CHAPITRE 3 : La science dévoile-t-elle la nature ?
Publié le 03/05/2024
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«
CHAPITRE 3 : La science dévoile-t-elle la nature ?
III) Prendre l’homme pour objet : le cas des sciences humaines
La question qui sera le fil directeur de cette partie est la suivante : Les sciences
humaines doivent-elle prendre pour modèle les sciences de la nature ?
Pour cela, nous étudierons deux conceptions qui s’opposent, celle de Durkheim et
celle de Dilthey, théorisées toutes deux vers la fin du XIXème siècle.
Ce qui les
oppose, au fond, c’est la question de la liberté humaine.
Si on considère que
l’homme est déterminé par son environnement social, alors on peut penser
trouver dans les phénomènes sociaux la même régularité que dans les phénomènes
naturels (Durkheim).
Mais si on s’attache à penser que l’homme est libre de chacun
de ses choix, alors on cherche certes à comprendre les raisons pour lesquelles il
agit, mais on ne prétend pas pouvoir déceler des causes mécaniques qui soustendraient les phénomènes sociaux (Dilthey).
Définissons d’abord les sciences humaines.
Ce sont l’ensemble des sciences qui
prennent l’homme, en tant qu’il a un langage et une culture, comme objet d’étude.
A ce titre l’anatomie et la biologie ne sont pas des sciences humaines.
En revanche sont des sciences humaines : l’histoire, la géographie (quand elle
s’intéresse à l’occupation humaine des régions), la psychologie, la sociologie,
l’anthropologie, les sciences politiques, l’économie … etc
Les sciences humaines s’intéressent à des phénomènes sociaux, c’est-à-dire les
événements, faits et tendances qui se produisent au sein d’une société.
(Ainsi la
réparation socio-spatiale des habitations dans une région, les guerres, la spéculation, le don,
le mariage… sont des phénomènes sociaux)
A) Les phénomènes humains et les phénomènes naturels peuvent s’étudier grâce
aux mêmes méthodes, si on les prend comme des faits objectivables.
(Durkheim)
Texte 1.
Durkheim est un sociologue.
Ainsi, les modèles scientifiques qu’il présente, c’est à la
sociologie qu’il veut les appliquer.
Il propose d’appliquer la méthode expérimentale
aux faits sociaux.
Il s’agit ainsi de reproduire une expérience un grand nombre de
fois pour identifier des causes produisant invariablement les mêmes effets.
L’expérimentation revêt deux aspects différents.
Elle peut être directe ou indirecte.
L’expérimentation directe, c’est celle que l’on peut reproduire soi-même
artificiellement.
On élabore une expérience qui nous permettra d’observer tel ou tel
phénomène social.
Ainsi Milgram étudie-t-il la soumission à une autorité par une expérience dont il
fixe lui-même les paramètres (paramètres qu’il peut modifier, il pense d’ailleurs 24
1
variations
de
son
expérience).
Voir
la
vidéo de
Science
https://www.youtube.com/watch?v=7Vy1Cg5O5Pc&ab_channel=ScienceEtonnante
étonnante :
L’expérimentation indirecte a lieu dans le cas où il est impossible (matériellement ou
éthiquement) de provoquer le phénomène social que l’on se propose d’étudier.
On
ne peut par exemple ni provoquer des mariages, ni matériellement reconstituer une
expérience à l’échelle de toute une ville (pour voir, par exemple, quel rôle la
répartition spatiale peut jouer dans les résultats scolaires).
Durkheim propose donc d’avoir recours à des analyses statistiques, ce qu’il appelle
la méthode comparative.
Il s’agit de comparer des données, et chercher à établir
des liens entre différents facteurs.
Ainsi des statistiques sur les résultats scolaires par
quartier d’une ville peuvent nous permettre de savoir si le phénomène social de la
répartition géographique a un lien avec le phénomène social « réussite scolaire ».
On cherche à déceler des variations concomitantes.
Les variations concomitantes,
ce sont en fait des corrélations.
Si on voit que le quartier y de tel ville a des résultats
scolaires sensiblement meilleurs que le quartier z, on sera tenté de conclure qu’il y a
un lien entre les deux.
Cela ne veut pas nécessairement dire que le quartier en luimême est cause de la réussite ou de l’échec.
La causalité peut être ailleurs, ici, on
pourrait dire que le niveau de revenu influe autant sur le quartier d’habitation que sur
le niveau scolaire.
Mais on a tout de même postulé de la causalité dans les phénomènes sociaux.
C’est-à-dire que des phénomènes peuvent causer mécaniquement d’autres
phénomènes.
De la sorte, la sociologie étudierait des lois régissant les phénomènes,
de la même manière que la physique.
Le cas le plus étudié par Durkheim fut sans doute le suicide.
En 1897, il publie
l’ouvrage Le Suicide.
Sa théorie est que c’est l’isolement social qui cause le suicide.
Au niveau statistique (non individuel), l’isolement social entraîne le suicide.
On
observera avec la même régularité que pour une loi physique que le taux d’isolement
social dans une population entraîne un taux de suicide proportionnellement stable.
L’idée qui fonde cette manière de voir de concevoir la sociologie, c’est le
déterminisme social.
Le comportement des individus est déterminé par leur
environnement social, donc il peut être étudié, et même il est prévisible.
Un
environnement particulier entraîne un comportement déterminé.
Il n’y a donc pas de
hasard, d’aléatoire, dans les phénomènes sociaux.
De la même manière, cette
manière de voir est incompatible avec l’affirmation d’une totale liberté humaine.
Si
vous êtes déterminé dans vos comportements par votre environnement, cela signifie
que chaque action que vous posez n’est pas le résultat d’un choix libre et
absolument individuel.
Ainsi, pour ceux qui postule une liberté humaine primordiale, l’étude de l’homme
doit nécessairement se distinguer de l’étude des phénomènes naturels.
C’est le cas
notamment du philosophe Dilthey.
2
B) Mais si on postule une liberté humaine, absente dans la nature, alors les sciences
humaines diffèrent des sciences de la nature.
(Dilthey)
Texte 2.
Dilthey, à l’inverse, refuse de calquer le mode de fonctionnement des règnes de la
nature (physico-chimique et biologique) au règne du monde social, qui est dominé
par une vie psychique (c’est-à-dire de l’esprit humain) dans laquelle existe la
liberté.
Ainsi il propose des modes d’étude qui diffèrent en sciences humaines et en
sciences de la nature.
Dans les sciences de la nature, on explique les phénomènes.
Expliquer, c’est
rendre compte d’un phénomène en le rapportant à une loi générale.
Il existe un
rapport mécanique de cause à conséquence dans le monde de la nature.
Rien ne
s’intercale entre la cause et l’effet, ainsi une cause entraîne nécessairement un
même effet.
Dans les sciences humaines, ce paradigme de connaissance ne s’applique pas.
Il n’y
a pas de rapport de causalité mécanique entre les phénomènes humains sociaux.
C’est qu’il faut, c’est tenter de comprendre.
Comprendre, c’est chercher à
déterminer la raison d’être d’un phénomène, l’intention qui se trouve derrière.
Le
travail de compréhension demande une interprétation du phénomène, c’est-à-dire
qu’on en cherche le sens.
Etudier l’homme, c’est étudier un sujet libre et conscient,
qui donne du sens à ses actions.
Si on peut tâcher de retrouver ce sens, on ne peut
pas dire, pour....
»
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