'excuses. Si,
en effet, l'existence précède l'essence, on ne pourra jamais l'expliquer par référence à une nature humaine
donnée et figée ; autrement dit, il n'y a pas de déterminisme, l'homme est libre, l'homme est liberté. Si d'autre
part, Dieu n'existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou des ordres qui légitimeront
notre conduite. [...] Nous sommes seuls, sans excuses. C'est ce que j'exprimerai en disant que l'homme est
condamné à être libre. Condamné, parce qu'il ne s'est pas créé lui-même, et par ailleurs cependant libre,
parce qu'une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu'il fait. L'existentialisme ne croit pas à la
puissance de la passion. Il ne pensera jamais qu'une belle passion est un torrent dévastateur qui conduit
fatalement l'homme à certains actes, et qui, par conséquent, est une excuse. Il pense que l'homme est
responsable de sa passion. L'existentialisme ne pensera pas non plus que l'homme peut trouver un secours
dans un signe donné, sur terre, qui l'orientera : car il pense que l'homme déchiffre lui-même le signe comme
il lui plaît. Il pense donc que l'homme, sans aucun appui et sans aucun secours, est condamné à chaque
instant à inventer l'homme. L'homme, tel que le conçoit l'existentialisme, s'il n'est pas définissable, c'est qu'il
n'est d'abord rien. Il ne sera qu'ensuite, et il sera tel qu'il se sera fait. Ainsi, il n'y a pas de nature humaine,
puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir. L'homme est seulement, non seulement tel qu'il se conçoit
mais tel qu'il se veut, et comme il se conçoit après l'existence, comme il se veut après cet élan vers l'existence
; l'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait.
Jean-Paul Sarte, L'existentialisme est un humanisme.
Questions :
1) Quelles sont les conséquences de l’hypothèse de l’inexistence de Dieu ?
2) Quelle peut être la limite de la conception sartrienne de la liberté ?
B. La liberté est indissociable du politique
Le moment de mise en commun, le moment de la délibération qui précède la promesse, correspond
chez H. Arendt au moment de quintessence de la liberté. Le moment de liberté, qui est, selon elle,
proprement « miraculeux », est indissociable de l’espace public. Être libre, c’est apparaître devant ses
semblables, c’est voir et être vu en action et en paroles, ce qui ne peut se faire qu’entre égaux. En ce
sens, la liberté ne peut être que politique, et le politique ne peut qu’être espace de liberté. C’est
pourquoi la liberté politique « means the right to be a participator in government, or it means nothing ».
La forme historique de la polis correspond à l’espace de liberté par excellence pour H. Arendt.
Historiquement, il est intéressant de remarquer que l’apparition du problème de la liberté dans la
philosophie de Saint Augustin fut ainsi précédée par la tentative consciente de séparer de la politique la
notion de liberté, pour parvenir à une formule grâce à laquelle on pourrait être un esclave dans le monde et
demeurer libre. Conceptuellement, cependant, la liberté d’Epictète qui consiste à être libéré de ses propres
désirs n’est qu’un renversement des notions politiques courantes de l’antiquité, et l’arrière fond politique
contre lequel ce corps philosophique populaire a été formulé, le déclin évident de la liberté au bas empire,
trouve une expression très claire dans le rôle qu’y jouent des notions telles que le pouvoir, la domination, et
la propriété.
Dans la pensée antique, l’homme ne pouvait se libérer de la nécessité qu’en exerçant un pouvoir sur
d’autres hommes, et il ne pouvait être libre que s’il possédait un lieu, un foyer dans le monde.
Épictète transposait ces relations mondaines en relation à l’intérieur de l’homme lui-même, et il découvrait
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qu’aucun pouvoir n’est aussi absolu que celui que l’homme exerce sur lui-même, et que l’espace intérieur
où l’homme lutte contre lui-même et se maitrise lui-même est plus entièrement sien, à savoir plus sûrement
protégé de l’ingérence extérieure, que ne pourrait jamais l’être aucun foyer dans le monde.
En dépit de la grande influence que le concept d’une liberté intérieure non politique a exercée sur la
tradition de la pensée, il semble qu’on puisse affirmer que l’homme ne saurait rien de la liberté intérieure
s’il n’avait d’abord expérimenté une liberté qui soit une réalité tangible dans le monde. Nous prenons
conscience d’abord de la liberté ou de son contraire dans notre commerce avec d’autres, non dans le
commerce avec nous-mêmes. Avant de devenir un attribut de la pensée ou une qualité de la volonté, la
liberté a été comprise comme le statut de l’homme libre, qui lui permettait de se déplacer, de sortir de son
foyer, d’aller dans le monde et de rencontrer d’autres gens en actes et en paroles. Il est clair que cette
liberté était précédée par la libération : pour être libre, l’homme doit s’être libéré des nécessités de la vie.
Mais le statut d’homme libre ne découlait pas automatiquement de l’acte de libération. Etre libre exigeait,
outre la simple libération, la compagnie d’autres hommes, dont la situation était la même, et demandait un
espace public commun où les rencontrer – un monde politiquement organisé, en d’autres termes, où
chacun des hommes libres pût s’insérer par la parole et par l’action.
Le cœur humain, nous le savons tous, est un lieu très obscur, et tout ce qui se passe dans son obscurité ne
peut être désigné comme un fait démontrable. La liberté comme fait démontrable et la politique coïncident
et son relatives l’une à l’autre comme deux côtés d’une même chose.
Hannah Arendt, La Crise de la culture, « Qu’est-ce que la liberté ? »
Évidemment, l’espace d’apparence où se déploie la liberté n’est ni garanti par une autorité extra
mondaine ni par un recours à un quelconque absolu. Dans cette définition, la liberté est indissociable du
moment politique, et seule la promesse « lie les hommes entre eux ».
Mais H. Arendt donne également une autre définition de la liberté. Dans cette seconde version, la
liberté est définie comme une potentialité de l’être humain. Elle est la capacité de commencer quelque
chose de nouveau. Suivant en cela Saint Augustin, H. Arendt soutient que la liberté de l’être humain est
une capacité proprement ontologique : « l’homme est libre, parce qu’il est un nouveau commencement
»1. La liberté est la capacité humaine d’interrompre les processus causaux qui gouvernent la vie, du
moment que s’efface le principe qui préside à chaque nouveau commencement. La liberté est ici
synonyme de spontanéité. Cette « liberté consiste en ce que nous appelons la spontanéité, soit, d’après
Kant, le fait que chaque homme est capable de débuter lui-même une série. [...] la liberté d’action
signifie la même chose que poser-un-commencement-et-débuter-quelque-chose. » 2 Selon cette
seconde définition, la liberté est un « pouvoir-commencer».
Les deux conceptions de la liberté ne sont pas incompatibles. La liberté n’existe que lorsque les hommes
sont ensemble, lorsqu’ils forment des communautés politiques où se libère la parole leur permettant
d’entreprendre en commun quelque chose de nouveau. Mais une fois que se séparent les hommes, une
fois que le moment d’action, de liberté initiale, est terminé, alors la liberté demeure sous sa forme
potentielle, forme qui restera à actualiser à nouveau dans le futur. H. Arendt reconnaît que cette
seconde forme, « la liberté de la spontanéité est encore pour ainsi dire prépolitique, quand bien même
sans elle toute liberté politique perdrait-elle son sens le meilleur et le plus profond. »3 La véritable
liberté est donc indissociable du moment de fondation de l’espace public, et disparaît dès la fin de ce
moment initial. Le concept de pouvoir est défini par H. Arendt exactement de la même façon. Il émerge
quand les hommes se rassemblent, et retrouve son caractère de potentialité quand les hommes se
séparent. En ce sens, liberté et pouvoir sont pratiquement synonymes. Ce qui donne une fragile
permanence à ce moment fugace de liberté, c’est la mémoire de l’évènement.
1
H. Arendt, La crise de la culture, Paris, Gallimard.
H. Arendt, Qu’est-ce que la politique ?, p. 88.
3
H. Arendt, Qu’est-ce que la politique ?, p. 90
2
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