C.E. 9 mars 1951, SOCIÉTÉ DES CONCERTS DU CONSERVATOIRE, Rec. 151
Publié le 01/10/2022
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«
PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT
C.E.
9 mars 1951, SOCIÉTÉ DES CONCERTS
DU CONSERVATOIRE, Rec.
151
(S.
1951.3.81, note C.
H.;
Dr.
Soc.
1951.368 , concl.
Letourneur, note Rivero)
Cons.
qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la sanction
infligée par le comité de direction de la société des concerts du
Conservatoire, conformément aux statuts de celle-ci, à deux membres
de cette association qui, au lieu d'assurer leur service dans son
orchestre, ont malgré la défense qui leur en avait été faite, prêté leurs
concours à un concert organisé à la Radiodiffusion française le
15 janv.
1947, l'administration de la Radiodiffusion française a décidé
de suspendre toute retransmission radiophonique des concerts de la
société requérante jusqu'à ce que le ministre chargé des Beaux-Arts se
soit prononcé sur la demande de sanction qu'elle formulait contre le
secrétaire général de ladite société;
Cons.
qu'en frappant la société requérante d'une mesure d'exclusion
à raison des incidents susrelatés sans qu'aucun motif tiré de l'intérêt
général pût-justifier cette décision, l'administration de la Radiodiffusion
française a usé de ses pouvoirs pour un autre but qza! celui en vue duquel
ils lui sont conférés et a méconnu le principe d'égalité qui régit le
fonctionnement des services publics et qui donnait à la société requé
rante, traitée jusqu'alors comme les autres grandes sociétés philharmo
niques, vocation à être appelée, le cas échéant, à prêter son concours
aux émissions de la radiodiffusion; que cette faute engage la responsa- .
bilité de l'État; que, compte tenu des éléments de préjudice dont la
justification est apportée par la soci,été requérante, il sera fait une,, juste
appréciation des circonstances de la cause en condamnant l'Etat à
payer à la société des concerts du Gonservatoire une -indemnité de
.50 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 24 févr.
1947, date de
la réception de sa demande de dommages-intérêts par Je président du
conseil des ministres; ...
(Annulation; indemnité).
OBSERVATIONS
Des sanctions ayant été prises contre des membres de l'or
chestre de la société du Conservatoire parce qu'ils avaient prêté
leur concours à un concert organisé par la Radiodiffusion
française au lieu d'assurer leur service, l'administration de la
radiodiffusion en guise de représailles, refusa momentanément
ses antennes à cette société.
Saisi de ce!te affaire par la voie
d'un recours en indemnité, le Conseil d'Etat condamna l'admi
nistration, en considérant qu'elle avait commis un, détourne
ment de pouvoir et méconnu le « principe d'égalité qui régit le
fonctionnement des services publics ».
Cet arrêt et les conèlusions sur lesquelles il a été rendu
consacrent la théorie des « principes généraux du droit », dont
la jurisprudence antérieure s'était souvent inspiré sans la nom
mer expressément, sauf en de rares-occasions (cf.
C.
E.
26 oct.
1945, Aramu, Rec.
213; S.
1946.3.1, concl.
Odent; D.
1946.158,
note Morange; Et.
et Doc.
1947.48, concl.
Odent; - 29 avr.
1949, Bourdeaux, Rec.
188).
Selon la définition du président
, Bouffandeau, les principes généraux du droit sont « des règles
de droit non écrites, ayant valeur législative, et qui, par suite,
s'imposent au pouvoir réglementaire et à l'autorité administra
tive, tant qu'elles n'ont pas été contredites par une disposition
de loi positive; ...
mais ces règles ne peuvent pas être r-egardées
comme faisant partie d'un droit public coutumier, car, pour la
plupart, la constatation de leur existence par le juge adminis
tratif est relativement récente.
En réalité, il s'agit d'une œuvre
constructive de la jurisprudence, réalisée pour des motifs supé
rieurs d'équité, afin d'assurer la sauvegarde des droits indivi
duels des citoyens» (cité in : Letourneur,, Les « prinçipes géné
raux du droit» dans la jurisprudence du Conseil d'Etat, Et.
et
Doc.
1951.19).
Il s'agit au fond d'une méthode d'interprétation
qui tend à présumer chez le législateur la volonté de respecter
les libertés essentielh�s de l'individu à une époque où elles se
trouvent particulièrement menacées.
,
Comme le déclarait le commissaire du gouvernement Letour-
neur, la jurisprudence admet aujourd'hui « qu'à côté,des lois
·écrites existent de grands principes dont la reconnaissance
comme règles de droit est indispensable pour compléter le
cadre juridique dans lequel doit évoluer la nation, étant don~
nées les institutions politiques et économiques qui sont les
siennes, et dont la violation a les mêmes conséquences que la'
violation de la loi écrite, c'est-à-dire l'annulation de l'acte
intervenu en leur méconnaissance et la constatation d'une faute à la charge de l'autorité ayant pris cet acte» (sur la nature
juridique des principes généraux du droit, v, nos observations
sous l'arrêt du 26 juin 1959, Syndicat général des ingénieursconseils *).
L'arrêt Société des concerts du Conservatoire consacre le
« principe d'égalité qui régit le fonctionnement des services )
publics » : toutes les personnes se trouvant placées dans une
situation identique à l'égard du service yublic doivent être ,
régies par les mêmes règles.
Le Conseil d'Etat a ainsi consacré 11
le principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques
{JO nov.
1923, Couitéas*; ~ 14 janv.
1938, Société anonyme
des produits laitiers La Fleurette*; - 7 févr.
1958, Syndicat des
propriétaires de forêts de chênes-lièges d'Algérie, Rec.
74; A.
J,
1958.11,130, concl.
Grévisse; - 4 nov, 1961, Syndicat du
personnel de l'Assemblée de l'Union française, Rec.
596, concl.
M, Bernard; A.
J.
1960.I,188, chr.
Galabert et Gentot; Rec.
Penant, 1961.61, concl.
M.
Bernard, consult, Vedel); celui de
l'égalité devant l'impôt {4 févr.
1944, Guieysse, Rec.
45;
R.
D.
P.
1944.158, concl.
Chenot, note Jèze; - 21 févr.
1958,
Société nouvelle des établissements Gaumont, Rec.
124;
S, 1958.281, concl.
Jouvin; - 22 févr.
1974, Association des
maires de France, Rec.
136; D, 1974.520, note Durupty;
c_ J.
E.
G.
1974.J.77, concL Gentot; A.
J.
1974.269, note MouIié); celui de l'égalité des us'agers du §ervice public (Ier avr,
1938, Société L'Alëool ·denarurê, Rec.
337; R.
D.
P.
1939.487;
concl.
Latournerie; - 25 juin 1948, Société du journal !'Aurore*; - 6 janv.
1967, Ville d'Elbeuf, Rec.
l; J, C.
P,
1967.11.15019, concl.
Galmot; A.
J.
1967.347, note Laporte) où
du domaine public (2 nov.
1956, Biberon, Rec.
403, concl.
Mosset); celui de l'égalité devant la réglementation économique
(26 oct.
1949, Ansar, Rec.
433; - 22 mars 1950, Société des
ciments français, Rec.
175); celui de l'égalité entre les candidats
à un concours (19 oct.
1960, Beaufort, Rec.
545, concl.
Braibant; - 9 nov.
1966, Commune de C/ohars-Camoet, Rec.
591;
D, 1967.92, concl.
Braibant; R.
D, P.
1967.334, note Waline;
A.
J.
1967.34, chr, Lecat et Massot) ou....
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