CHAPITRE 27 de CANDIDE DE VOLTAIRE (lecture analytique)
Publié le 15/05/2020
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CHAPITRE 27 de CANDIDE DE VOLTAIRE (lecture analytique)
COMPRÉHENSION
1.
Candide n'évolue pas vraiment.
La discussion du début le prouve : il interprète mal le sens de la scène précédente (les rois déchus).Il y voit une leçon de relativité (- il y a plus malheureux que moi, donc je suis heureux) ; il continue à croire au miracle (" je vole dansles bras de Cunégonde " ; " l'aventure peu vraisemblable ") ; il ne perçoit pas que les rois déchus illustrent l'évolution fatale de sapropre destinée (cf.
chapitre précédent, 6.) ; il ne cesse d'aligner des arguments pour s'autosuggérer sa chance, face au pessimismede Martin : Cunégonde représente cette fiction mentale de Candide, qui ne veut pas entendre la réalité ; il continue, enfin, à croire qu'ily a un moyen objectif pour" peser " les malheurs et comparer (§ 3).Du point de vue psychologique, il reste crédule, avec un fond de bonté compatissante et d'honnêteté (" mon devoir...
").
Bien qu'ilcommence à projeter son optimisme sur un futur (et non plus sur l'immédiat, continuellement), il garde sa foi en Pangloss : il croit quel'histoire des rois déchus est un détail, un cas particulier, qui n'entache pas le bien général.
Sa naïveté tourne même à l'aveuglement :il a beau savoir que Cunégonde est laide et dégradée, il ne veut pas le croire.
Cette politique de l'autruche peut être saisie de deuxmanières : Candide vit dans l'illusion du futur et a transféré le rêve du passé dans l'hypothèse du lendemain qui chante ; ou bien, aucontraire, Candide sent que son système s'écroule de tout côté (noter les deux dernières remarques des § 2 et 3) et il se joue, plus oumoins consciemment, la comédie.2.
C'est ainsi qu'on peut percevoir une évolution sur le plan des idées.
D'abord Candide renonce à trouver l'optimisme dans les faitsprésents ou passés : il ne lui reste que le futur pour garder sa foi.
Il va le retrouver, en reconstituant le personnel de T.-t-T....
dans unegalère ! Martin exerce une influence en montrant l'étendue du mal sur terre et l'illogisme total de l'histoire (" cela n'est pas plusextraordinaire...
").
C'est Candide lui-même qui reformule simplement la pensée de Martin, en parlant d'" épouvantables calamitésenchaînées les unes aux autres " ou en avouant (" cela pourrait bien être ") qu'il y a des " millions d'hommes " à plaindre.
De même, ilexprime des regrets : " mais comment peut-elle...
" ; " c'est bien dommage que...
".
On a le sentiment qu'il est à demi conscient et qu'ilreste un peu en retard sur Martin, mais il évolue vers lui.
Il s'interroge, en tout cas, et demande à être éclairé (" que pensez-vous...
")sur lui-même.3.
Bien entendu, ces retrouvailles du monde idéal de Candide (celui du chapitre I) dans une galère ont un caractère fortement ironique.Pangloss et le baron retrouvent leur place dans la fiction que Candide entretient en lui : " un des premiers barons de l'Empire ", " leplus profond métaphysicien " (§ 6).
On observera que, de façon symbolique, cette reconnaissance provoque aussitôt un malheursupplémentaire (" chien de chrétien, répondit le lévanti patron...
").Pangloss s'extasie, comme toujours, et baigne dans une joie béate (" mon cher Candide ", " se jeta aux pieds " baigna de larmes ") : ilsemble toujours hors du réel et est incapable de répondre aux questions concrètes qui lui sont posées (" comment êtes-vous en vie...
?").
Le baron, lui, cherche à reconstituer la cellule aristocratique de sa famille (" ma chère soeur ") et ne veut rien devoir à un roturier ("signe de tête ", " promit de rendre ").
Seul Candide continue à prendre au sérieux ces deux personnages : pour tous les autres(Cacambo, Martin, le lévanti patron), ils ne sont que ce qu'ils paraissent (" quoi ! c'est là ce grand philosophe ? ) " ou ce qu'ils valent(en " sequins ").
Pourtant Candide devrait bien voir que le monde de T.-t-T.
a changé et que les rapports sont inversés : Panglosslibéré, le baron débiteur : tous deux devenus les obligés de celui qu'ils méprisaient.
Candide est donc aveugle : on notera d'ailleursqu'il laisse s'amenuiser ses richesses rapportées de l'Eldorado avec beaucoup d'insouciance.4.
Les circonstances romanesques reposent sur plusieurs procédés :— l'exotisme du décor oriental (la galère turque, la mer Noire, le " lévanti patron " ; — le jeu des retrouvailles miraculeuses ;— l'accélération des événements (même le bateau file " plus vite qu'un oiseau ") qui en souligne l'extravagance ;— l'expressionisme des sentiments (émerveillement, souhaits, attendrissement, fierté, stéréotypes des réactions, euphorie, etc.) ;— les réactions guidées par l'émotion et non la raison (pitié de Candide poussée par un " mouvement naturel ", larmes de Pangloss,etc.) ;— rapports entre les êtres systématisés et gestuels ;— parodie directe des scènes de romans d'aventures (pirates, enlèvement, errance des captifs, rachat d'esclaves, rôle des banquiersjuifs, etc.) ;— le héros fidèle, honnête, remplissant à la fois son " devoir " social et sentimental, généreux (il pardonne au baron) et à la poursuitede sa " belle " (pourtant devenue une laide laveuse d'écuelles).5.
L'humour repose sur des discordances :— dans des rencontres de mots inattendues : voir par exemple, les paroles de Martin sur Cunégonde, s'opposant à celles de Candide(§ 2) ; les termes par lesquels Candide nomme le " lévanti patron " (Seigneur, Monsieur le lévanti patron) qui lui répond " chien dechrétien " ; les questions de Candide aux miraculés (dernier §) ; la réponse de Cacambo au baron hautain (" est-il bien possible quema soeur soit en Turquie "/" elle récure la vaisselle chez un prince ") ; la théorie du lévanti patron : " puisque ces deux chiens...
50 000sequins » ;— dans les situations " Candide retrouvant ceux qu'il a tués ou vu mourir ; Martin ne reconnaissant pas le Pangloss dont il a tantentendu parler ; la situation du philosophe et du baron face au maître de la galère et de Candide (comique de renversement) ; lescomportements caricaturaux (usuriers juifs, galérien oriental, morgue du baron, etc.
: cf.
ci-dessus les traits de parodie romanesque) ;l'attente noble du héros en quête d'une belle qui n'est plus qu'une souillon.6.
L'oxymore, par exemple :— obscure clarté (cf.
Corneille) ; modeste gloire (ou humble, basse, obscure) ; — horrible beauté (ou affreuse, repoussante, laide) ;solitude peuplée (ou remplie, partagée) ; foule solitaire (ou infime, minime) ; colère paisible (ou froide, calme, sereine) ; humilitévaniteuse (ou glorieuse, oppressive) ; joie douloureuse (ou attristée) ; douleur agréable (ou plaisante, douce, jouissive).On fera aisément constater aux élèves que la réunion des incompatibles ne crée pas forcément la contradiction ou l'aberration, et quel'oxymore a une valeur (outre l'ironie) hautement signifiante..
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