CHAMFORT conclut ainsi son Éloge de Molière (1766) : N'existerait-il pas un point de vue d'où Molière découvrirait une nouvelle carrière dramatique ? Répandre l'esprit de société fut le but qu'il se proposa. Arrêter ses funestes effets serait-il un dessein moins digne d'un sage ? Verrait-il sans porter la main sur ses crayons l'abus que nous avons fait de la société et de la philosophie, le mélange ridicule des conditions, cette jeunesse qui a perdu toute morale à quinze ans, toute se
Publié le 09/12/2021
Extrait du document
Aventurier et bohème, CHAMFORT (1740-1794) commence par s'étourdir de plaisirs. Mais il ne tarde pas à comprendre que le commencement de la sagesse est la crainte des hommes. Alors, comme Alceste, il poursuit de ses analyses cruelles les vices et les ridicules de la société de son temps. Son oeuvre la plus connue est les Maximes, caractères et anecdotes (éditée après sa mort). Cependant, l'Académie française couronna son Éloge de Molière (1766). CHAMFORT écrit donc à une époque où règne la littérature à thèse. Les tragédies de VOLTAIRE sont écrites pour dénoncer le fanatisme... Certes, le XVIIe siècle avait la volonté d'instruire, mais cette volonté demeurai-dans l'ensemble assez générale pour ne pas transformer l'art en prédication. Aussi devrez-vous considérer avec quelque scepticisme l'affirmation abrupte : Répandre l'esprit de société fut le but qu'il se proposa. Votre scepticisme sera d'autant plus profond qu'on ne connaît guère de grand homme de théâtre qui ait créé des personnages avec une perspective aussi étroite. CHAMFORT fait bon marché de la spontanéité créatrice du génie. Toute grande oeuvre théâtrale est ambiguë.
«
CHAMFORT conclut ainsi son Éloge de Molière (1766) : N'existerait-il pas un point de vue d'où Molière découvriraitune nouvelle carrière dramatique ? Répandre l'esprit de société fut le but qu'il se proposa.
Arrêter ses funesteseffets serait-il un dessein moins digne d'un sage ? Verrait-il sans porter la main sur ses crayons l'abus que nousavons fait de la société et de la philosophie, le mélange ridicule des conditions, cette jeunesse qui a perdu toutemorale à quinze ans, toute sensibilité à vingt, cette habitude malheureuse de vivre ensemble sans avoir besoin des'estimer ? Vous étudierez cette conclusion et réfléchirez sur les voies qui s'offrent à un dramaturge pourdénoncer la société qui l'entoure.
Préparation de la dissertation
A.
Qui est Chamfort?
Aventurier et bohème, CHAMFORT (1740-1794) commence par s'étourdir de plaisirs.
Mais il ne tarde pas àcomprendre que le commencement de la sagesse est la crainte des hommes.
Alors, comme Alceste, il poursuit deses analyses cruelles les vices et les ridicules de la société de son temps.
Son oeuvre la plus connue est lesMaximes, caractères et anecdotes (éditée après sa mort).
Cependant, l'Académie française couronna son Éloge deMolière (1766).CHAMFORT écrit donc à une époque où règne la littérature à thèse.
Les tragédies de VOLTAIRE sont écrites pourdénoncer le fanatisme...
Certes, le XVIIe siècle avait la volonté d'instruire, mais cette volonté demeurai-dansl'ensemble assez générale pour ne pas transformer l'art en prédication.
Aussi devrez-vous considérer avec quelquescepticisme l'affirmation abrupte : Répandre l'esprit de société fut le but qu'il se proposa.
Votre scepticisme serad'autant plus profond qu'on ne connaît guère de grand homme de théâtre qui ait créé des personnages avec uneperspective aussi étroite.
CHAMFORT fait bon marché de la spontanéité créatrice du génie.
Toute grande oeuvrethéâtrale est ambiguë.
B.
Comprendre le sujet
Vous pouvez réduire aisément ces lignes, quelque peu académiques, à une affirmation et à une question :a) Répandre l'esprit de société fut le but de MOLIÈRE;b) En 1766, MOLIÈRE n'attaquerait-il pas l'abus que nous avons fait de la société et de la philosophie?Pour CHAMFORT, la philosophie n'est qu'un masque, une forme particulière du mensonge social.La formule « vous étudierez » vous laisse toute liberté pour donner votre avis sur la conclusion de CHAMFORT.
Deuxpoints se dégagent donc immédiatement :
I.
Le point de vue de Chamfort (a et b);II.
Chamfort a-t-il bien compris Molière ?
Vous vous en tiendriez là si l'on ne vous invitait à élargir le sujet et à réfléchir sur les possibilités théâtrales quis'offrent à un dramaturge désireux de refuser la société qui l'entoure.
Ajoutez donc :
III.
Théâtre et contestation de la société existante.Pour ce dernier point, vous ferez appel à votre culture.
Vous avez vu des pièces, au théâtre, à la télévision.
Tentezde dégager quelques-unes de ces attitudes de refus.
Ce faisant, vous découvrirez chez Molière certaines richessesque vous aviez peut-être mal discernées.
Mise en forme de la dissertation
IntroductionOn a porté sur MOLIÈRE, comme sur tous les grands dramaturges, les jugements les plus contradictoires.
Dans sonÉloge de Molière (1766), CHAMFORT prétend que répandre l'esprit de société fut le but qu'il se proposa et sedemande s'il verrait sans porter la main sur ses crayons l'abus que nous avons fait de la société et de la philosophie.Ce moraliste voit donc en MOLIÈRE un auteur de pièces à thèse : à une époque encore agitée le dramaturgeproposa un idéal de civilité et de juste milieu; mais face à la corruption raffinée du XVIIIe siècle, Molière n'aurait-ilpas rejoint Rousseau pour arrêter les funestes effets de l'esprit de société?Pareil jugement inquiète.
S'il peut s'appuyer sur quelques aspects du théâtre de Molière, CHAMFORT n'a-t-il pasméconnu sa richesse, sa variété, et en particulier une dénonciation de la société qui annonce les grandes oeuvresdu XIXe et du XXe siècle?
Développement rédigé
I.
Le point de vue de Chamfort
La conclusion que donne CHAMFORT, moraliste du XVIIIe siècle, à son Éloge de Molière tend naturellement à faire deMOLIÈRE l'auteur d'un théâtre à but moral.1.
« Raisonneurs » de Molière.
Répandre l'esprit de société, tel serait le but du dramaturge.
Il est bien celui decertains personnages de MOLIÈRE, les raisonneurs, sages par nature et par volonté, désireux d'une vie tranquilledans une société sans heurts.
Il leur suffit de supporter les autres et de se montrer soi-même supportable.
Philinte,en face du Misanthrope, est leur porte-parole :.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Alors qu'il cherchait vainement un éditeur pour A la recherche du temps perdu, Proust écrivait en 1913, à la Nouvelle Revue française : Le point de vue métaphysique et moral prédomine partout dans l'oeuvre. Quelles réflexions vous inspire cette affirmation, si vous considérez plus particulièrement Du côté de chez Swann, qui parut à la fin de cette même année ?
- Illustrer le jugement de Perrault à propos des contes : « ces bagatelle n'est pas de pure bagatelles que sa renferme une morale utile et que le récit enjoué dont elles sont enveloppées n'ont été choisies que pour les faire entrer dans l'esprit et d'une manière qui instruit et divertit tout ensemble ».
- Jean Rouaud écrit : Nous n'avons jamais vraiment écouté ces vieillards de 20 ans dont le témoignage nous aiderait à remonter les chemins de l'horreur. Entre ce témoignage vécu et la fiction, quel est selon vous,l e meilleur moyen de dénoncer la guerre ? Vous développez votre opinion en prenant appuis sur l'ensemble du corpus et sur d'autres oeuvres (littéraires, cinématographiques, picturales) que vous avez abordées en classe ou personnellement.
- Le point de vue de Sganarelle Acte III, scène 1 - Dom Juan de Molière
- Quelles réflexions vous inspirent ses affirmations de Beaumarchais sur la tâche de l'auteur dramatique : « Les vices, les abus, voilà ce qui ne change point mais se déguise en mille formes sous le masque des moeurs dominants : leur arracher ce masque et les montrer à découvert, telle est la noble tâche de l'homme qui se voue au théâtre [...] » ?