Chapitre 33 du GARGANTUA DE RABELAIS
Publié le 15/05/2020
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Chapitre 33 du GARGANTUA DE RABELAIS
COMPRÉHENSION
1.
L'entretien devient une scène de comédie.
Il est conçu selon unetechnique théâtrale : brève entrée en scène des capitaines dont les flatterieséveillent l'intérêt du roi (« le plus chevalereux prince »).
Une seule phraserègle le sort de Grandgousier, « facilement déconfit » par une partie del'armée, puis les conseillers décrivent la marche victorieuse de l'autre partiede l'armée jusqu'au Portugal, accumulant les noms des villes et des paysconquis.
Après le passage de « l'étroit de Sibyle », baptisé « mer Picrocholine», villes et pays deviennent peu à peu exotiques.
Le récit des conseillers,qu'on ne distingue pas les uns des autres, est continuellement scandé par lesinterruptions de Picrochole, devenu un jouet qu'ils manoeuvrent à leur guise.L'échange rapide des répliques, indiqué par les « dirent-ils », « dit-il »,incessamment repris, fait de ce long récit un perpétuel dialogue et soulignel'automatisme de Picrochole.
La campagne de la deuxième armée, plusrapidement tracée, et consacrée au nord de l'Europe, énumère, dans unvertige sonore, tous les pays slaves connus.
L'armée va du nord au sud, puisà l'est pour retourner au nord et retraverse l'Europe pour aboutir àConstantinople.
L'intervention d'Échéphron, le sensé, « vrai routier de guerre», marque le troisième acte.
L'évidence de sa réplique (« n'est-ce mieux que dès maintenant nous reposons, sans nous mettre en ces hasards ? ») va brutalement ramener à la réalité le roi,dont l'aveu (« Je ne crains que ces diables de légions de Grandgousier ») montre l'absurdité de ces rêves deconquête.
Mais ce sage, que les imaginatifs conseillers traitent de fou, ne convainc pas Picrochole, et le rideautombe sur son départ précipité.
La variété des entractes, à l'intérieur d'un paragraphe (les énumérations, dans lepremier, sont coupées par un juron, une parenthèse) ou entre les paragraphes, les exclamations et les questionsrelèvent d'une technique dramatique.
Le dialogue, par ailleurs, suggère souvent des attitudes, des gestes bouffons,des mimiques (« couvrez »).
Tout concourt ainsi à donner au lecteur l'illusion de la comédie.
2.
Les personnages
- Picrochole : si Rabelais réussit à faire d'un récit une scène de farce mouvementée, pleine de péripéties, c'est queles personnages sont vivants et vrais.
Picrochole n'est pas un conquérant réellement ambitieux.
Ses soucis sontsurtout ceux d'un vaniteux : il veut montrer sa magnanimité à l'égard de Barberousse, ou marquer son dédain aupape (« je ne lui baiserai jà sa pantoufle »), satisfaire quelques curiosités (« J'irais [...] volontiers à Lorette ») ; il sesoucie de ses aises (« Que boirons-nous par ces déserts ? », .« Nous ne bûmes point frais »).
Il n'a pas l'imaginationde ses conseillers.Vite décontenancé, il remet en question la conquête du monde pour des détails absurdes ; ses objections ridiculesmontrent qu'il n'a ni sens des réalités, ni logique.
Il est enfin incapable de motiver sérieusement son désir deconquérir le monde.
On a souvent vu en lui une caricature de Charles Quint et de sa politique impérialiste.
Bien desallusions satiriques au cours de la guerre Picrocholine invitent à le croire.
Cependant Picrochole n'est pas une simpleabstraction personnifiée, et le burlesque du personnage ne nuit pas à sa vérité humaine.
C'est un esprit chimérique,un faible, et un sot.
C'est aussi un mauvais roi qui ne sait pas choisir ses conseillers.
Au total un homme dangereux.- Les conseillers : capitaines aux noms cocasses (la vulgarité du nom contraste avec le titre de noblesse : « duc deMenuail »), ils sont essentiellement des flatteurs.
Ils célèbrent la science militaire de leur roi (« faits à votreintention »), sa perspicacité (« comme trop mieux l'entendez ») et font appel à sa cupidité (» argent à tas ») et àson orgueil (« votre nom »).
Ils sont intéressés, car ils s'attendent à des profits certains.
Picrochole, d'ailleurs, lesrécompense par avance (« Je vous donne la Carmaigne, Syrie et toute la Palestine »).
Mais ce sont surtout, commeleur roi, des esprits romanesques, naïfs, dépourvus de tout bon sens, qui se laissent griser par les chimères qu'ilscréent et auxquelles ils finissent par croire.
Ils se prennent pour de grands stratèges.
Leur exaltation se traduit parles énumérations vertigineuses de pays conquis, par leurs réponses rapides aux objections, celle de Menuailnotamment, où tous les verbes expriment des mouvements furieux (« je rue, je frappe, j'attrape, je tue, je renie !»).- Échéphron : homme sensé qui a l'expérience de la guerre, il n'est pas seulement là pour tirer la leçon de la scène.C'est un personnage vrai : il s'est tu longtemps, pour voir jusqu'où irait le rêve, et ne met pas en doute lesconquêtes, probablement par méfiance, car il connaît l'emportement du roi.
Il ne les condamne pas au nom de lamorale, mais il en démontre l'inefficacité, ce qui est habile.
Il n'en est pas moins traité de « rêveux » par les autres,qui laisseront croire à Picrochole que la décision vient de lui seul.Les rapports du roi et de ses conseillers restent constamment dans le registre comique : toute la scène est,d'abord, conçue comme une parodie.3.
La parodie est, au départ, une transposition du dialogue de Plutarque, où Pyrrhus, maître de lui-même, voit sonambition critiquée par Cinéas.
Picrochole ici est avant tout un pantin ridicule, dépourvu de tout empire sur soi.
Lesconquêtes de Pyrrhus restaient dans le domaine du possible, celles de Picrochole sont des rêves burlesques, et safolie des grandeurs est condamnée par le rire.Une géographie fantaisiste : la géographie d'humaniste qu'elle nous propose est en elle-même une source de.
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